Deux manifestations simultanées à Lausanne et à Genève ont vu plus d’un millier d’opposants aux projets autoroutiers se mobiliser en vue des votations du 24 novembre.
«Qui sème des routes, récolte du trafic.» «Les autoroutes, ça sert à aller dans le mur… plus vite!» Ou encore: «Alberation, démission!» Autant de messages qu’on pouvait lire sur des pancartes tenues à bout de bras à Lausanne, samedi 5 octobre.
Vers 14h, le cortège de plusieurs centaines de personnes s’ébranle. Au micro, Steven Tamburini, membre de l’organisation Ag!ssons, co-organisatrice de la manifestation avec actif-trafiC et plus d’une vingtaine d’autres associations, la CGAS ou encore l’Alliance climatique suisse (dont fait partie l’Union syndicale suisse). En aparté, le militant souligne qu’au-delà des critères environnementaux, il s’agit aussi d’ «éviter le gaspillage de l’argent public». Car, aux coûts avancés de 5,3 milliards de francs, pour les six projets d’extension des autoroutes, s’ajoutent déjà des projets fédéraux à hauteur de 35 milliards de francs pour les décennies à venir. Or, un récent rapport, qui a mis du temps à être publié cette année, annonce que le trafic automobile génère environ 17 milliards de francs de coûts externes annuellement: atteintes à la santé (pollution, bruit), accidents et conséquences climatiques.
La bataille des chiffres ne fait que commencer, puisque la faîtière EconomieSuisse en avance un certain nombre pour démontrer que l’élargissement des autoroutes serait bénéfique au climat, car éviterait les bouchons générant des gaz à effet de serre. Sauf que l’Office fédéral des routes (OFROU), lui-même, pronostique que les bouchons seront de retour,… moins de 10 ans après l’extension des nouvelles autoroutes; les voies supplémentaires attirant davantage de voitures. D’ailleurs, concernant le seul projet romand, 44'000 voitures supplémentaires par jour sont déjà attendues à l'échangeur du Vengeron (Genève), 8800 à Coppet et 7000 à Nyon.
«Du fric pour les transports publics»
Dans les rues lausannoises, résonne le slogan, datant de cinq ans déjà, des Jeunes pour le climat: «Et un, et deux, et trois degrés, c’est un crime contre l’humanité!» Si les manifestants sont bien moins nombreux, et pour beaucoup plus âgés, ils ont toutefois des solutions: «Du fric, du fric, pour les transports publics!» Or le Conseil fédéral a décidé d’économiser 30 millions de subventionnement annuel pour les trains de nuit, faisant fi de la loi sur le C02, et mettant en péril les lignes jusqu’à Rome ou Barcelone. Un contre-sens de plus.
A mi-parcours, des musiciens de la fanfare anarchiste locale rejoignent le cortège déjà bien animé. Hasard (ou pas) du calendrier, ils viennent d’être dispersés par la police après avoir participé à une déambulation artistique en souvenir d’une action haute en couleurs contre la voiture. En 1976, des artistes du groupe Impact avaient envahi le palais de Rumine avec des coccinelles en carton. Un demi-siècle plus tard, les SUV ont remplacé les petites voitures, et les manifestations se doivent d’être annoncées en bonne et due forme.
A l’arrivée de la manifestation, sur la place des Pionnières (ancienne place Centrale), David Raedler, président de l’ATE Vaud, avocat et député, interroge: «Est-ce que cela va fluidifier le trafic?» Un grand «non» collectif lui répond. Et celui-ci de rappeler que l’OFROU lui-même est d’accord avec les opposants. «Après avoir dépensé des milliards, bitumé plusieurs dizaines d’hectares de forêts et de terres agricoles, on aura encore plus de bouchons! Ce qui veut dire que ça ne sert…» «A rien!», hurlent les manifestants.
La députée verte Rebecca Joly explique que l’article 1 de la loi sur la protection du climat, votée en 2023, demande la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Or ce projet est «climaticide», «à l’envers du futur» et «met en danger l’avenir de nos enfants». «C’est une aberration en termes de mobilité et de climat!»
Thibault Gruaz, pour les Vert’libéraux vaudois, souligne aussi cette aberration de donner «5,3 milliards, sans compter les coûts cachés, pour la bagnole, en pleine crise climatique». «Alors qu’on coupe dans les budgets des crèches et de l’éducation. Si le Conseil fédéral a besoin de 4 milliards, on vient de lui en trouver 5!», lance-t-il sous les applaudissements. Romain Pilloud, député socialiste, avance le manque d’alternatives à la voiture pour certaines personnes, d’où l’importance de développer les dessertes de transports publics et leur accessibilité en terme de prix. Angela Zimmermann, d’actif-trafiC, à l’initiative du référendum avec l’ATE, abonde sur l’importance d’augmenter la cadence des trains, et de réduire les prix des billets des transports publics, ainsi que de diminuer la vitesse de la circulation pour fluidifier le trafic, «sans dépenser un seul centime».