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Neuchâtel: à corps et à cris

Parasoles roses.
© Thierry Porchet

Plus de 2500 personnes ont manifesté le 14 juin à Neuchâtel pour le 30e anniversaire de la Grève des femmes. Retour sur cette chaude journée aux reflets violets

En ce lundi après-midi à 15h19 à Neuchâtel, linges violets, chaises de plage et parasols sont venus parer la place du Marché. Plusieurs femmes se sont installées, sous la canicule, pour une sieste bien méritée. Vania Alleva, présidente d’Unia, a pris le microphone pour dénoncer les inégalités salariales en augmentation depuis la crise sanitaire. «En 2019, nous étions payées jusqu’à 15h24, aujourd’hui en comparaison, nous le sommes seulement jusqu’à 15h19», s’est indignée la syndicaliste, qui a ensuite appelé la foule à cinq minutes de silence afin de marquer symboliquement ce temps de salaires perdu en deux ans. Le Collectif neuchâtelois pour la Grève féministe a ensuite dénoncé l’augmentation de l’âge de la retraite des femmes, acceptée par le Conseil national le 9 juin dernier. En fin d’après-midi, les militantes et les syndicalistes d’Unia se sont déplacées à la place Rouge pour une action «poing levé» contre les violences et les féminicides. Au terme de plusieurs discours sur AVS 21, les inégalités salariales et les conditions de travail des femmes dans la vente, le cortège coloré de drapeaux et de pancartes – rejoint par le Collectif de La Chaux-de-Fonds – a défilé en musique dans les rue de la ville.

Témoignages

Revendications en mouvement

Micheline, 78 ans, se réjouit de voir autant de jeunes participer à la manifestation. En tant que membre de la Marche mondiale des femmes et du Collectif neuchâtelois pour la grève féministe, la retraitée s’est investie dans l’organisation de la journée. Un exercice connu pour celle qui se remémore avec le sourire sa première marche pour l’égalité il y a de cela 30 ans. «Les revendications ont bien évolué depuis 1991. On parle aujourd’hui beaucoup plus de la communauté LGBTQI+ et des violences faites aux femmes», remarque l’ancienne maîtresse d’école enfantine. Et d’ajouter, en parlant de sa profession: «Jusqu’en 1985, mon métier n’était pas reconnu officiellement par l’Etat. Il était exercé presque uniquement par des femmes et nous étions très mal payées.» Aujourd’hui, grand-mère de trois petits-fils, Micheline tente de leur transmettre ses valeurs féministes en leur offrant notamment des bandes dessinées sur le sujet. «J’ai commencé avec mon fils et, aujourd’hui, c’est au tour de mes petits-enfants!»


Une égalité à l’échelle mondiale

«C’est la première fois que je participe à cette grève. J’en ai marre de ne pas être prise au sérieux en tant que femme», raconte Irena, 40 ans, vendeuse dans une grande surface depuis plusieurs années. La militante a, pour l’occasion, préparé un discours sur les conditions de travail dans la vente. «Les femmes représentent 70% du personnel du commerce de détail en Suisse. Entre stress, surcharge et menaces de licenciement, elles ont été en première ligne pendant la crise du Covid-19. Et pourtant, elles restent encore et toujours discriminées.» Si Irena se trouve bien lotie en tant que femme en Suisse, elle estime qu’on peut toujours faire mieux. «On ne manifeste pas uniquement pour notre pays, mais pour atteindre l’égalité à l’échelle mondiale!» Membre d’Unia, la quarantenaire appelle les travailleuses à rejoindre les syndicats et à participer aux assemblées, où les femmes, précise-t-elle, sont malheureusement encore minoritaires.


Une femme sur cinq

«Je manifeste aujourd’hui surtout contre les violences sexistes et sexuelles faites aux femmes», explique Inès, 21 ans, membre de la Chorale révolutionnaire et des Actions étudiantes durables (AED). Appliquée à écrire un slogan sur une pancarte, l’étudiante en histoire et archéologie à l’Université de Neuchâtel rappelle qu’une femme sur cinq est victime de violences sexuelles en Suisse et que la moitié de celles-ci préfèrent garder le silence par honte ou par peur de ne pas être crues. Elle ajoute avec conviction: «J’aimerais que le terme de féminisme ne soit plus uniquement axé sur des considérations de femmes blanches et bourgeoises, mais qu’il inclue notamment celles des migrantes et des musulmanes.» Inès, pour lutter contre le sexisme à son échelle, raconte qu’elle intervient toujours lorsqu’elle entend un propos discriminant dans son entourage. Et essaie de se distancier des standards de beauté qui lui paraissent toxiques. Elle prépare également, avec l’association Défi Vélo, des cours de vélo destinés aux femmes migrantes afin de promouvoir ce moyen de transport au sein de différentes cultures.

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