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Propre en ordre

La Maison Romande de la Propreté forme près de 300 élèves par année

Depuis quasi 10 ans, l'école sise à Crissier dans le canton de Vaud, dont la fondation est gérée par un collège patronal et syndical, forme les futurs «agents de propreté» dans le cadre d'apprentissages et de formations continues.

Pour atteindre la «Maison Romande de la Propreté» à Crissier, il faut plonger au cœur de la banlieue industrielle lausannoise, puis traverser une usine de recyclage de déchets. «Grâce à notre voisin, il suffit d'ouvrir les fenêtres pour que la saleté entre», relève en souriant le directeur du centre de formation, François Bouyssarie. «Mais, en période d'examen, on doit quand même en rajouter nous-même.» La crasse, une nécessité pour les cours pratiques donnés aux apprentis «agents de propreté» et aux autres étudiants: les diplômes vont du CFC à la maîtrise fédérale, et la filière inclut également formation continue et réinsertion professionnelle.
En ce jeudi après-midi, la majorité des 14 élèves, de tous âges et de toutes origines sociales et culturelles, ont été envoyés par l'ORP pour deux jours de formation de base, théorique et pratique, aux techniques de nettoyage d'entretien des bureaux et des sanitaires.

Techniques et ergonomie
«Première opération: s'occuper des déchets, puis du mobilier, des rebords de fenêtres et de temps en temps des radiateurs et des plinthes. Et on finit toujours... par le sol», explique le formateur Pierre Gigon. S'ensuivent des précisions sur les produits de nettoyage, et sur les bons gestes à acquérir, par souci d'efficacité, de propreté, mais surtout de la protection de la santé des travailleurs. Comment nettoyer une table et passer l'aspirateur sans se faire mal au dos sont des exemples frappants.
Les élèves se prêtent de bon cœur à l'exercice, solidaires et enthousiastes, le mot pour rire jamais loin. Un jeune homme, qui préfère garder l'anonymat, lance en plaisantant: «Ce que l'on apprend ici, on en a besoin comme célibataire. Quand on va draguer, on peut montrer notre certificat, ça peut aider!» Puis plus sérieusement: «J'ai été boucher pendant 8 ans, maintenant j'ai envie de devenir concierge ou de faire du nettoyage dans une usine ou, mieux, dans une entreprise privée.»
Une jeune femme, sans métier ni certificat, espère quant à elle que cette formation pourra lui ouvrir des portes. «J'ai appris plein de choses, comme enlever des taches plus facilement ou passer l'aspirateur sans se fatiguer. C'est super! Mais j'avoue que je préférerais travailler dans une usine ou dans la vente...»

Un métier en évolution
«Certes le métier est ingrat. Mais il est extrêmement utile et non délocalisable», souligne François Bouyssarie. Dans le milieu depuis les années 80, il parle de l'évolution d'une profession de plus en plus exigeante. «A l'époque, aucun diplôme n'était requis. Il y a 20 ans, il suffisait de 2 heures pour expliquer le nettoyage de base. Aujourd'hui, il faut 2 jours. Le nettoyage dans le domaine hospitalier ou dans l'agroalimentaire, par exemple, est extrêmement pointu. De manière générale, depuis une douzaine d'années, les techniques et les matériaux, surtout les accessoires, ont évolué. Et avec la pression sur les coûts, la vitesse d'exécution s'est accélérée...» Selon lui, le métier exige, entre autres qualités, une bonne condition physique, du sens pratique, et le sens de l'autonomie.
Evolution aussi en termes de protection des travailleurs. Pour rappel, une CCT dans la branche existe dans le canton de Vaud depuis 2001 et la CCT romande (hormis Genève) a été mise sous toit en 2004. Au cours de la même année, la «Maison Romande de la Propreté» a été fondée par l'association professionnelle FREN (Fédération romande des entrepreneurs en nettoyage) et des fonds paritaires. La fondation est depuis gérée par un collège patronal et syndical, avec actuellement pour président Aldo Ferrari, membre du comité directeur d'Unia.

Une CCT romande
«Pour cette CCT, on est parti de rien. A l'époque, le salaire horaire était de 12 francs. Aujourd'hui, sans CFC, le minimum est de 20,70 francs (en comptant les vacances et le 13e salaire), plus de 25 francs pour un employé avec CFC. Et les salaires seront plus élevés dans la nouvelle CCT dès 2014 qui inclura enfin le canton de Genève», explique François Bouyssarie, pour qui d'autres mesures sont nécessaires, notamment au niveau de l'organisation du travail. «Il faudrait un changement culturel afin que le travail de nettoyage puisse se faire pendant les heures de bureau. Il n'y a aucune raison que les personnes soient cachées et astreintes à des horaires décalés et à des temps partiels contraints.» Pierre Gigon abonde en ce sens. «En France, le nettoyage des bureaux se fait durant la journée, sans aucun problème.»
Quant à l'évolution de la «Maison Romande de la Propreté», le directeur estime que les cours de gestion et de management pourraient devenir plus nombreux, au vu des besoins exprimés par les entreprises. A noter que les concierges, organisés au sein de l'Arae (l'Association romande des concierges et des agents d'exploitation), n'y sont plus formés depuis 2012.
Pour cette nouvelle année scolaire, la «Maison Romande de la Propreté» accueille 57 apprentis pour le CFC (Certificat fédéral de capacité: 3 ans) et 42 pour l'AFP (Attestation fédérale de formation professionnelle: 2 ans). Paradoxalement, la majorité ne travaille pas dans des entreprises de nettoyage, mais dans des établissements tels que le CHUV, les CFF, les communes, les institutions d'insertion... Et près de 200 personnes devraient y suivre des cours de formation continue. Autant d'étudiants qui apprécieront certainement le déménagement courant 2014 de la «Maison Romande de la Propreté». «On va quitter cet environnement ‘salissant', se réjouit le directeur, et surtout se rapprocher des transports publics, vraisemblablement près de la gare de Renens.»

Textes Aline Andrey
Photos Neil Labrador


Témoignages

Eduarda Simão: «L'ORP m'a proposé ce cours et j'ai accepté. Jusqu'en mai, je faisais le ménage dans un EMS. J'ai déjà une formation comme employée en intendance, mais j'avais envie d'apprendre comment utiliser des machines, comme la monobrosse», dit-elle, enthousiaste. «Pendant ces deux jours, j'ai aussi appris de nouvelles postures de travail et des techniques, comme le balayage en huit.»
Rose Banz (à gauche): «Je travaille à temps partiel dans une résidence pour personnes âgées. Avant, j'étais indépendante, propriétaire d'un magasin africain et d'un petit restaurant. Mais j'ai dû fermer. Maintenant, j'aimerais travailler à domicile auprès des personnes âgées. Pendant ce cours, j'ai beaucoup appris. Par exemple, je ne savais pas qu'il ne fallait pas mélanger l'eau de javel avec d'autres produits, ou par où commencer pour gagner du temps. Chez moi, au Cameroun, on lave avec un simple torchon et avec les pieds et les mains. Je me dis que ce que j'apprends ici, je peux aussi le transmettre là-bas, surtout dans ma petite organisation de soutien aux enfants des rues.»

Candido Tembras: «J'ai travaillé pendant 7 ans comme concierge dans une entreprise. C'est un métier qui me convient, même si c'est physique. On marche beaucoup surtout. Dans ma vie, j'ai un peu tout fait: de la mécanique, de la livraison... Les méthodes apprises ici, je les connaissais déjà. Mais le certificat peut peut-être aider. Aujourd'hui, les employeurs font la fine bouche. Ils aimeraient payer des salaires de 3500 francs par mois et que leur employé soit jeune mais avec déjà 10 ans d'expérience... Les gens d'un certain âge sont simplement mis de côté.»

Jean-Claude Cochard: «Je suis ici pour un «refresh» (un rafraîchissement). J'ai fait moi-même du nettoyage il y a 12 ans. Et maintenant j'encadre des équipes. Cependant j'estime qu'on doit savoir de quoi on parle. Je reviendrai ici cet automne pour des cours de gestion d'équipe. Ces cours sont payés par mon entreprise. Tout est très bien expliqué, dans la convivialité et une ambiance détendue, mais avec sérieux.»