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Une autre manière de travailler

José et Antonio, maçons portugais, ont suivi les cours "Projet Portugal 2007"

«C'est dans le journal syndical que j'ai vu, par hasard, que ces cours au Portugal existaient. J'ai demandé à mon patron de m'inscrire, il l'a fait. Il y a 2 ans, il m'avait déjà proposé de suivre un cours ici, mais je ne sais pas écrire le français, j'ai renoncé.» José Antonio Marinho, 37 ans, travaille depuis 5 ans en Suisse, dans une grande entreprise de la construction à Nyon. Chaque hiver, il rentre quelques semaines au Portugal. Avec son collègue Antonio Manuel Ferreira Moura, 23 ans, en Suisse aussi depuis 5 ans, ils ont suivi au début de cette année huit semaines de cours de maçonnerie à Avioso, dans leur pays natal. Des cours mis sur pied il y a 20 ans au Portugal et 25 ans en Espagne par les syndicats et les entrepreneurs, pour que les saisonniers puissent se perfectionner durant les mois d'hiver. Depuis 2002, date où le statut de saisonnier a été aboli par l'accord sur la libre circulation des personnes, ce sont principalement les nouveaux migrants qui en bénéficient. Cette année, ils étaient 57 à y participer au Portugal et une dizaine en Espagne.

Formation utile
«Nous avons eu des cours de coffrage, de pose de canalisations, de briques, avec du matériel venu de Suisse alémanique, un peu différent de celui que l'on utilise ici. Mais je suis très content de les avoir suivis, on apprend une autre manière de travailler», relève José, qui a appris son métier sur le tas, en débutant sur les chantiers à l'âge de 14 ans. «Moi, j'ai beaucoup appris au niveau de la lecture de plans et de la sécurité, même si je n'aime pas beaucoup porter le casque...», ajoute Antonio, qui vient de rentrer d'une journée en plein soleil, dans une fouille, casque obligatoire sur la tête! Leur nouveau savoir est très utile, disent-ils, mais le rythme infernal sur les chantiers ne leur permet pas toujours de faire les choses telles qu'ils les ont apprises.
Un autre élément réjouit ces deux ouvriers. Grâce à ces cours, dont le certificat est reconnu par la convention collective du gros œuvre, ils sont passés de la classe C, de manœuvre, à la classe A d'ouvrier qualifié. «Ça c'est nickel», souffle José qui a quitté le Portugal pour que sa famille, ses filles de 17 et de 5 ans et son épouse, puissent mieux vivre. «Au Portugal, on trouve du travail, mais avec 600 euros par mois, c'est impossible de s'en sortir, alors qu'ici, même si la vie est plus chère, on gagne environ 3500 francs, selon les heures effectuées.» Et 250 à 300 francs de plus sur la fiche de paie, c'est toujours bon à prendre lorsqu'on a des bouches à nourrir. Antonio est lui aussi papa, d'un petit garçon de 5 ans resté au pays. «Je suis venu pour améliorer la vie de mon fils. Mais je rêve de rentrer, dès que j'aurai gagné l'Euromillion!» sourit-il. «Nous sommes venus pour nos enfants, et c'est dur de ne pas les voir grandir», regrettent-ils en cœur.
Heureux d'avoir bénéficié de ces cours, ils signalent toutefois un petit bémol. Avant leur départ, et sur place, on leur avait dit que leurs heures seraient payées à 80%. Or ils n'ont touché qu'une indemnité pour leurs frais. Le problème est qu'ils étaient les seuls de Suisse romande à suivre ces cours baptisés «Projet Portugal 2007». En Suisse alémanique, le Parifonds, fonds paritaire de la Convention nationale qui les finance, prend aussi en charge une partie du salaire, ce qui n'est pas forcément le cas des fonds paritaires dans les cantons romands, qui offrent par ailleurs d'autres prestations. «Ces cours sont utiles, il faut juste bien se renseigner avant, explique Antonio. Et je les aurais quand même suivis si j'avais su que je ne serais pas payé.»

Nuages sombres sur l'avenir
Avec la résiliation de la Convention nationale de la construction par la Société suisse des entrepreneurs (SSE), ces cours, qui en sont partie intégrante, pourraient disparaître. Un souci exprimé par Manuel Beja, permanent d'Unia aujourd'hui à la retraite, qui a été responsable de ces cours à la FOBB, puis au SIB et à Unia. «Je me préoccupe beaucoup de leur avenir, mais j'espère que le patronat aura assez d'intelligence pour les maintenir, car ils donnent la possibilité à des centaines de travailleurs d'avoir une qualification professionnelle. Ces cours ont été rendus possibles grâce au partenariat entre syndicats et patrons. Du très bon travail a été fait, c'est quelque chose que je respecte beaucoup.» Du côté de l'Etat portugais, la décision de la SSE inquiète également. Le Gouvernement portugais met en effet à disposition les locaux dans des écoles professionnelles, à Avioso et à Prior Velho, et paie les enseignants. A la mi-juillet, le secrétaire d'Etat portugais à l'émigration sera à Zurich, pour rencontrer la SSE à ce sujet...

Sylviane Herranz