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Virus, délire, climat & solidarité

L’épidémie du présent coronavirus, dit Covid-19, donnera longtemps encore matière à réfléchir à la fois pour les sociologues, les spécialistes en psychologie collective et les observateurs de l’ordre politique. Et pour ceux qui se penchent sur l’Histoire et les actualités syndicales? Peut-être bien.

Vous commencez par ceci: une nouvelle version de la maladie infectieuse suscitée par la vaste famille des coronavirus, pouvant se révéler pathogène chez l’homme comme chez l’animal, et pouvant se révéler dangereuse en fonction de leur caractère possiblement mortel, apparaît dans l’un des systèmes politiques et policiers les plus perfectionnés jusqu’au délire à la surface de la planète, c’est-à-dire en Chine. Sur quoi survient ce premier événement révélateur que chacun connaît aujourd’hui: le jeune médecin qui découvre ce nouveau micro-organisme est malmené par l’appareil répressif local, puis succombe sous les effets du mal et s’érige en martyr collectif spontanément salué, bien sûr à la consternation du pouvoir.

Autrement dit la vérité scientifique du médecin est terrassée par le discours de la vérité telle que Pékin le répète en mensonge permanent; et s’en trouve d’autant plus terrassée, cette vérité scientifique, qu’elle rend service à la population dont se réclame pourtant constamment le même Pékin pour légiférer et réprimer en proclamant sa référence continuelle au «peuple»… Tripotage et trafic du réel, et donc aussi des langages, par l’Etat qui s’en trouve aujourd’hui démontré dans sa nudité dans son horreur et son imposture objectives absolues — comme on dit que le «roi est nu».

Deuxième observation, celle qui porte sur la fusion de l’information planétaire hyperfébrile (c’est le cas de le dire) autant qu’hyperinterconnectée, et de la panique à l’échelle des sociétés humaines qu’elle est censée renseigner dans une perspective d’intelligence et de réflexion. Il y a d’une part les chiffres, et de l’autre les comportements. Les premiers sont connus: à la fin de la semaine dernière, on dénombrait la survenue de 90000 cas environ, dont plus de 3000 ayant provoqué la mort dans 66 pays et territoires – la Chine, avec 2 912 décès, étant la plus touchée.

Or ces données sont à mettre en balance avec les dégâts dus à la grippe ordinaire, qui provoque selon l’Organisation mondiale de la santé 290000 à 650000 décès par année dans le monde entier. Des conséquences d’une ampleur incomparable et donc une production de l’effroi collectif pareillement incomparable, en principe, avec celui qui saisit aujourd’hui les foules au nom du Covid-19.

Que voir et que percevoir dans ce phénomène inouï, qui relève à maints égards de la psychose et de l’égarement généralisés?

D’abord et surtout, peut-être, cet élément-ci: faute de pouvoir encore se mobiliser efficacement pour des causes impliquant davantage que leur ego d’humains strictement individualistes, comme la lutte contre le réchauffement climatique, par exemple, nos contemporains s’alarment exclusivement face à tout ce qui pourrait menacer leur quant-à-soi bouffi de consommateurs jouisseurs, d’adorateurs sportifs entassés en grumeaux dans les stades, ou, par exemple, de voyageurs compulsifs «easyJetsetteurs». Le coronavirus constituant aujourd’hui cette menace, et s’avérant d’ailleurs l’agent momentané le plus efficace amenant les pays de la planète à respecter l’Accord de Paris sur le climat… C’est mon hypothèse, qui n’est pas encourageante.

Dans la foulée, et puisque nous voici réunis par ces colonnes sous les auspices d’une conscience ouvrière et syndicale haute élevée, on peut s’interroger sur les ressorts et les processus de cette opération mentale et politique qui s’appelle la mobilisation.

Sur ce point, le coronavirus réussit en effet ces jours-ci tout ce que ne réussit pas la situation climatique évoquée tout à l’heure – et non seulement cette situation climatique, mais la situation des êtres qui sont de plus en plus pauvres et démunis sur le plan matériel, ou celle des femmes que le règne du Mâle écrase comme depuis des millénaires dans maints domaines sociétaux, et d’un bout à l’autre des six ou huit continents (selon notre manière de les distinguer) distribués à la surface du globe terrestre.

Restaurer dans nos critères d’alerte générale le pouvoir de quelques virus positifs pouvant nous infliger une ou deux maladies vitales, comme celles de l’estime vis-à-vis d’autrui, ou de la solidarité ne relevant pas du sauve-qui-peut lamentable et grotesque en cours, voilà qui ferait bien dans le paysage.