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Halte aux inégalités, au harcèlement, à la précarité!

Action des ouvrières.
© Sylviane Herranz

Pause de midi animée au Sentier, avec l’action des ouvrières dévoilant leur message «Stop inégalités», avant que certaines s’engouffrent dans un bus pour rejoindre la manifestation de Lausanne.

A la vallée de Joux, les ouvrières de l’horlogerie et d’autres métiers ont dit leur colère et leur indignation lors d’un rassemblement à midi

Près de 300 travailleuses de l’horlogerie et de nombreux hommes se sont rassemblés sur le coup de midi à la vallée de Joux, berceau historique de la grève des femmes du 14 juin 1991. Accueillant les participantes devant l’hôtel de ville du Sentier, Nicole Vassalli et Fiona Donadello, syndicalistes d’Unia, ont rendu hommage au travail syndical ayant fait progresser les conditions de travail dans cette contrée horlogère et à Liliane Valceschini, ouvrière de la Lemania, devenue Breguet, qui s’est battue avec ses collègues pour que l’égalité salariale soit appliquée, en lançant notamment l’idée de la grève des femmes.

24,9% de salaire en moins…

Aujourd’hui, alors que les négociations de la CCT horlogère sont en cours, les syndicalistes ont détaillé les revendications des ouvrières de la Vallée. En tête, celle de lutter plus efficacement contre les inégalités salariales qui s’élèvent à 24,8% dans la branche! «C’est un quart de salaire en moins. Sur le salaire médian horloger, cela représente 1344 francs de différence chaque mois!» s’indignent les syndicalistes. Les autres exigences sont la prévention et le combat contre les discriminations et le harcèlement moral et sexuel sur les places de travail, l’amélioration de l’accessibilité aux formations certifiantes et aux postes à responsabilité, une meilleure conciliation entre vie privée et vie professionnelle et, enfin, que la maternité ne remette pas en question les carrières professionnelles.

Un repas a ensuite été partagé sur la place du Temple, où une quinzaine de travailleuses ont mené une action dévoilant, lettre après lettre apposées au dos de leurs T-shirts, la phrase «Stop inégalités». Des caractères illustrant leur vécu, tels que «S» comme sexisme, «T» comme travail de care, «O» comme oppression et «P» comme précarité. Une précarité bien présente en ces lieux où règne aussi la loi du silence en matière de salaires.

Témoignages

Céline*, contrôleuse qualité dans une entreprise horlogère

Mon salaire net est de 3600 francs pour un 80%. Je suis maman et j’ai la chance de travailler à temps partiel, ce qui est très difficile dans la branche. Je sais que les écarts entre hommes et femmes sont très grands, et même quelques pourcents de différence ne seraient pas corrects. Je vis en France. Ce qui me gêne, c’est que, comme on traverse la frontière, on accepte ces conditions sans broncher.


Rosalie*, monteuse, 55 ans

J’effectue le même travail qu’un horloger sans CFC. Je gagne 4800 francs net à 100%. A bientôt 20 ans de boîte, je devrais avoir plus. Le salaire de mes collègues? Je n’en sais rien. Personne ne dit son salaire. Je sais que certains hommes touchent 6000 francs et plus. L’inégalité salariale n’est pas normale, on fait le même boulot! Dans le pays d’où je viens, l’homme et la femme ont le même salaire pour un même travail. Et tout le monde dit ce qu’il gagne. Ici, c’est top secret! Il faut casser cette culture.


Borissette, retraitée, 72 ans

J’étais opératrice polyvalente. Je gagnais 3200 francs et faisais exactement le même travail que mon collègue qui touchait 4500 francs. Quand j’ai demandé à mon chef pourquoi je gagnais moins, il m’a dit: «Parce que vous êtes une femme!» En plus, mon collègue travaillait comme un cochon et je devais reprendre ses pièces! Après ça, j’ai refusé de le faire. Aujourd’hui, je vis avec 3180 francs de retraite. J’ai 1190 francs de loyer, 300 francs de primes maladie, malgré les subsides, plus la franchise et les 10%. Et je viens de recevoir une hausse de loyer... Comment je vais faire? Beaucoup sont comme moi. On a bossé comme des malades pour le bien de tous… et pour une retraite minable. Le «P» que je porte sur mon T-shirt, c’est celui de la précarité des retraités.


Jannique, maman d’une factrice

Je suis là pour ma fille qui travaille à La Poste depuis 13 ans. Elle a deux CFC et son salaire de factrice est inférieur à celui de ses collègues. Elle fait exactement les mêmes heures qu’eux, travaille six jours sur sept, pour une paie de 500 à 700 francs de moins…


Zahra, 58 ans, employée

J’ai travaillé longtemps dans l’horlogerie, mais aussi dans d’autres domaines. Les salaires sont en train de diminuer partout. Et on nous demande d’en faire toujours plus. Le coût de la vie, les charges augmentent. On ne peut pas vivre avec nos salaires. Les gens du nettoyage, de la santé, de l’hôtellerie, surtout ceux habitant en Suisse, sont maltraités, mal payés. Il y a aussi le harcèlement, et on n’a pas le droit de réclamer, on est opprimés. Les patrons ont des gros salaires, ceux qui rament n’ont rien. En 2000, j’ai travaillé dans l’horlogerie à Genève et je gagnais bien: 4500 francs, jusqu’à 5200 francs avec les heures supplémentaires, plus le 13e salaire. Maintenant, je suis dans l’hôtellerie. Mon dernier salaire était de 4000 francs brut, 3700 net, à 100%. Ça régresse.


Leila, 53 ans, employée à l’hôpital

Quand je travaillais dans l’horlogerie, j’ai toujours gagné 3600 francs. Je ne suis jamais arrivée à 4000. Aujourd’hui, je suis à 40% à l’hôpital. Je touche 1500 francs, et ils refusent d’augmenter mon temps de travail. Mon mari, Paul, est à la retraite, il a 2100 francs de rente. Est-ce qu’on peut vivre avec ça en Suisse? Je vous laisse y répondre. Depuis le 5 du mois, on a de la peine à vivre… Je suis sortie ce matin avec zéro franc dans la poche! Et on est le 14… Je vis aussi une situation de harcèlement psychologique au travail. J’ai déjà connu ça dans l’horlogerie. J’ai été licenciée parce que j’ai osé reprocher les abus de mon chef. Pour moi, le plus important aujourd’hui est que nos salaires soient augmentés et qu’on mette fin à cette précarité.


Paul, retraité, ancien horloger prototypiste

J’étais payé plus qu’un horloger. Mon dernier salaire était d’environ 8000 francs. Mais j’ai perdu mon emploi à plus de 50 ans. J’ai fait trois ans de chômage, puis sept ans à l’aide sociale jusqu’à la retraite. Le social m’a pris pratiquement tout mon 2e pilier. Aujourd’hui, je n’ai qu’une rente AVS de 2100 francs. A partir de 45 ans, c’est très difficile de retrouver du travail. La concurrence est forte avec des jeunes, très bien formés, qui vivent en France et acceptent d’être moins payés.


Laura*, 39 ans, opératrice en horlogerie

Je travaille au prémontage. Je gagne 3500 francs net à 80%. Il y a un an, mon salaire, qui était de 3150 francs, a été réajusté. Pendant 10 ans, j’ai effectué le même travail qu’un homme, mais je ne sais pas ce qu’il gagnait. Je n’ai pas osé lui demander. Personnellement, comme frontalière, je m’en sors assez bien. Mais avec les prix qui augmentent, ça devient difficile. Si je manifeste aujourd’hui, c’est pour que les choses bougent, tant en matière de salaires que de harcèlement, présent aussi entre collègues féminines. Il faut que ça change!

* Prénoms d’emprunt.

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