«Cette révision clarifie les rôles»
Eric Ducrey, délégué de la région Unia Fribourg
Le militant Eric Ducrey, machiniste, est monté à la tribune pour défendre la position d’Unia Fribourg: il faut opter pour la grande réforme, sinon ce ne serait «qu’un pansement sur une jambe de bois». Il a mis en évidence la séparation entre décisions opérationnelles, dans les régions et au niveau national, et décisions stratégiques: «Les professionnels du syndicat auront le pouvoir de décision sur toutes les questions opérationnelles et les militants le pouvoir de direction politique.»
Quelles sont vos impressions après le vote?
Je m’exprime maintenant en mon nom propre. Je suis très content du résultat. S’il faut changer, autant changer comme il faut, c’est pourquoi Fribourg soutenait la grande réforme. Le prochain congrès tirera un bilan de ces changements et nous pourrons de nouveau discuter s’il y a d’autres aménagements à faire.
J’avais participé aux groupes de rédaction des statuts, notamment aux séances zoom mises en place durant le Covid. Ce qui a été présenté est le reflet de ces discussions. Bien sûr, beaucoup d’autres thèmes ont été débattus, mais ils ne pouvaient être réglés par les statuts.
Quelles implications aura cette réforme?
Cela clarifie les rôles des instances professionnelles et militantes. Il y avait jusque-là beaucoup d’ambiguïté notamment dans les tâches d’un secrétaire régional. Ce dernier devait assurer l’opérationnel et en même temps représenter les militants au comité central. Cette révision importante donne plus de pouvoir stratégique aux militants. Mais cela implique que l’on reçoive suffisamment tôt les ordres du jour pour que l’on puisse en discuter auparavant dans nos groupes.
Un autre point réjouissant est la fin du principe des quatre secteurs (construction, artisanat, industrie et tertiaire) et de leur fonctionnement en silo. Ils seront décloisonnés et cela permettra de donner plus d’attention aux multiples branches. Si, par exemple, la construction a besoin de forces, il sera possible de demander du renfort au tertiaire.
«L’urgence est de renforcer le travail sur le terrain»
Jocelyne Haller, déléguée de la région Unia Genève
Lors du débat, Jocelyne Haller a défendu la position de la région Unia Genève. Elle a exprimé les craintes que cette réforme, présentée comme un renforcement de la participation de la base, semble plutôt donner plus de pouvoir au comité directeur national au détriment des régions et des groupes de militants. La région Genève plaidait pour la variante de la «petite» réforme, voire du statu quo. Le Congrès s’est profilé sur la grande réforme, à l’exception du premier paquet où la petite réforme a été choisie.
Quelle est, à chaud, votre réaction après la décision du Congrès?
A partir de maintenant, il faudra veiller à une bonne mise en œuvre de la nouvelle structure et à son fonctionnement dans la mesure où il a été dit que les militants auraient plus de place. La question est de savoir comment on les accompagne. De mon point de vue, l’intégration des militants de base se fait par deux vecteurs: par les collègues syndiqués expérimentés sur le terrain et par les secrétaires régionaux. Concernant ces derniers, je m’étonne de l’acceptation d’une flexibilité dans leur nomination, qui sera remise en jeu tous les quatre ans. Cela ne correspond pas aux exigences qu’un syndicat devrait avoir en matière de protection du personnel.
Qu’est-ce que cette réforme va apporter?
Je ne suis pas certaine que cette révision des statuts renforce vraiment le pouvoir des militants de base dans le syndicat contrairement à ce qui a été énoncé. Le changement pour le changement n’est pas une bonne chose. Il faut que le changement ait du sens et permette d’atteindre les objectifs visés.
La réforme comporte des risques et aurait mérité mieux. Il faudra être très attentifs à utiliser les instances pour faire entendre les besoins de la base. L’urgence aujourd’hui est de renforcer le travail sur le terrain, soutenir les militants de base et les secrétaires syndicaux face à l’intensification de la dégradation des conditions de travail.
«Nous devons donner le pouvoir aux gens d’agir par eux-mêmes»
Robin Augsburger, militant d’Unia Neuchâtel
Robin Augsburger, chômeur, est militant d’Unia Neuchâtel. Sa région a soutenu la grande réforme. Elle a attiré l’attention du Congrès sur la nécessité d’être vigilants dans la mise en place des nouvelles structures reposant sur des gens qui travaillent, ont une vie familiale et sociale. La région a appelé à trouver des solutions pour rendre compatible le travail militant avec ces impératifs. Robin Augsburger a aussi plaidé, à titre personnel, pour la grande réforme et pour un renforcement de la démocratie sur le terrain, dans la vie quotidienne, dans les entreprises et dans les branches.
Êtes-vous satisfait de l’acceptation de la réforme?
Le mandat pour le Congrès était de sortir d’une situation où, dans le fonctionnement d’Unia, l’appareil occupe une place importante et les militants se reposent beaucoup sur lui, sur les secrétaires syndicaux. Il est positif que les militants de la base soient plus nombreux au comité central. La distinction entre opérationnel et stratégie est aussi importante, mais je ne suis pas sûr que cela était nécessaire. Car cela ne change pas la manière dont les décisions sont construites. Ce n’est pas uniquement avec des changements formels que l’on renforcera la démocratie à l’interne.
Qu’entendez-vous par là?
Le problème est que les propositions viennent souvent de l’appareil. Les membres se prononcent sur leur acceptation ou non, mais n’ont plus de force de propositions. Il n’y a plus vraiment de porte d’entrée pour la pratique syndicale. Soit on demande tout de suite à une personne d’intégrer un comité où de grandes décisions se prennent, soit elle reste dans un rôle passif. On a perdu ce côté militant où les gens tractaient, préparaient les banderoles, présidaient les séances.
Nous sommes aujourd’hui dans une logique où les membres attendent qu’Unia leur offre quelque chose. C’est ce que l’on fait quand on présente le syndicat. Nous devons au contraire ouvrir un espace pour donner le pouvoir aux gens d’agir par eux-mêmes. Leur donner la parole, les laisser prendre des responsabilités. Et laisser de la place à la créativité.