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Une autre manière de redistribuer les richesses

Unia invite ses membres à accepter l'initiative populaire réclamant six semaines de vacances pour tous

Le 11 mars prochain, la population sera appelée à se prononcer sur plusieurs objets, dont l'initiative populaire «6 semaines de vacances pour tous», lancée par Travail.Suisse. Un projet que ses auteurs justifient notamment par l'augmentation de la charge de travail et les coûts générés par le stress, évalués à 10 milliards de francs par an selon une étude du Seco. Unia se montre aussi favorable à davantage de jours de relâche. Le point avec Aldo Ferrari, membre du comité directeur du syndicat.

«Plus de vacances pour tous, car nous le méritons»: c'est en tout cas le point de vue d'Unia qui rappelle que la population active de notre pays travaille en moyenne 44 heures par semaine contre 41 heures en Autriche, 40 en Allemagne, 39 en Italie et 37 en France. En matière de vacances et de jours fériés octroyés par la loi, la Suisse est aussi à la traîne avec ses 29 jours de congé alors que leur nombre s'élève à 40 en Finlande ou encore à 38 en Autriche. La constante hausse de la productivité - 21% de plus au cours de ces deux dernières décennies sans que les salaires n'augmentent dans des proportions identiques (+6,4%), loin s'en faut - plaide également en faveur de davantage de jours de relâche. Sans oublier le coût du stress qui s'élèverait à quelque dix milliards de francs par an. Membre du comité directeur d'Unia, Aldo Ferrari estime cette initiative justifiée.

Pourquoi le syndicat soutient-il cette initiative?
La Suisse est un pays où l'on travaille beaucoup plus qu'ailleurs. Les personnes qui ne sont pas soumises à une convention collective de travail ne bénéficient que de quatre semaines de vacances par année. Alors que la productivité n'a cessé de croître, les salaires ont plutôt stagné. Offrir davantage de repos aux salariés serait une autre manière de redistribuer les richesses.

Le patronat juge de son côté ce projet trop onéreux et estime qu'il met en péril les PME. Que lui répondez-vous?
Quand il s'agit d'augmenter les salaires, les jours de congé, c'est toujours trop cher... Toute amélioration sociale a un prix mais elle génère une contrepartie. Des travailleurs en meilleure forme, plus reposés, se sentiront aussi mieux à leur poste.
Dans la grande majorité des secteurs conventionnés, composés à plus de 90% par des PME, les travailleurs ont déjà droit à six semaines de vacances. Cette situation n'a pas mis ces PME sur le carreau.

L'acceptation de l'initiative pourrait aussi entraîner, selon les employeurs, un gel, voire une diminution des salaires...
Sauf en cas de situation exceptionnelle, aucun employeur n'a d'intérêt à geler les salaires. Une telle démarche n'aurait d'autre effet que de démotiver les collaborateurs. Quant à une diminution des salaires, l'argument ne me semble guère crédible.

Quels seraient les principaux bénéficiaires de l'initiative en cas de succès?
Les employés des secteurs les moins bien payés, comme ceux du tertiaire et en particulier de la vente.

Dans le contexte de crise actuelle, une telle idée n'est-elle pas déplacée?
Des travailleurs qui bénéficient de davantage de temps pour décompresser, des travailleurs plus reposés, n'en seront que plus rentables. C'est aussi une autre forme de réduction hebdomadaire de l'horaire de travail, plus facile à organiser, et qui n'augmente pas la pression.
Ces dix dernières années, on ne peut pas non plus dire qu'on a traversé une crise exceptionnelle. Le projet s'inscrit dans la durée, aussi quand l'économie sera redevenue plus stable. S'il passe, il sera introduit progressivement, avec l'ajout, en 2013, d'une semaine de vacances, puis durant les cinq ans suivants, d'un jour de congé supplémentaire chaque année.
Quoi qu'il en soit, on sait quand on dépose une initiative, non quand elle sera soumise au vote.

Et en miroir avec la situation mondiale où l'on a davantage tendance à travailler plus pour produire toujours plus...
Cette crainte me rappelle le discours que l'ont tenait sur l'industrie japonaise dans les années septante... Tout progrès économique, toute augmentation des richesses a pour conséquence une organisation des personnes entendant elles aussi profiter de cette situation et toucher la part qui leur revient.

Selon Travail.Suisse, 90% de la population active se montre favorable à son initiative. Vos pronostics?
On ne doit jamais demander à un supporter les pronostics du match...


Propos recueillis par Sonya Mermoud