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Personnel épuisé chez Securitas

Les syndicalistes Jamshid Pouranpir et Pablo Guscetti.
©Neil Labrador

Manque de personnel, baisses de salaires, horaires de travail démentiels, suppression de pauses, licenciements et démissions massifs: autant de problèmes dénoncés par les syndicalistes Jamshid Pouranpir, du SSP, et Pablo Guscetti, d’Unia.

Les employés chargés de l’accueil des passagers à l’aéroport de Cointrin sont à bout. Soutenus par le SSP et Unia, ils exigent une amélioration rapide de leurs conditions de travail

Depuis que Securitas opère à l’accueil des passagers à l’aéroport international de Genève, en juin 2018, les syndicats s’arrachent les cheveux. Manque de personnel, baisses de salaires, horaires de travail démentiels, pauses supprimées, licenciements et démissions massifs: les choses doivent rentrer dans l’ordre urgemment pour les quelque 180 employés, selon le SSP et Unia. «Ils n’ont même pas le temps d’aller aux toilettes, s’indigne Jamshid Pouranpir, secrétaire syndical au SSP. L’autre jour, une collaboratrice a pris son service à 11h et a eu sa première pause à 19h. C’est révoltant et incroyable de voir que cela arrive encore à Genève en 2019!» Lors d’une conférence de presse le 20 février, syndicats et employés (lire ci-dessous) ont dénoncé des conditions de travail scandaleuses mais aussi l’attitude de Securitas face au partenariat social. «En août, nous préparions une manifestation et Securitas a saisi la Chambre des relations collectives de travail pour contrer le mouvement, rappelle le syndicaliste. Depuis, l’entreprise conteste la représentativité du SSP et essaie de diviser nos deux syndicats. Du coup, elle a demandé à la CGAS une médiation, mais celle-ci n’a pas encore commencé, et face à l’urgence des faits, nous n’avons pas le temps d’attendre des semaines, voire des mois, pour se mettre autour de la table.» Si Jamshid Pouranpir se demande si cette médiation n’est pas une nouvelle manœuvre pour retarder l’échéance, il se dit prêt à jouer le jeu. «Nous serons présents, et nous verrons si la bonne foi est au rendez-vous.» Les revendications sont les suivantes: stopper les licenciements, exiger le respect scrupuleux des lois et notamment celles relatives au transfert d’entreprise et à la protection de la santé du personnel, refuser les baisses de salaires, obtenir des pauses réglementaires et établir une communication transparente et respectueuse avec les représentants du personnel. A suivre...

 

«Traités comme des rats»

Lucie (prénom d’emprunt) a été embauchée par Securitas lorsque l’entreprise a décroché le mandat à Cointrin, mettant son prédécesseur ISS sur la touche. Elle décrit des conditions de travail insupportables.

«Nous sommes épuisés moralement et physiquement. Nous travaillons jusqu’à 11 heures par jour et les temps de pause ne sont pas respectés. Actuellement, c’est la période charter avec la saison de ski, les passagers sont très nombreux mais, étant en sous-effectifs, Securitas n’arrive pas à nous donner nos pauses. Elles sont notées mais on ne peut pas les prendre! Samedi dernier, j’ai travaillé 10h30 d’affilée avec deux pauses de 30 minutes. Pourtant, l’aéroport paie Securitas pour qu’on ait 15 minutes toutes les 2 heures, mais il n’y a personne pour nous relayer donc elles sautent. De plus, nous n’avons pas de salle de pause digne de ce nom: avec les collègues, on mange et on se repose dans les vestiaires, au sous-sol, comme des rats. Si, au moins, on était bien payés, mais ce n’est pas le cas. Nous sommes censés avoir un salaire fixe, mais je n’ai jamais le même montant à la fin du mois. Je dois toujours contrôler ma fiche de paie: par exemple, j’ai été payée 113 francs de moins que le mois dernier, et on n’a toujours pas daigné me donner une explication… D’autant que nos conditions diffèrent de ceux qui étaient chez ISS avant: ils gagnaient jusqu’à 3 francs de plus par heure, ils avaient 50 francs de frais de pressing par mois, nous zéro, et ils pouvaient prendre une 5e semaine de vacances à leurs frais, pas nous. Ces inégalités de traitement ne sont pas normales.

Nous travaillons pour une entreprise de sécurité, mais les employés eux-mêmes ne se sentent pas en sécurité. Et entre nos horaires et les problèmes de sous-effectifs, nous avons peur qu’un passager à risque nous échappe, par fatigue ou inattention de notre part.

Aucune communication n’est possible avec l’employeur, et il n’y a plus aucune confiance non plus. Les employés se montrent solidaires mais beaucoup n’osent pas se mobiliser ou aller vers les syndicats car ils ont peur de perdre leur emploi. Nous avons créé un groupe WhatsApp pour échanger des informations entre nous et nous organiser, à la suite de quoi la direction nous a fait parvenir une lettre nous disant que c’était interdit et que nous devions nous tenir à la confidentialité. L’intimidation va plus loin car, dès que Securitas est confronté à des travailleurs qui résistent, il les licencie. Je suis persuadée que c’est ce qui s’est passé dans mon cas. J’ai été remerciée du jour au lendemain, mi-décembre, pour «raisons économiques» alors que des auxiliaires ont déjà été embauchés en janvier et que des offres d’emploi circulent encore: quelle ironie! Je devais finir mon contrat fin février mais à cause de deux jours d’arrêt maladie ce mois-ci, mon préavis a été prolongé au 31 mars: eh bien, je préfère être pénalisée au chômage plutôt que de travailler 30 jours de plus là-bas!»

 

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