«Le réchauffement climatique, c’est maintenant!»

«Les ouvriers subissent déjà des événements extrême. Poser par exemple du goudron entre 160 et 200 degrés, lorsqu’il fait 33°C à l’ombre, est très éprouvant», alerte François Clément.
La Suisse ne fait pas sa part pour réduire le réchauffement climatique. Le point avec François Clément, secrétaire régional d’Unia Fribourg, qui a participé à un débat sur le thème.
Sale temps pour les militants écologiques. L’initiative des Jeunes Verts pour le respect des limites planétaires a été refusée dans les urnes. Alors que la Suisse ne prend pas les mesures nécessaires pour limiter le réchauffement à 1,5°C. Parallèlement, l’Alliance climatique vient d’analyser les résultats du pays face à ses engagements dans le cadre de l’Accord de Paris. Résultat, la coalition, regroupant 150 organisations dont l’Union syndicale suisse, dénonce l’incohérence de la politique fédérale, ses erreurs de calcul et son manque d’ambition. «La Suisse présente des objectifs largement insuffisants, tant en termes de réduction des émissions que d’équité climatique et de financement», écrit-elle.
Les critiques fusent également de la part de citoyens comme de scientifiques, contre les insuffisances de nombreux plans cantonaux sur le climat, notamment vaudois. Le canton de Fribourg ne fait pas exception. L’Union syndicale fribourgeoise (USF) a ainsi organisé le 11 février un débat intitulé «Climat: Fribourg fait-il sa part?» avec la participation de conseillers d’Etat, de militants climatiques et de François Clément, président de l’USF et secrétaire régional d’Unia Fribourg. En marge de cette rencontre, ce dernier nous livre son point de vue.
En quoi le plan climat fribourgeois n’est-il pas à la hauteur?
Le problème central est que les politiques continuent à penser le réchauffement climatique comme un problème du futur. Or, c’est maintenant! Il faut donc des mesures immédiates. Dans le plan climat fribourgeois, on parle énergie, transports, agriculture… mais aucun chapitre ne parle du monde du travail en tant que tel. Or, ce sont les travailleuses et les travailleurs qui sont le plus en danger. On oublie trop souvent de les consulter. Et le débat de cette semaine ne fait, malheureusement, pas exception.
Quel impact ont déjà les changements climatiques sur les employés?
Ils subissent déjà des événements extrêmes. Poser du goudron entre 160 et 200 degrés, lorsqu’il fait 33°C à l’ombre, est très éprouvant. Dans l’hôtellerie-restauration, dans des cuisines mal isolées, les températures peuvent monter très hauts. Après plusieurs heures de ce «sauna», les employés en sortent mal en point.
Ces conditions complètement inadaptées mettent les travailleurs et les travailleuses en danger. En surchauffe, les organes peuvent s’arrêter de fonctionner en quelques heures. Les corps sont mis à rude épreuve et sont davantage sujets aux maladies.
Par ailleurs, les enfants, eux aussi, sont affectés quand on les entasse dans des cabanons mal isolés faute de bâtiments scolaires en suffisance…
Quel rôle peuvent ou doivent jouer les syndicats dans la transition écologique?
La question écologique est éminemment syndicale, car elle touche la classe travailleuse. Comment produire de la richesse et la faire circuler pour promouvoir la justice climatique et éviter que les conditions de travail ne se dégradent encore? Ce sont des mesures concrètes dont on a besoin urgemment: créer une loi intempéries sans jour de carence, renforcer des mesures de protection telles que l’obligation de mettre à disposition de l’eau potable, permettre la diminution des efforts en cas de fortes chaleurs…
Plus largement, il s’agit d’envisager des reconversions vers des métiers plus respectueux de la planète. Un maçon ne tient pas forcément à couler du béton. Travailler avec du bois ou d’autres matériaux lui va très bien. C’est une question politique, au même titre que celle de développer de nouvelles filières. L’apprentissage de monteur en panneaux solaires est un bon exemple. Isoler les bâtiments, les rénover plutôt qu’en construire de nouveaux; réparer les objets plutôt que les jeter; former des e-garagistes qui puissent réparer les batteries électrique. Ce sont autant d’alternatives à développer.
C’est une histoire de carnet de commandes, mais aussi d’investissements de l’Etat, comme pour les transports publics. Je crois que, malgré l’aspect symbolique de la voiture, la plupart des conducteurs préféreraient se déplacer en transports publics. Mais comment faire quand on est frontalier, ou quand on commence de travailler dans son usine située hors des lignes de bus à 23h?
Au niveau national, que pensez-vous du net rejet de l’initiative des Jeunes Verts? Comment continuer la lutte?
Ce score de 30% est relativement honorable pour une initiative, lancée par des jeunes, qui était qualifiée d’utopiste. Malgré cette défaite, le climat reste la préoccupation première de la majorité des gens. Les moyens pour diminuer le réchauffement doivent être clarifiés. Aujourd’hui, la question centrale est comment faire payer ceux qui sont le plus responsables. Soit les plus hauts revenus, dont certains prennent l’avion 20 fois par année. Ce n’est pas au monde ouvrier, qui pollue beaucoup moins, de devoir encore se serrer la ceinture.
Il s’agit aussi de se rappeler que, même en arrêtant aujourd’hui toute source de pollution, les températures vont continuer à grimper. C’est un problème qui va accompagner la jeunesse pendant le siècle à venir.