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Vaccination: le cri du cœur de l’urgentiste

Portrait de Joanna Krähenbühl dans un couloir hospitalier.
© Lucas Dubuis

Joanna Krähenbühl, cheffe de clinique au Centre hospitalier de Bienne, souligne le décalage entre ce que vivent les professionnels de la santé et ce que perçoit le reste de la population. Elle témoigne aussi des difficultés et du ras-le-bol des équipes soignantes, sous-pression depuis un an et demi.

Médecin au Centre hospitalier de Bienne, Joanna Krähenbühl implore les récalcitrants au vaccin de remonter leur manche

«C’est mon cri du cœur: allez vous faire vacciner, les risques sont infimes et nous n’avons pas d’autres solutions adéquates actuellement!» Cheffe de clinique en médecine interne au Centre hospitalier de Bienne, Joanna Krähenbühl témoigne de son quotidien au service des urgences et implore les récalcitrants de franchir le pas.

«Nous avons des personnes qui arrivent quotidiennement à l’hôpital avec le Covid et des problèmes pour respirer, nous devons les hospitaliser quelques jours et la plupart connaissent des complications et des situations extrêmement difficiles. Nous avons beaucoup de décès», explique la doctoresse, qui ne cache pas avoir été surprise, avec cette quatrième vague et la prédominance du variant Delta, de voir débarquer «de jeunes gens en bonne santé, alors que, précédemment, nous avions plutôt affaire à des personnes âgées avec des facteurs de risque. La moyenne d’âge tourne autour des 40-50 ans, avec des malades qui peuvent avoir 25 ans – le plus jeune patient hospitalisé longtemps aux soins intensifs avait 18 ans.»

Le contraste entre ce que vivent les professionnels de la santé et ce que perçoit le reste de la population peut être fort, remarque-t-elle. «Pour nous, c’est assez difficile de passer la journée avec des patients atteints du Covid, et puis, de sortir et d’entendre qu’il ne s’agit que d’une petite grippe inoffensive. Nous avons l’impression que la population ne se rend pas vraiment compte de la gravité de certaines atteintes provoquées par le Covid et de ce qu’elles impliquent pour le système de santé. Quand ils arrivent à l’hôpital, les malades nous disent que c’est horrible, qu’ils sont en train d’étouffer et regrettent de ne pas être vaccinés. On voit qu’ils n’avaient pas saisi ce que signifie être malade du Covid.»

C’est le Covid qu’il faut craindre, pas le vaccin

Joanna Krähenbühl a travaillé durant huit mois aux soins intensifs l’année passée. Ce qu’il faut comprendre, insiste-t-elle, c’est que, contrairement à d’autres maladies, il n’existe pas de véritable remède face au Covid. «Nous pouvons donner de l’oxygène et des traitements pour diminuer l’inflammation, mais cela ne permet pas aux poumons de lutter contre la maladie. Nous avons aussi un médicament, le Remdésivir, qui a montré un petit effet sur l’évolution de la maladie et que l’on donne dans certains cas. La seule chose que nous ayons de solide, c’est la prévention et un vaccin efficace. Alors oui, il est important de se faire vacciner, parce que c’est ce que nous avons de mieux contre la maladie. Une fois que les gens sont malades, nous n’avons plus beaucoup d’outils pour les soigner.»

Ce qui, on l’imagine, doit engendrer chez un médecin de la frustration, surtout dans le cas d’une maladie dont il existe un vaccin. «C’est extrêmement difficile pour le moral du personnel soignant, confie Joanna Krähenbühl. Lorsque, après le travail, je rencontre des amis ou des membres de ma famille sceptiques ou craintifs face au vaccin, je suis triste de constater à quel point les rumeurs propagées sur les réseaux sociaux sont répandues. Cette désinformation met les gens en danger! Il faut dire et répéter que les effets secondaires et les risques liés au vaccin sont vraiment infimes par rapport aux atteintes du Covid. Avoir peur du vaccin, c’est prendre le problème du mauvais côté, c’est le Covid qu’il faut craindre. Il y a de quoi être frustré face à ce niveau de désinformation, alors que nous disposons de l’outil nous permettant de soulager le système de santé et d’éviter des morts inutiles. Avec un vaccin gratuit et disponible, chaque décès du Covid est une mort qui aurait pu être évitée.»

Ras-le-bol du personnel

«On remarque au sein des équipes soignantes un ras-le-bol de travailler dans ces conditions, d’être confronté à la détresse que représentent les hospitalisations et les décès liés au Covid, poursuit notre interlocutrice. Les équipes sont sous pression depuis maintenant une année et demie. Au début, nous étions motivés, mais nous sommes passés d’une vague à l’autre avec à peine le temps de récupérer entre deux et, aujourd’hui, nombre d’entre nous sont proches de craquer, nous avons beaucoup de démissions et une pénurie de personnel infirmier. Nous aimerions engager davantage, mais nous ne trouvons pas et devons fermer des lits par manque de personnel. Ce qui est totalement absurde vu le manque général de place. Cette situation est observée dans tous les hôpitaux de la région.»

Et la praticienne de raconter que, durant la deuxième vague, l’un de ses patients a été trimballé dans trois hôpitaux différents de deux cantons. «Vous pouvez bien imaginer que, pour le patient, le personnel soignant et la famille, ce n’est pas évident de passer d’un hôpital à l’autre parce qu’on manque de lit. Même si, au niveau suisse, il y a encore des places disponibles, nous connaissons actuellement une pénurie nécessitant de nombreux transferts. Et ce pour tous les patients, pas seulement pour ceux atteints du Covid.»

Conclusion: «Nous sommes dans une situation où l’on travaille plus avec moins de personnel. Il faut qu’on parvienne à sortir de cette crise et le moyen reste la vaccination.»

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