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Les Genevois appelés à s’opposer au dumping salarial dans les crèches

Manifestation du 1er Mai à Genève
© Thierry Porchet

Les syndicats, la gauche et les professionnels de la petite enfance genevois montent au créneau pour défendre le personnel des crèches. Photo: cortège du 1er Mai à Genève.

Le 9 juin, le canton vote sur un projet de loi visant à assouplir les exigences pour les structures privées de la petite enfance, qui ne seraient plus soumises qu’au salaire minimum

A Genève, les syndicats, la gauche et les professionnels de la petite enfance montent au créneau pour défendre les employées et les employés des crèches. Le 9 juin, l’électorat genevois doit en effet se prononcer sur un projet de loi visant à diminuer les salaires dans les structures privées non soumises à une convention collective (CCT). Pour le comité référendaire, en s’attaquant aux conditions de travail d’un personnel essentiellement féminin, on compromet la qualité de l’accueil des enfants.
La majorité de droite du Grand Conseil genevois a fait passer une modification de la loi cantonale sur l’accueil préscolaire, qui doit permettre aux crèches non signataires d’une CCT de déroger aux usages professionnels en vigueur dans ce secteur, et d’être seulement tenues au respect du salaire minimum cantonal. Nuance de taille: alors que ce dernier s’élève à 4200 francs par mois, les usages – édictés en 2020 sur la base de la CCT de la Ville de Genève – fixent un salaire en début de carrière d’au moins 6300 francs pour une éducatrice, et de 5200 francs pour un assistant socioéducatif.

Une poignée de récalcitrantes
Seuls les députés de gauche et du MCG (Mouvement citoyens genevois) se sont opposés à ce projet. Selon le comité référendaire, 57 crèches, sur les 220 exerçant dans le canton, sont concernées. «La plupart de ces 57 crèches respectent les usages de la petite enfance, souligne Davide De Filippo, président de la Communauté genevoise d’action syndicale (CGAS). Il n’y a qu’une poignée de récalcitrantes.»
L’une d’elles, qui refusait d’appliquer les usages, a vu son amende de 8000 francs et son exclusion des marchés publics pendant un an confirmées par le Tribunal fédéral. Les juges de Mon-Repos estiment, contrairement à ce qu’avançait la recourante – à l’instar de la droite genevoise – qu’imposer les mêmes règles à toutes les crèches ne constitue pas une distorsion de concurrence en faveur de celles qui sont subventionnées. Ils rappellent que ces dernières ont davantage de contraintes, puisqu’elles ne peuvent pas fixer leurs tarifs librement mais en fonction des revenus des parents, et qu’elles ont aussi le devoir d’accueillir les enfants avec des besoins spécifiques. 
Le TF considère qu’il y a un intérêt public à garantir aux travailleurs et aux travailleuses du secteur de la petite enfance des conditions plus favorables que le salaire minimum genevois, afin d’éviter la sous-enchère salariale et d’assurer la qualité de la prise en charge des enfants. L’arrêt du TF, rendu début avril, est tombé à pic pour apporter de l’eau au moulin du comité référendaire.
«Ces crèches qui ne veulent pas appliquer les usages ne veulent pas non plus être subventionnées, ajoute Davide De Filippo, car elles ne veulent pas avoir à rendre de comptes et préfèrent pouvoir sélectionner leurs clients. Elles ne sont pas dans une logique de service public.»

Ne pas dévaloriser la profession
La gauche et les syndicats contestent l’argument selon lequel une dérogation aux usages permettrait de créer plus de places de crèches. «Il y a un manque de personnel qualifié dans la petite enfance et dévaloriser cette profession ne la rendra pas plus attractive, au contraire !»
Pour Amanda Ojalvo, membre du comité référendaire, conseillère municipale socialiste en ville de Genève et éducatrice, la difficulté à recruter du personnel dans ce secteur est une réalité: «C'est un métier formidable, mais extrêmement exigeant. Nous avons à charge des enfants en bas âge qui demandent une attention de tous les instants. Cela nécessite beaucoup de connaissances théoriques et pratiques. Notre travail ne se limite pas à dorloter des enfants et à changer des couches, loin de là. En plus, il n’y a pas beaucoup de débouchés professionnels.»
Alors que les partisans du changement de loi brandissent la menace de la fermeture de crèches privées qui seraient étranglées par les usages salariaux en vigueur, le camp référendaire rétorque que ces structures pratiquent des prix inaccessibles à la plupart des familles du canton, et doute qu’elles diminuent leurs tarifs en cas de victoire dans les urnes. De plus, les opposants craignent que déroger à ces usages ne crée un précédent de dérégulation dangereux pour l’ensemble de l’économie.