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Une enseigne disparaît, la solidarité reste

Casino Magro a fermé ses onze magasins en Suisse romande. Quelque 300 personnes ont perdu leur travail

Le personnel de Casino Magro a non seulement perdu son emploi, mais aussi vécu des heures terribles lors de la course aux bonnes affaires de la clientèle au moment de la liquidation. Comme il l'avait prévu auparavant, le syndicat Unia a récemment rassemblé les employés à Fully en Valais.

«Guillotine... faillite. Le magasin doit fermer au plus vite, les fournisseurs souhaitent à juste titre récupérer leurs biens; les prix sont bradés et c'est la ruée vers l'or des temps modernes. Courses des chariots, gros bras, le premier arrivé emporte l'objet convoité. A côté de cette effervescence, il y a une vendeuse qui inlassablement renseigne, conseille, encaisse la marchandise, tout en écoutant les remarques de personnes non conscientes que cette fermeture est synonyme de perte d'emplois et de fin d'une histoire propre à notre région. Le rideau de fer tombe en ce 6 avril 2013 sur le dernier magasin d'une enseigne valaisanne.» Secrétaire syndicale en charge du tertiaire en Valais, Francine Zufferey a écrit son indignation face à la situation vécue par le personnel de Casino Magro après des semaines de lutte et d'espoir pour le maintien de leur enseigne. Le couperet est tombé le 22 mars. L'enseigne, comptant 11 magasins, principalement en Valais, mais aussi dans les cantons de Vaud, Neuchâtel, Jura et Genève, a été mise en faillite, en raison des difficultés financières résultant, selon de nombreux avis, de la mauvaise gestion de l'ancienne direction. 260 employés de Casino Magro ont perdu leur emploi, plus 40 personnes environ travaillant pour les boucheries Del Maître installées dans les magasins. A cela s'ajoute l'incertitude pour de nombreux salariés des petits commerces logeant sous le même toit que Casino.
Depuis le début de l'année, et après le sursis concordataire provisoire obtenu à la mi-février, le personnel et le syndicat Unia se sont serrés les coudes. Le premier fidèle au poste et continuant à assurer la qualité du service, et le second assurant un soutien intensif. Mais au final, rien n'a pu être concrétisé en termes de reprise, et le Tribunal de Monthey décidait, plus tôt que prévu, de la faillite. «Le personnel a lutté avec une détermination et un courage exemplaire. Et les gens savent que nous sommes encore là, pour les soutenir dans les démarches vis-à-vis de la caisse chômage et d'insolvabilité, ou pour d'autres conseils. Nous sommes aussi intervenues auprès de Coop et Migros pour qu'ils les reprennent selon les places disponibles» soulignent Francine Zufferey et sa collègue Dominique Fovanna d'Unia Vaud, après une dernière rencontre avec le personnel qui s'est tenue le 24 mai à Fully en Valais. Une rencontre à laquelle avait pris part Vania Alleva, coprésidente d'Unia, venue témoigner du soutien de la direction du syndicat. Une septantaine de personnes, du Valais, de Vaud et de Neuchâtel, étaient présentes, alors que le personnel de Courrendlin dans le Jura devrait se réunir en juin. «Cette rencontre a permis au personnel de rester en lien afin de faciliter leurs recherches de travail. Et Unia demeure à leur disposition», ajoute Francine Zufferey.

Sylviane Herranz


Témoignages:

A Martigny, le choc...
«Cette réunion du syndicat à Fully était importante. Car nous avions toujours l'espoir qu'on serait repris, qu'ils nous rappelleraient. Des noms d'entreprises circulaient mais lors de cette rencontre, on a su que c'était terminé. Cela nous permet de décrocher et de nous investir entièrement dans la recherche d'un emploi», relève Elodie, vendeuse puis responsable de rayon au supermarché Casino de Martigny, où elle travaille depuis 2009. «A Martigny, on n'avait pas l'impression que les menaces de faillite étaient réelles, le gérant nous disait que tout allait bien se passer, qu'il ne fallait pas nous inquiéter. J'ai appris la faillite par la télévision, car je ne travaillais pas ce jour-là. Ça a été le choc! Comme pour tout le personnel de Martigny je pense. Puis il y a eu la liquidation, c'était abominable. Un monde énorme, pas mal d'agressivité. C'était dur. Surtout pour les vendeurs, à la caisse. Moi j'étais au rayon des vins et boissons, on vidait les stocks, on a fait ce qu'on a pu.»
Elodie est confiante pour son avenir. «Ce n'est pas comme ces collègues de 60 ans, avec 30 ou 40 ans d'entreprise. Je suis jeune, je vais retrouver du travail. Je cherche aussi dans d'autres branches, j'ai envie de me former», souligne la jeune femme, pour qui le plus éprouvant a été les derniers jours de travail. «J'aurais aussi aimé que des membres de la direction passent dans le magasin, pour nous expliquer. Mais nous n'avons vu personne. Seul le gérant nous informait, par petits groupes», ajoute-t-elle avant de mentionner un autre regret: «C'est peut-être bête, mais je m'attendais à ce qu'il y ait un apéro avec l'ensemble du personnel. Il n'y a rien eu... Juste un petit truc entre quelques collègues présents.»

«Nous avons tenu parce que nous étions solidaires!»
«A Uvrier, on voyait que les choses n'allaient pas bien. Des marchandises n'arrivaient pas. Puis il y a eu le sursis concordataire. Nous étions sûrs qu'avec le nouveau directeur arrivé en octobre, nous trouverions une solution. Mais il a manqué de temps», explique Andrée qui comptabilise 13 ans de travail chez Casino. D'abord comme gérante d'un petit magasin du village, situé non loin de Sion. Puis à l'hypermarché, comme caissière et au rayon non food. Elle évoque la gestion catastrophique de la direction précédente, et le fait qu'en 13 ans, elle a connu pas moins de 14 directeurs!
«Le magasin d'Uvrier a été refait de A à Z en mars 2012; c'est un magasin magnifique, et l'ambiance entre nous était vraiment super. Nous avons tenu autant de temps parce que nous étions solidaires. On l'a roté, surtout les derniers mois. Lors de la liquidation, c'était lamentable, les gens sautaient sur la marchandise. J'étais dégoûtée. Il y avait 3 heures d'attente aux caisses. Ça nous faisait mal», raconte-t-elle. «Mais ce qui me fait le plus mal, ce sont ces jeunes qui se retrouvent sans emploi. Une collègue était en réinsertion dans le cadre du chômage et elle arrive en fin de droits. Et ces mamans seules avec des enfants. Moi, j'ai 57 ans, ma vie professionnelle est derrière moi. Bien sûr, il faudra faire plus attention, au chômage, je ne toucherai que 70% de mon salaire.»
Andrée, syndiquée de longue date, regrette aussi qu'avec Casino disparaisse la Convention collective signée en 2002. «Pour moi, cette CCT c'était la sécurité. Toute une structure s'était mise en place, avec nos droits, nos devoirs. J'ai gagné 3 francs de plus par heure. C'était énorme! Beaucoup de gens ne se rendent pas compte du travail fait par le syndicat. S'ils étaient plus solidaires, on ferait du bon boulot!»

SH