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Lettre ouverte à une camarade responsable des femmes socialistes suisses

Chère Camarade,

Ce dimanche 25 septembre 2022 a aussi été une grande déception pour moi. Plusieurs semaines d’engagement contre le projet de réforme AVS 21, qui ne représente aucune amélioration pour personne dans le 1er pilier et qui n’attribue que des cacahuètes de «compensations» à une classe de transition.

Ma maman, mes sœurs, mes amies et j’en passe seront obligées de travailler un an de plus, sans qu’on leur accorde une juste reconnaissance de l’ensemble du travail de l’ombre qu’elles effectuent en plus d’une activité salariée, ni aux sacrifices qui sont les leurs durant leur vie professionnelle.

Tout cela me déçoit au plus haut point. Nous avons appris, ou réappris, que ce qui est juste n’est pas forcément égal et que ce qui est égal n’est pas forcément juste.

Mais en lisant tes propos tenus lors de la manifestation du lundi 26 septembre à Berne, je suis également déçu… Tu parles de «déclarer la guerre aux hommes blancs, riches et âgés».

Le socialiste que je suis est donc déçu par cette «attaque» qui n’apporte absolument rien au débat et contribue, autant que le vote de dimanche, à diviser la population en catégories «individuelles» plutôt que de souder le collectif pour lutter.

Pourquoi préciser hommes?

De nombreuses femmes, pour la plupart de droite je te l’accorde, ont fait campagne pour cette révision et, inversement, de nombreux hommes s’y sont opposés. Je fais partie de cette catégorie, comme mon père, ainsi que de nombreux militants que je connais.

Pourquoi préciser blancs?

J’imagine que, dans le patchwork de nos concitoyens, il ne s’est pas trouvé que des Blancs pour voter oui à AVS 21. Par exemple, si M. Tidjane Thiam, ancien directeur de Credit Suisse, était de nationalité suisse, il aurait certainement soutenu cette réforme.

Pourquoi préciser vieux?

De nombreux retraités, hommes ou femmes, se sont opposés à cette réforme, à l’image d’anciens conseillers nationaux socialistes ou démocrates-chrétiens, ou simplement de petits rentiers.

Seul l’adjectif «riches» est valable dans cette analyse. Oui, il s’agit des «riches», des «privilégiés», des «possédants», des «bourgeois» qui ont mené cette campagne, agitant la peur de la pérennité de l’AVS pour convaincre les électeurs, que nous devons combattre.

Si le retour aux fondamentaux du socialisme est à saluer, j’aimerais te rappeler que les classes sociales n’ont ni genre, ni couleur, ni âge. Qu’une jeune femme de couleur qui se trouverait à la tête d’une fortune de plusieurs milliards de francs, ne sera jamais égale à une femme âgée et blanche qui n’a pour revenu que sa modeste rente AVS, et inversement.

Tant qu’à gauche nous poursuivrons dans la voie de «l’atomisation» de la société et celle de «l’individualisation» des luttes, la classe laborieuse sera toujours perdante et ne pourra jamais vaincre dans le combat pour changer ce système économique qu’est le capitalisme, source de toutes les iniquités.

Car pour nous, Socialistes, la mère des batailles, c’est bien le dépassement du capitalisme et son remplacement par une société fondée sur des valeurs solidaires, équitables et de justice sociale.

Enfin, peut-être en guise de piqûre de rappel, lorsque nous devions nous exprimer sur PV2020, certaines voix de gauche dont tu faisais partie, ont torpillé ce projet. Celui-ci, qui bien que relevant l’âge de départ à la retraite des femmes, prévoyait des compensations réelles et importantes pour les femmes et pour les emplois précaires. Avec AVS 21, nous avons tout ce que nous ne voulions pas dans PV2020, sans en avoir les compensations prévues.

Je conclus cette missive en te disant que, même si tu devais penser que je ne suis pas un vrai socialiste, je me considérerais toujours comme tel, que la lutte pour la justice sociale et l’émancipation de la classe laborieuse sera toujours mon combat et que mon idéal final restera quand même la création d’une société où la devise «De chacun selon ses capacités, à chacun selon ses besoins» deviendra réalité.

Je t’adresse, Chère Camarade, mes salutations socialistes.

Valentin Aymon, camarade socialiste et membre d’Unia, Savièse

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