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«Il fait valoir ses droits et ceux de ses collègues, il en paie le prix fort»

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© Olivier Vogelsang

Une dizaine de membres d’Avenir syndical sont venus soutenir le délégué licencié lors de la conférence de presse tenue juste en face de l’EMS Notre-Dame le 28 juillet. Mahad va lutter pour obtenir l’annulation de son licenciement et sa réintégration. La défense des droits syndicaux est au cœur de son combat.

Mahad, nettoyeur et délégué d’Avenir syndical à l’EMS Notre-Dame à Genève, a été licencié pour des motifs futiles, dans un contexte où les EMS doivent réintégrer leurs services socio-hôteliers

«Si je me bats aujourd’hui pour ma réintégration, c’est pour protéger le travail syndical dans cet EMS. Pour que quelqu’un d’autre puisse reprendre ces activités de défense des droits des travailleurs. C’est cela qui est important pour moi. Si l’on n’arrive pas à annuler ce licenciement, les gens n’oseront plus bouger à l’intérieur.» Ces paroles de Mahad, prononcées le 28 juillet dernier, juste en face de l’EMS Notre-Dame à Genève, illustrent le dévouement et l’engagement de ce nettoyeur licencié pour son activité syndicale. Un congé annoncé brusquement à la fin du mois de juin pour la fin septembre. Avenir syndical, qui le défend, avait convoqué la presse ce jour-là pour dénoncer ce licenciement abusif.

Un des moteurs de la grève de 2017

Mahad travaille dans l’établissement depuis onze ans. Il est délégué syndical depuis cinq ans. Il a été l’un des moteurs de la longue grève qui avait secoué les EMS Notre-Dame et Plantamour en 2017. Une grève soutenue à l’époque par Unia, dont il était membre, qui a permis de combattre l’externalisation des services de nettoyage, de cuisine et de buanderie dans ces deux EMS. La grève s’était étendue à d’autres établissements. Face à cette mobilisation, un changement de règlement empêchant la sous-traitance et la sous-enchère dans le domaine avait été obtenu. A la suite d’un recours patronal contre ce règlement, c’est la Loi sur la gestion des EMS qui a été modifiée dans ce sens en février dernier. Elle implique que tout le personnel hôtelier ou du nettoyage externalisé doit être réintégré et soumis à la CCT des EMS dans un délai de deux ans. De très nombreux salariés sont concernés dans le canton.

S’appuyant sur la loi, Mahad a réuni ses collègues du service socio-hôtelier de La Coccinelle, troisième entité des Résidences Notre-Dame, pour les aider à demander leur réinternalisation. La Coccinelle est le seul EMS du groupe où ces tâches sont sous-traitées, à des conditions de travail bien inférieures à celles de la CCT.

Licenciement antisyndical

Pour Sabine Furrer, secrétaire syndicale d’Avenir syndical, il ne fait aucun doute que le congé donné à Mahad est motivé par ses activités dans la défense des droits du personnel, même si d’autres raisons sont données. «Ces motifs sont futiles: une remise tardive d’une convocation justifiant une absence, alors que Mahad avait annoncé cinq jours à l’avance qu’il était obligé de prendre son service plus tard, et l’usage de son téléphone privé durant le temps de travail. Dans ce cas, il avait terminé sa tâche cinq minutes plus tôt et se rendait à la pause. Il s’agit d’une pause décalée. Ni l’un, ni l’autre, ni les deux motifs réunis ne justifient un licenciement», explique la syndicaliste. Elle dénonce aussi la manière dont le congé a été annoncé, sans que Mahad puisse se faire accompagner. Averti à la dernière minute, le syndicat ne pouvait être présent. De plus, l’employeur refuse de transmettre à Avenir syndical le dossier administratif du nettoyeur, demandé à trois reprises, y compris par une avocate. «Cela démontre bien la mauvaise foi de l’employeur», commente Sabine Furrer.

Menace

«J’effectue matin et soir mes tâches de nettoyage, ma responsable est contente. Par contre, le directeur est très fâché avec moi, car je suis allé discuter avec mes collègues de La Coccinelle», rapporte Mahad, entouré par une dizaine de membres du comité d’Avenir syndical. «Début 2020, j’ai été convoqué par la direction et les RH. Nous avions eu une longue discussion sur mon activité syndicale. La direction m’avait même dit que personne ne me donnerait une place de travail si j’étais licencié, car ma photo serait partout. Une telle menace de la part d’un responsable d’EMS, ce n’est pas juste, pas correct, pas humain.»

Sabine Furrer informe que cette convocation avait eu lieu juste après une visite de l’Etat à l’EMS. «Elle faisait suite à une rencontre de Mahad et du syndicat avec la Direction générale de la santé pour dénoncer certaines conditions de travail dans l’établissement. Il est clair que cela n’a pas dû plaire à l’employeur, comme les contacts pris par Mahad avec ses collègues de La Coccinelle. Car une réinternalisation du personnel aurait bien évidemment un coût. Mahad a aussi réclamé la prise en compte du temps d’habillage comme temps de travail. Cette disposition légale a été formalisée récemment par le Seco. Et, là encore, la mise en conformité coûterait des milliers de francs.»

Dans la ville de l’OIT…

«Mahad est très actif, il informe et organise ses collègues, non seulement des services hôteliers mais aussi des soins, pour que loi et CCT soient respectées. Il fait valoir ses droits, pour lui et pour les autres, il en paie aujourd’hui le prix fort. Ce licenciement antisyndical doit être annulé et Mahad réintégré. Nous allons utiliser tous les moyens possibles, juridiques et autres, pour l’obtenir», indique Sabine Furrer, ajoutant qu’un comité de soutien se met également sur pied. Les autorités seront aussi interpellées car, pour Avenir syndical, un tel licenciement est d’autant plus scandaleux qu’il intervient dans un secteur largement subventionné, et que la CCT des EMS protège l’activité syndicale.

Le syndicat genevois souligne encore la valeur symbolique de ce combat dans la ville accueillant le siège de l’Organisation internationale du travail (OIT), trois ans après que la Suisse a été retirée in extremis de la liste noire des pays violant les droits des travailleurs (voir ici). «Si de tels licenciements sont encore possibles en Suisse, critique Avenir syndical, c’est parce que cette dernière continue à ne pas prendre de mesures suffisantes pour protéger les délégués syndicaux, ainsi que l’a justement indiqué le Comité de la liberté syndicale de l’OIT.»

 

La direction conteste

Contactée par nos soins la semaine dernière, la direction de l’EMS Notre-Dame réfute l’accusation de licenciement antisyndical. Un tel licenciement devant être «lié d’une manière ou d’une autre aux activités syndicales que l’employeur n’apprécierait pas», écrit-elle, indiquant qu’elle ne peut pas «reprocher une quelconque activité syndicale à Mahad». Dans son courriel, la direction ajoute qu’elle a appris par la presse l’engagement du nettoyeur dans certains dossiers. «Or, ni lui, ni personne ne nous en a jamais parlé», poursuit-elle, indiquant que le seul retour qu’elle en a est qu’il essaie de convaincre certains employés de quitter leurs syndicats pour rejoindre Avenir syndical. «Ce qui ne nous semble pas être une raison de licenciement», précise la direction. Qui note encore que, si Mahad a été licencié, «c’est pour des raisons qui n’ont rien à voir avec son engagement syndical», et qu’elle ne peut en dire plus sans un accord du principal intéressé. Quant au refus de remettre au syndicat le dossier administratif du nettoyeur, la direction répond que «la transmission du dossier d’un employé en vue d’une procédure est encadrée par la loi et la jurisprudence. Dès que la demande respectera ce cadre légal, nous enverrons les documents.»

 

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