Plus d’informations:
La Grève du climat est de retour
Vendredi 4 septembre, des milliers de jeunes ont rappelé l’urgence de la crise climatique dans de nombreuses villes de Suisse. Reportage à Lausanne
«Les signes ne trompent pas. Qu'il s'agisse de la misérable loi sur le CO2, du sauvetage de l'industrie aérienne suisse ou de la politique agricole peu ambitieuse présentée par l’Office fédéral de l’agriculture en février, notre gouvernement montre clairement que ce ne sera pas non plus cette année qu’il prendra des mesures pour lutter contre la crise climatique et écologique.» Face à ce constat amer, la Grève du climat (GdC) a appelé à manifester vendredi 4 septembre. Dans 18 villes, dont Delémont, Bienne, Fribourg, Genève, Neuchâtel, Zurich, Berne ou encore Bâle, des milliers de personnes ont répondu à l’appel, moins nombreuses que lors des dernières manifestations, mais toujours aussi déterminées face à l’urgence de la situation. A Lausanne, quelque 1000 personnes ont défilé bruyamment avec en tête de cortège un groupe de clowns taquins et la fanfare ROR (Rhythms of Resistance) des Alpes. Intergénérationnelle, la manifestation a regroupé aussi les Grands-parents pour le climat, les Parents pour le climat, et Extinction Rebellion (XR).
Daniel, 16 ans, au gymnase, distribue des masques gratuitement: «Ma prof est largement en faveur de notre mouvement donc je n’ai pas eu de souci pour venir, mais je sais que d’autres enseignants ont découragé leurs élèves. Pourtant le corona n’a rien changé: le climat est toujours un problème, notre avenir n’est pas assuré.» Jonas, Nora et Jonas, 13 ans chacun, disent vouloir sensibiliser les autorités, et la population dans son ensemble: «Il faut que les gens se rendent compte de la situation. On tient à notre futur.»
L’heure est grave
De la place de la Gare au centre-ville, les mêmes slogans résonnent: «Et un, et deux et trois degrés, c’est un crime contre l’humanité!» ou «On est plus chaud plus chaud que le climat…». Sur les pancartes, des messages politiques au sens large: «Les vrais coupables: la finance, les multinationales» ou encore «Tuez les baleines de soutien-gorge, pas celles des océans!» A l’arrivée, sur la place de la Riponne, les discours sont résolus. Un panel riche d’orateurs (étudiant, physicienne, avocate, médecin, syndicaliste, mère, grand-père, etc.) en appelle à une désobéissance civile de masse, rappelant la lutte des suffragettes ou de Rosa Parks. «Les jeunes n’ont aucun moyen d’agir sur votre dite démocratie qui ne respecte même pas l’Accord de Paris que la Suisse a signé», s’insurge Sébastien de la GdC. Julia Steinberger, professeure à l’Université de Lausanne et membre du GIEC, martèle: «Il nous faut des transformations fondamentales, urgentes et systémiques pour ne pas dépasser les 1,5 degrés. C’est une question de vie ou de mort.»
Blaise Genton, professeur de médecine tropicale à Unisanté et membre de Doctors for XR, rappelle les millions de morts liés aux canicules et à la pollution: «Soigner les malades du Covid c’est bien, mais ne pas soigner la planète, ça n’a plus de sens. Nous sommes dans un système non pas de santé, mais de maladie. La médecine curative doit devenir préventive. La manière dont nous vivons nous rend plus vulnérables aux pandémies. Et donc le climat doit faire partie du débat sur les mesures à prendre face au Covid.» Irène Wettstein, avocate, dénonce: «Partout dans le monde, des activistes risquent la prison pour avoir voulu réveiller les consciences par des actes de désobéissance civile… La justice doit avoir une vision plus large face à ces militants qui luttent pour le respect de la planète, le droit à la vie.» David Gygax, secrétaire syndical du Syndicat des services publics, appelle à unir les luttes et à l’organisation d’une grève générale. Pour l’heure, le prochain rendez-vous d’ampleur des mouvements écologistes, baptisé «Debout pour le changement» (Rise up for change) est prévu du 20 au 25 septembre à Berne avec la gageure d’introduire «la question du changement de système dans le débat public».