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Sans droit de grève nous serions tous des esclaves

La Confédération syndicale internationale appelle tous ses affiliés à participer le 18 février à une journée d'action mondiale

Le droit de faire grève est remis en cause par les employeurs au sein de l'Organisation internationale du travail, et par des gouvernements souhaitant, comme en Grèce ou en Espagne, empêcher les travailleurs de résister aux programmes d'austérité et aux attaques contre leurs conditions de travail. La CSI appelle à une journée de mobilisation le 18 février.

«L'élimination du droit de grève ferait de nous tous des esclaves.» Dans sa déclaration publiée le 10 décembre à l'occasion de la Journée internationale des droits de l'homme, la Confédération syndicale internationale (CSI) est on ne peut plus claire sur les conséquences de la grave attaque contre «l'un des droits humains les plus fondamentaux», ayant cours au sein même de l'Organisation internationale du travail (OIT). La CSI, faîtière syndicale mondiale représentant 176 millions de travailleurs de tous les continents, appelle à une journée d'action mondiale en défense du droit de grève le 18 février prochain et invite toutes ses organisations affiliées à y participer.
Cette attaque, qui condamnerait les travailleurs à accepter sans mot dire les diktats du patronat, est menée depuis 2012 par le groupe des employeurs à l'OIT, organisation créée en 1919 après le séisme de la Première Guerre mondiale pour que la justice sociale, basée sur l'amélioration des conditions de travail, permette à la paix de s'établir durablement. Le groupe des employeurs, emmené par les patrons européens (voir L'ES du 13 août 2014), a refusé de se pencher sur certains cas de violation des droits des travailleurs soumis à la commission des normes, sous prétexte que le droit de grève ne découlerait pas de la Convention n° 87 de l'OIT sur la liberté syndicale. Or ce droit, essentiel à la classe ouvrière pour se défendre et conquérir de nouveaux acquis, est reconnu depuis toujours comme un droit fondamental par l'OIT et sa jurisprudence.

La Suisse pas en reste...
Cette fronde met l'OIT, institution tripartite composée des représentants du patronat, des gouvernements et des travailleurs des pays membres, dans une situation de blocage. Le groupe des travailleurs et certains gouvernements ont demandé que soit saisie une Cour internationale de justice (CIJ) habilitée à trancher un tel litige. Mais le groupe des employeurs et plusieurs états - dont la Suisse! - s'y opposent. Une rencontre tripartite sur le droit de grève est prévue le 18 février à Genève, siège de l'OIT. Elle préparera la réunion du conseil d'administration du Bureau international du travail de mars, qui se prononcera sur la saisie ou non de la Cour de justice.
En parallèle à cette attaque au sein de l'OIT, le droit de faire grève est remis en cause partout dans le monde, y compris en Suisse où, malgré la récente victoire des travailleurs des TPG, la lutte chez Pavatex ou les débrayages dans la fonction publique neuchâteloise et genevoise, le droit de grève reste un droit fragile et toujours à reconquérir, bien qu'il soit garanti par la Constitution. Preuve en sont les licenciements en 2013 des grévistes de l'hôpital de la Providence à Neuchâtel (voir aussi ci-dessous), puis de ceux du magasin Spar à Dättwil (AG), et le licenciement l'année suivante des grévistes de Gate Gourmet à Genève.

Grévistes menacés de prison en Espagne
Si jusqu'ici la négation du droit de grève était propre aux régimes dictatoriaux, elle est aujourd'hui à l'œuvre dans plusieurs pays européens. En Grèce par exemple où, pour permettre l'application des programmes d'austérité, le gouvernement a fait appel à l'armée et à la réquisition pour interdire la grève des travailleurs du métro d'Athènes, de ceux des ferries, des enseignants ou, l'été dernier, du personnel de la société d'électricité s'opposant à sa privatisation.
En Espagne, quelque 300 syndicalistes sont poursuivis pénalement et risquent d'être condamnés à des peines de prison, plus lourdes que celles de criminels de droit commun! Le 11 février prochain se tiendra la 2e audience de jugement de huit travailleurs d'Airbus contre lesquels le parquet a requis 66 ans d'emprisonnement, soit 8 ans et 3 mois chacun, pour avoir participé à un piquet de grève. Des peines jamais vues depuis la dictature franquiste!
Ailleurs, comme en Allemagne, le droit de cesser le travail est aussi attaqué par le gouvernement de coalition, projetant d'interdire à un syndicat minoritaire la possibilité de déclencher une grève. Et la Grande-Bretagne n'est pas en reste, le premier ministre David Cameron promet, s'il est réélu en mai, de fixer un taux de 40% de grévistes pour qu'un arrêt de travail soit autorisé dans le secteur public, une manière d'empêcher tout débrayage.

Action à Genève
Face à une telle situation, la mobilisation est non seulement nécessaire, mais urgente pour défendre un droit élémentaire des travailleurs. L'Union syndicale suisse et ses fédérations prendront part à la journée d'action du 18 février. D'ores et déjà, une manifestation est prévue ce jour-là à 18 heures à Genève. Des précisions sur son déroulement seront communiquées ultérieurement. 


Sylviane Herranz