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L'intégration des migrants passe par l'apprentissage de la langue

La Confédération fait de la maîtrise de la langue un critère sélectif pour le droit d'immigrer

Dès 2008, l'admission des personnes migrantes passera aussi par l'exigence de bonnes connaissances linguistiques. Encore faut-il que les structures d'apprentissage correspondent à cette exigence. C'est pourquoi Unia demande l'instauration d'un bon d'études et d'un crédit-temps de 500 heures pour tous les migrants, dont le financement serait assuré par les canaux publics déjà existants. Le syndicat formule cette revendication en collaboration avec l'institut de formation continue ECAP, institut de formation partenaire d'Unia.

Les directives de la nouvelle loi sur les étrangers qui entrera en vigueur le 1er janvier prochain exigent des personnes migrantes qu'elles apportent la preuve de leurs connaissances de l'une des langues nationales du pays pour prétendre à l'obtention d'un permis de séjour. Ainsi l'apprentissage de la langue sera l'un des critères clés pour l'admission ou l'expulsion. «Pour Unia, il est clair que de telles exigences ne peuvent être formulées que si, parallèlement, des modèles et des offres de formation en cours d'emploi sont prévus et encouragés», commente Vania Alleva, du département de la politique conventionnelle et de groupes d'intérêts d'Unia.

L'incitation plutôt que la menace
A quoi bon en effet poser des exigences linguistiques et brandir des menaces de sanctions si les gens à qui on demande de se former n'en ont pas la possibilité. Dans ce sens, Unia a formulé récemment des revendications qui permettent de passer de la théorie à la pratique, en se fondant sur l'incitation et la motivation plutôt que la menace de sanctions. L'idée est que chaque migrant reçoive un bon qui lui donne accès aux cours de langues requis et qu'il dispose d'un crédit-temps de 500 heures de cours pendant les heures de travail, le salaire de remplacement devant être couvert par les fonds publics. Le financement de ces mesures peut être assuré par les cantons et la Confédération, notamment dans le cadre de programmes déjà existants, comme celui de la loi sur la formation professionnelle ainsi que par les fonds paritaires et les fonds de branches.
Il s'agit, dans cette perspective, de créer à court terme au moins 10000 places de cours supplémentaires en axant l'apprentissage des langues sur les réalités et les besoins de la vie quotidienne et professionnelle.

Un perfectionnement professionnel
Pour promouvoir ce projet réaliste, Unia collabore avec l'ECAP. Signataire en septembre 2006 d'une convention de coopération avec Unia, cet institut de formation des adultes, fondé dans les années 70 par des migrantes et migrants italiens en Suisse, dispense chaque année des cours à quelque 28000 personnes provenant de plus de 100 pays. Ainsi, avec plus de 90000 leçons données, l'ECAP est aujourd'hui le troisième plus grand institut de formation continue du pays. Son directeur, Guglielmo Bozzolini plaide pour des mesures d'incitation plutôt que sur la contrainte. Il insiste sur le fait que la promotion de l'intégration par la connaissance linguistique ne concerne pas que les autorités chargées des problèmes de migrations. «Il s'agit d'un défi pour la société, qui suppose l'engagement de tous ses acteurs, du monde professionnel, des organisations de migrants et des instituts de formation. Il faut par exemple qu'une meilleure connaissance des langues nationales soit assimilée dans tous les cantons à un perfectionnement professionnel.»

Les employeurs y gagnent aussi
Ces cours de langue permettent aussi aux migrants de progresser sur le plan professionnel, comme l'atteste Benno Locher, porte-parole de la commission paritaire de la branche du nettoyage en Suisse alémanique. «Nous offrons des cours de langues de l'ECAP depuis deux ans et ils sont tout bénéfice aussi bien pour les employés que pour les employeurs.» Benno Locher fait valoir que la connaissance de la langue permet de mieux comprendre les techniques, les produits et les consignes de sécurité ainsi que de mieux organiser le travail. «Les deux parties, travailleurs et employeurs, retirent des avantages économiques et sociaux de cette amélioration des connaissances linguistiques.»
En Suisse romande, l'offre des cours de l'ECAP est appelée à s'élargir considérablement. Amilcar Cunha, secrétaire syndical Unia à Vevey et spécialiste des dossiers liés aux migrants, s'en félicite: «Ces cours répondent à un véritable besoin. Ils peuvent aussi servir à une meilleure intégration des migrants dans les structures syndicales, à leur permettre de mieux comprendre les décisions, les enjeux et les orientations et donc de favoriser le militantisme et les adhésions à long terme.»
Les mesures que demande Unia ont aussi le mérite d'être applicables immédiatement. «Elles ne nécessitent pas une modification de la loi, mais seulement une volonté politique», conclut Vania Alleva.

Pierre Noverraz