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Plus de protection pour les apprentis neuchâtelois

Représentants du comité unitaire.
© Thierry Porchet

Léa Aligizakis du POP et les autres représentants du comité unitaire, dont Silvia Locatelli d’Unia, au centre, ont lancé l’initiative dans la cour du Château de Neuchâtel, siège du Grand Conseil qui avait rejeté l’an passé la pétition et la motion populaire demandant une meilleure protection des apprentis.

La gauche et les syndicats lancent une initiative populaire cantonale pour améliorer les conditions de formation des jeunes en entreprise

Le quotidien professionnel des apprentis se révèle souvent difficile. Un sondage national réalisé par Unia en 2019 avait ainsi montré qu’un tiers d’entre eux sont victimes de harcèlement et 63% astreints à des heures supplémentaires. La gauche et les syndicats neuchâtelois prennent le problème à bras-le-corps en lançant une initiative populaire législative cantonale «pour plus de protection pour les apprentis».

Ce sont les jeunes du Parti ouvrier et populaire (POP) qui sont à l’origine de la démarche. En 2020 et 2021, au travers d’une pétition, puis d’une motion populaire, ils avaient demandé des contrôles réguliers dans les entreprises et une meilleure formation de base pour les apprentis. Les deux textes ont été rejetés par le Grand Conseil l’année dernière, comme l’a rappelé la jeune POP Léa Aligizakis lors d’une conférence de presse donnée mercredi dernier dans la cour du Château de Neuchâtel: «Il est temps que la population se prononce sur ce sujet qui touche un grand nombre de jeunes, leurs familles et leurs proches.»

Des contrôles réguliers et non annoncés

Pour assurer le respect de la Loi sur le travail et les droits des apprentis, le texte de l’initiative propose des «contrôles réguliers et non annoncés» sur les lieux d’apprentissage menés par une commission tripartite ad hoc composée des syndicats, des associations patronales et de l’Etat. Avec des «conséquences contraignantes» pour les entreprises en infraction. «Nous constatons une lacune importante en ce qui concerne les moyens mis en œuvre afin de protéger les apprentis», indique la secrétaire régionale d’Unia Neuchâtel, Silvia Locatelli. Selon la syndicaliste, cette carence de contrôle permet à certaines entreprises de considérer les apprentis «comme de la main-d’œuvre bon marché». «La pression, mais aussi la dévalorisation et le harcèlement sont une réalité subie par de trop nombreux apprentis. Des jeunes perdent confiance et se retrouvent parfois très atteints dans leur santé.» Pour contrôler les apprentissages, l’initiative propose donc l’instauration d’une commission tripartite sur le modèle de celle chargée de l'observation du marché du travail. «Cet outil doit être spécifiquement dédié, car la commission tripartite a déjà des tâches importantes avec les mesures d’accompagnement, le salaire minimum cantonal ou encore les plateformes et parce que nous estimons qu’il doit être doté des moyens nécessaires.»

En plus, l’initiative veut qu’une formation soit délivrée durant l’apprentissage par les partenaires sociaux «sur le droit du travail, le fonctionnement du partenariat social en Suisse et le rôle des syndicats». «Il nous paraît important d'apporter aux apprentis une connaissance solide sur les conventions collectives de travail, la Loi sur le travail et leurs droits en matière d’assurance chômage, de vacances, de service civil ou encore lors d’examens partiels», explique Hugo Clémence, président des Jeunes socialistes.

Former les formateurs

Neuchâtel a entrepris des efforts pour développer le système dual, soit la formation pratique dans une entreprise en parallèle à des cours théoriques dispensés dans une école professionnelle. Ce système est passé de 57% des formations professionnelles en 2009 à 78% aujourd’hui. «Mais de toute évidence, ce développement se fait en grande partie sur le dos des jeunes», estime Claude Grimm, permanente du Syndicat des services publics, en soulignant qu’«avec seulement un conseiller en formation professionnelle pour 400 apprentis, l’Etat n’offre pas un encadrement suffisant». Le texte de l’initiative demande «une meilleure formation de base obligatoire» et une augmentation du nombre de conseillers en formation, qui ne doivent pas être chargés de plus de 200 dossiers individuels.

Sarah Blum, députée popiste, et Cloé Dutoit, coprésidente des Jeunes Verts, insistent sur la nécessité de renforcer les connaissances des formateurs en entreprise. A Neuchâtel, une entreprise peut devenir formatrice en envoyant un collaborateur suivre une formation de cinq jours seulement. «Nous sommes en droit de nous demander si les formateurs en entreprise se sentent assez outillés pour accompagner des adolescents et des jeunes adultes dans leur début de vie active», pointe la jeune écologiste. Les initiants veulent une «formation obligatoire» des formateurs «aux problématiques des apprentis, particulièrement le harcèlement et les violences physiques et psychologiques».

Revaloriser l’apprentissage

En renforçant la protection des apprentis, l’initiative doit ainsi permettre de revaloriser l’apprentissage et de faire face à la pénurie de main-d’œuvre dont souffrent certaines branches, soulignent Romain Dubois, président du Parti socialiste neuchâtelois, et Fabian Schwab, représentant des Verts. Ce dernier met en garde: «La situation actuelle de l’apprentissage laisse craindre que le défi de la transition énergétique ne puisse pas être atteint en raison d’un manque de personnel qualifié pour la concrétiser.»

La santé des apprentis: états des lieux et pistes d’action

Le comité d’initiative organise une conférence-débat le lundi 24 octobre à 19h à l’Espace des solidarités de Neuchâtel (rue Louis-Favre 1) sur le thème «La santé des apprentis: états des lieux et pistes d’action» avec Barbara Duc et Nadia Lamamra, collaboratrices scientifiques à la Haute Ecole fédérale en formation professionnelle, et Julius Kopp, secrétaire de la jeunesse chez Unia. Entrée libre et apéritif offert.

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