L’Organisation internationale des travailleurs est récemment parvenue à une percée importante en inscrivant dans les droits fondamentaux la santé et la sécurité des employés
Un pas important pour les salariés a été franchi lors de la conférence annuelle de l’Organisation internationale du travail (OIT) en juin dernier. A cette occasion et après d’âpres pourparlers, l’institution est parvenue à inscrire la santé et la sécurité au travail (SST) dans les droits fondamentaux. Désormais, cette question complète les quatre principes primordiaux, à savoir la liberté d’association et le droit à la négociation collective, les interdictions du travail forcé, du travail des enfants et de la discrimination dans l’emploi. «C’est une véritable révolution», commente Michel Guillemin, membre fondateur de l’association Santé globale et travail, qui a consacré sa carrière professionnelle à la thématique. Aujourd’hui, le directeur retraité de l’Institut universitaire romand de santé au travail continue à s’investir et à suivre les évolutions dans le domaine. «Même si elle n’a pas ratifié les Conventions 155 et 187 traitant de la problématique, la Suisse doit désormais les intégrer dans le droit constitutionnel et les appliquer. Ce n’est plus à la carte. La SST ne pourra plus rester confinée dans la Loi sur le travail et celle sur l’assurance accidents», se réjouit le spécialiste, soulignant encore que notre pays était le seul, sur les 178 membres de l’assemblée de l’OIT, à avoir voté en 2006 contre la Convention 187. «En ratifiant cette dernière, les Etats s’engagent à élaborer une politique nationale et un programme aux objectifs clairs, c’est-à-dire une culture qui intègre le droit à un milieu de travail sûr et sain.» Un chemin qui n’a, à ce stade, pas été emprunté par Berne, selon Michel Guillemin, en dépit d’une tentative de rattrapage...
Intérêts divergents
«La Suisse a été informée via son ambassadrice permanente à l’OIT de l’imminence de la décision. Elle a alors réuni tous les acteurs concernés par la thématique au sein d’une plateforme institutionnelle dont Promotion Santé Suisse. Cette fondation de droit privé ne peut se substituer à l’Office fédéral de la santé publique (OFSP). Les différents partenaires ont des intérêts divergents; chaque structure a son angle de vue. A ce stade, cette plateforme n’est qu’un indescriptible bricolage, un substitut bancal à la Convention.» L’application de cette dernière devrait notamment favoriser l’identification et la résolution de problèmes non reconnus comme maladies professionnelles, car ils échappent aux critères des assurances. Il s’agit en particulier des risques psychosociaux – hors de contrôle, selon Michel Guillemin, insistant sur le rôle que peuvent et doivent jouer les responsables des ressources humaines en la matière – et de certains troubles musculosquelettiques. La pandémie de Covid-19, note encore l’expert, a elle aussi exacerbé certaines menaces – dont l’épuisement du personnel hospitalier – et fait en émerger d’autres: modes de management face au télétravail, gestion du personnel à distance, etc. «Il faut désormais avoir une approche globale de la SST incluant les risques professionnels de toute nature et faire pression pour que des outils et des indicateurs soient créés afin de pouvoir mieux les mesurer. L’obligation de respecter la nouvelle réglementation devrait favoriser une meilleure reconnaissance de la souffrance des travailleurs et des travailleuses, désormais contraire aux droits institutionnels.» Dans ce contexte, Michel Guillemin plaide en faveur de la création d’un Observatoire national des conditions de travail, à l’image de celui instauré par le Canton de Genève. «Un bel exemple de progrès. Reste plus qu’à espérer que l’OFSP et sa nouvelle plateforme s’en inspirent...»