Les ouvriers américains relèvent la tête
«On travaille dur, et durant de longues heures. La moindre des choses c’est qu’on soit payés à la hauteur de notre travail.» «On veut qu’ils nous rendent tout ce qu’on a dû céder quand l’entreprise était en faillite. Cette grève est un simple rappel. Rendez-nous ce qu’on vous a donné.» Ces voix, relayées par Radio France internationale, sont celles de deux des quelque 50000 grévistes de General Motors aux Etats-Unis. Depuis le 16 septembre, les syndiqués de l’Union Auto Workers (UAW, Travailleurs unis de l’automobile) sont en grève dans plus de 50 sites du groupe. Une grève historique, qui a débuté lundi sa cinquième semaine, et qui a des répercussions sur les usines de General Motors au Canada et au Mexique, contraintes de baisser ou de cesser leur production faute de matériel. C’est la plus longue grève connue par le géant automobile depuis 1970, et la première depuis 12 ans.
A l’origine de ce gigantesque arrêt de travail, l’exigence que les sacrifices faits par les employés après la crise de 2008 pour remettre l’entreprise sur les rails soient reconnus et restitués. La crise avait lourdement frappé la ville de Détroit, capitale de l’automobile, et toute la filière de production. En 2009, General Motors avait été sauvé de la faillite par l’administration Obama et les contribuables américains, les ouvriers y laissant aussi des plumes. Depuis, le groupe a renoué avec les bénéfices. Des profits mirobolants. Rien que pour ces trois dernières années, ils se sont chiffrés à 35 milliards de dollars en Amérique du Nord. Et la patronne, Mary Barra, s’est offert en 2018 un salaire de 21,87 millions de dollars, soit 281 fois le salaire médian de son personnel.
La grève a démarré deux jours après l’échéance de la convention collective de travail, à la suite de l’échec des négociations pour son renouvellement. Les revendications du personnel sont claires: des salaires justes, des soins de santé d’un coût abordable (le système de santé américain est lié aux entreprises), une part des bénéfices, la sécurité de l’emploi et l’accès, pour les temporaires, à un poste permanent. A ces exigences s’ajoutent des préoccupations engendrées par les plans de General Motors de suppression de 15% des emplois et d’arrêt de certaines usines annoncés fin 2018, et mis en partie en œuvre. Autre souci, les menaces sur l’emploi provenant du développement des automobiles électriques, dont la construction serait moins friande en main d’œuvre. Le personnel veut des garanties sur le maintien des postes de travail.
Le combat des travailleurs de General Motors est exemplaire. Il s’attaque au problème du travail intérimaire qui s’est étendu comme une traînée de poudre sur toute la planète. Il exige la reconnaissance de la valeur du travail. La nécessité de vivre dignement de ce dernier. Il s’inscrit aussi dans les préoccupations climatiques en exigeant que les nouvelles technologies ne se développent pas sur le dos des salariés. Et replace au cœur de la lutte, la justice sociale. Les travailleurs de Détroit, d’Amérique et de tous les pays ont payé un très lourd tribut à la crise de 2008-2009. Avec quels résultats? Des riches encore plus riches. Des inégalités décuplées... Les grévistes de General Motors n’acceptent plus. Ils ouvrent la voie de l’émancipation des travailleurs.