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Des banderoles pour les femmes invisibles

Devant les politiciennes, les militantes d’Appel d’elles ont levé silencieusement des banderoles demandant justice et protection pour les femmes migrantes.
© Aline Andrey

Devant les politiciennes, les militantes d’Appel d’elles ont levé silencieusement des banderoles demandant justice et protection pour les femmes migrantes.

Devant la conseillère fédérale Simonetta Sommaruga et les conseillères d’Etat vaudoises, des militantes pour les droits des migrantes ont dénoncé le sexisme d’Etat

Sous la pluie de cette matinée du 14 juin, une vingtaine de militantes d’Appel d’elles – en faveur de la protection, du soutien et de la régularisation des femmes migrantes en Suisse – arrivent discrètement sur le parvis du Gymnase du Bugnon, en grève, à l’instar de bon nombres d’établissements scolaires. Les médias sont en attente de la conseillère fédérale Simonetta Sommaruga qui apparaît soudain sous un parapluie rouge, et aussitôt accueillie par les conseillères d’Etat vaudoises. Silencieusement, les militantes brandissent des banderoles portant le nom de femmes migrantes et de leurs enfants frappés de décisions de renvoi. «Mehret: Erythréenne, emprisonnée et violée. Décision de renvoi.» «Olanna et ses 2 filles: nigériane, victime de traite humaine. Décision de renvoi.» «Tekleab et son fils: à la rue en Grèce, enceinte de 7 mois. Décision de renvoi vers la Grèce.» Quelques noms parmi beaucoup d’autres femmes invisibles en ce jour historique. Les politiciennes esquivent et ne diront pas un mot sur cette action demandant justice et protection pour les migrantes.

Un peu plus tard, Graziella de Coulon, militante d’Appel d’elles, sur la place St-François, devant une foule violette, prend la parole «au nom de toutes celles qui n’osent pas parler, n’osent pas s’exposer et n’osent même pas venir aujourd’hui avec nous sur cette place de peur de se faire repérer ou arrêter», «des rescapées du pire, qui vivent en Suisse en sursis, dans l’angoisse de l’expulsion dont on les menace». Et la militante de dénoncer: «De nos politiciennes, élues pour leurs compétences mais aussi parce que ce sont des femmes, nous avons le droit d’attendre une politique différente de celle de leurs collègues hommes. Je leur demande d’oser se distancier des décisions, souvent encore trop confisquées par les hommes, de leurs collègues ou de leurs partis. Qu’elles osent prendre des positions courageuses, pour changer le cours de la vie d’autres femmes...»

appeldelles.ch

Féminisme au gymnase

Se faufilant entre les gouttes et les banderoles qui rappellent l’histoire tragique de femmes migrantes, les politiciennes entrent dans le gymnase du Bugnon. Leur objectif: rencontrer une classe de première année, et récompenser quatre étudiantes, Laïa, Louise, Marie et Mathilde, pour leur travail vidéo féministe créé dans le cadre d’un concours* lancé par le Département de la formation, de la jeunesse et de la culture (DFJC). «Ce projet a ouvert la discussion sur la grève, les stéréotypes, les inégalités. Même si l’on n’est pas encore confrontées au monde du travail, qu’on a l’impression d’avoir les mêmes chances que les garçons, on vit du sexisme ordinaire: des regards, des remarques sur nos vêtements ou nos poils. Or ce qu’on veut c’est que nos choix soient respectés et, plus largement, une acceptation de l’autre tel qu’il est», relèvent les étudiantes, pour qui cette rencontre est surtout l’occasion de mieux connaître le chemin parcouru par ces politiciennes. «Toutes ont vécu des situations inégalitaires, et ont dû s’imposer. Se battre est essentiel», souligne une étudiante. Des modèles pour les unes. Pas vraiment pour une autre, qui pense toutefois qu’elles ont le pouvoir de faire changer les choses.

«Entre notre génération et la leur, l’égalité a progressé, même s’il y a encore parfois des régressions», commente dans les couloirs, la conseillère d’Etat socialiste Nuria Gorrite qui connaît bien les lieux pour y avoir fait ses études. «Je me souviens qu’à l’époque, les remarques à caractère sexiste existaient, mais n’étaient pas nommées. On n’était pas légitimées à les exprimer. Je trouve génial comme ces jeunes femmes osent prendre aujourd’hui la parole.» Et son homologue verte, Béatrice Métraux, de lancer aux étudiantes, en guise de conclusion: «Ne lâchez rien! Jamais!»

*toutes1histoire.ch

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