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Des poules de la contestation à la Migros

Participant à la Journée internationale des luttes paysannes Uniterre a dénoncé la mainmise de l'industrie

Dans le cadre de la Journée internationale des luttes paysannes, l'association pour une agriculture durable, Uniterre, a organisé une action à Genève. Dégustation de produits du terroir, accueil de la caravane de la Via Campesina et incursion dans une Migros à la clef...

Une poule qui, partie de la ferme, se rend directement dans un magasin Migros pondre son œuf dans une barquette... La publicité du géant de la distribution vantant des produits de proximité n'a pas manqué d'inspirer l'association pour une agriculture durable Uniterre. Le 17 avril dernier, à l'occasion de la Journée internationale des luttes paysannes (voir encadré), un groupe d'agriculteurs genevois se sont rendus dans une enseigne du quartier des Pâquis, dont deux avec leurs volatiles, plagiant le spot. «Nous avons voulu montrer que nous étions prêts à participer au commerce local mis en avant par Migros. Nous lui demandons la mise à disposition de barquettes vides pour nos poules. Contre une indemnité adéquate, nos poules sont d'accord de descendre en ville», explique Rudi Berli, secrétaire à Uniterre. «Le problème, c'est que Migros refuse de mettre dans ses rayons des produits équitables, à un juste prix. Les gérants de succursales ne disposent d'aucune autonomie pour conclure des contrats avec des producteurs régionaux. Nous réclamons à Migros la liberté pour ces derniers de négocier avec des paysans locaux», poursuit le secrétaire, précisant que tout passe par Zurich. Et que l'enseigne privilégie les grosses filières et des matières premières bon marché pour bénéficier d'une plus grande marge de profit.

Pas de liberté de choix
«En agissant de la sorte, Migros prive le consommateur de la liberté de choix.» Dans ce contexte, Uniterre a invité la population à soutenir la production locale et défendre une agriculture libre et solidaire, notamment via la Fédération romande de l'agriculture contractuelle de proximité (FRACP). Une initiative qui permet une relation directe entre consommateurs et producteurs. «Les intéressés peuvent ainsi se fournir directement chez les paysans et faire pression sur la grande distribution.» Ils contribuent également de la sorte au développement d'une «réelle agroécologie» et à la garantie de conditions sociales équitables. Et Uniterre de rappeler que chaque jour cinq fermes disparaissent en Suisse et les structures locales de transformation sont abandonnées. «80% de nos aliments passent désormais par des canaux industriels.»
Outre une dégustation de produits du terroir, Uniterre a aussi accueilli la «vélocaravane» de la souveraineté alimentaire de la Via Campesina». Un cortège formé d'un tracteur tirant une roulotte et d'une vingtaine de cyclistes, étudiants dans des écoles d'agriculture ou sympathisants à la cause. Ces derniers ont, du 8 au 17 avril dernier, sillonné le pays pour sensibiliser la population aux questions des semences ou des difficultés pour les jeunes d'accéder à la terre et appeler à la mobilisation pour contrer la mainmise de l'industrie alliée à la grande distribution. Le groupe s'est ensuite rendu au Champ-des-Filles à Plan-les-Ouates pour célébrer le deuxième anniversaire d'occupation de cette friche industrielle. «Cette surface de plusieurs hectares a été récupérée par des jeunes et des familles pour en faire des jardins. Uniterre soutient cette démarche promouvant l'usage consciencieux et modéré des terres agricoles.» Une action qui a aussi valeur de symbole, dans un contexte de fortes pressions immobilières sur l'utilisation des terrains...

 

Une marchandise spéculative
L'action menée à Genève s'est inscrite dans un vaste mouvement international La Via Campesina, militant pour des pratiques et politiques de souveraineté alimentaire. «La terre est devenue une marchandise comme une autre qui fait l'objet d'échanges spéculatifs, de même que l'eau, les semences, etc. Cette hypercommercialisation des biens communs conduit à des expropriations en masse des personnes qui vivent simplement de la terre. Les paysans en sont particulièrement affectés» rappelle La Via Campesina, appelant à la résistance contre la mainmise des multinationales sur le système alimentaire.
Quant à la date du 17 avril, elle commémore un anniversaire sanglant. Ce jour-là, en 1996, à Eldorado dos Carajas, dans l'état amazonien du Para au Brésil, la police militaire a ouvert le feu sur des paysans membres du Mouvement des travailleurs ruraux sans terre. Ces derniers, au nombre de 1500, avaient occupé et bloqué une autoroute pour exiger du gouvernement la mise en œuvre d'une réforme agraire. « Les policiers militaires de l'état du Parà, issus de deux brigades, les ont encerclés, utilisant des gaz lacrymogènes, et tirant à balles réelles avec des mitrailleuses » relate la Via Campesina. 21 personnes ont perdu la vie et 69 autres ont été blessées. «Plus de quinze ans après, aucun responsable de ce massacre n'a été emprisonné ou puni», dénonce le mouvement paysan. 


Sonya Mermoud