LPP 21: la baisse des rentes toujours à l’ordre du jour
La Commission du Conseil des Etats détricote elle aussi le compromis des partenaires sociaux. Une position inacceptable pour l’USS alors que le débat au Parlement est annoncé en juin
Payer plus pour toucher moins? C’est ce que propose à son tour la Commission de la sécurité sociale du Conseil des Etats (CSSS-E) qui a examiné, fin avril, la Réforme LPP 21. Pour rappel, cette réforme de la Loi sur la prévoyance professionnelle, présentée par le Conseil fédéral en novembre 2020, est basée sur un compromis élaboré par les partenaires sociaux (Union patronale suisse, Union syndicale suisse et Travail.Suisse). Elle vise, selon le gouvernement, à garantir le niveau de rentes du 2e pilier, à renforcer son financement et à améliorer la couverture des travailleurs à temps partiel, notamment celle des femmes.
Pour garantir les rentes à long terme, les partenaires sociaux et le Conseil fédéral se sont accordés sur une baisse du taux de conversion qui passera de 6,8% à 6%. Ce taux permet de calculer la rente annuelle selon le capital épargné dans sa caisse de pension. Cette décision n’est pas contestée au Parlement. Ce qui pose problème, ce sont les compensations financières permettant de pallier la baisse des rentes, de l’ordre de 10% à 12%, que cette modification induira.
Le Conseil fédéral et les partenaires sociaux prévoient une compensation à vie, dégressive sur le long terme, pour tous les retraités. Ce supplément serait financé par une cotisation de 0,5% sur le salaire, introduisant ainsi un élément de répartition dans le 2e pilier. La réforme entend également diminuer de moitié le montant de la déduction de coordination. Les travailleuses et les travailleurs cotiseront ainsi sur une part plus élevée du salaire, une mesure permettant aux personnes à bas revenu ou à temps partiel d’accéder au 2e pilier et à une rente LPP à la retraite. Nombre de retraitées ne touchent actuellement que l’AVS. Le projet prévoit encore une adaptation du taux des cotisations pour que les travailleurs âgés soient moins pénalisés sur le marché du travail.
Compensations réduites
En décembre dernier, le Conseil national a examiné la réforme et l’a largement dénaturée sur la question des compensations (qui seraient accordées sur quinze ans seulement et uniquement pour certains retraités). Ces mesures coûteraient environ 800 millions par année, contre 1,7 milliard pour le projet du Conseil fédéral, et seuls 35% à 40% des rentiers en bénéficieraient. Les élus de gauche s’étaient opposés à ce démantèlement et avaient menacé de lancer le référendum.
Le Conseil des Etats examinera la réforme lors de la session de juin. Sa commission propose elle aussi un détricotage du compromis des partenaires sociaux, sans aller aussi loin que le National. Les compensations seraient versées durant vingt ans. Et 70% des retraités toucheraient un supplément de rente complet, 18% une compensation réduite et 12% rien du tout.
Enormes coûts supplémentaires pour les bas revenus
L’Union syndicale suisse (USS) a dénoncé la proposition adoptée le 27 avril par la CSSS-E. Dans un communiqué, elle signale que les options prises par la commission se fondent sur la révision de la LPP de 2010, «sèchement rejetée dans les urnes». A l’époque, 72,7 % des votants avaient refusé la baisse du taux de conversion, présentée sans contrepartie.
Selon l’USS, les décisions de la commission «entraîneront d’énormes coûts supplémentaires pour les personnes à bas revenu. Dans l’ensemble, elles signifient qu’il faudra payer plus pour une rente moindre» et que les employeurs et les personnes à haut revenu ne participeront pas aux coûts de la compensation. Bien que la commission ait reconnu la nécessité de rentes plus élevées pour les femmes et les temps partiels, cela est loin d’être garanti, estime encore l’USS. Selon ses calculs, les coûts pour les assurés ayant par exemple un revenu annuel de 25000 francs «augmenteront de presque 8% du salaire, pour passer à 160-250 francs par mois; cela, pour recevoir dans 40 ans une rente mensuelle de tout juste 500 francs.» Un coût qui aurait été de moitié moins avec le projet des partenaires sociaux. Globalement, indique encore la faîtière syndicale, les décisions de la commission aboutiraient à des rentes inférieures pour toutes les personnes ayant cotisé toute leur vie professionnelle selon le nouveau modèle et gagné plus de 55000 francs par an.
Pour l’USS, ces positions sont inacceptables, d’autant que «les caisses de pension nagent dans l’argent et que les prestataires (caisses de pension, banques et assurances) abusent du 2e pilier comme s’il s’agissait d’un magasin en libre-service».