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En route pour défendre nos acquis et obtenir de nouveaux droits

Le Congrès d'Unia a débattu de plusieurs résolutions et partagé d'intenses moments

Egalité des droits, équité, solidarité et volonté de lutte pour défendre les acquis ont été au cœur des débats du Congrès d'Unia. Des débats parfois vifs, mais riches d'expériences multiples et émaillés de moments forts, ont marqué les échanges sur les résolutions présentées. Survol.

Le fil rouge du 4e Congrès d'Unia a été la discussion de la stratégie de l'organisation. Cette discussion, sur laquelle nous reviendrons, a été entrecoupée par l'adoption de résolutions, préludes aux échanges plus approfondis qui se tiendront lors d'une journée supplémentaire prévue à Bienne le 3 décembre, et par les interventions d'invités internationaux - Marco Polo Ferrer qui a présenté le combat en défense des ouvriers philippins au Qatar, et Philip Jennings, secrétaire général d'Uni Global Union. D'autres moments forts ont encore émaillé les débats, comme ces témoignages de militants ayant lutté avec succès ces dernières années, tant dans la construction pour la défense de la retraite à 60 ans, chez Exten au Tessin contre la baisse des salaires, ou chez les peintres et plâtriers alémaniques pour décrocher une retraite anticipée.
Autre «intermède», celui qui a vu les délégués du second œuvre romand monter sur scène et se rassembler derrière une banderole évocatrice: «Vous ne détruirez pas notre CCT!» Le Congrès a adopté une résolution de soutien au combat qu'ils ont engagé contre la dénonciation de leur CCT et pour l'augmentation de leurs salaires.

Minute de silence
Le débat sur la résolution «Pour une Suisse ouverte et solidaire» a été l'occasion d'un autre moment marquant du Congrès. Cette résolution revendique «l'égalité en droit de tous les travailleurs et travailleuses, une politique d'asile à visage humain, la légalisation des sans-papiers et des procédures de naturalisation facilitée». Rita Schiavi, membre sortante du Comité directeur, a rappelé qu'Unia et ses prédécesseurs avaient lutté pendant des décennies contre le statut de saisonnier et que ce combat allait se poursuivre contre les contingents. Elle a dénoncé le verrouillage de la Loi sur l'asile et rappelé l'exigence d'accueillir 50000 personnes. Elle a également souligné la précarité des quelque 300000 sans-papiers vivant en Suisse, comme le fait qu'un quart de la population n'a pas le droit de vote.
«Les réfugiés partent de leur pays car ils fuient la violence et la répression. Nous devons dénoncer les protagonistes de la guerre qui détruisent leur pays», a lancé Rachid, délégué vaudois, évoquant son propre parcours. «Nous devons aussi dénoncer l'hypocrisie de l'Union européenne qui nous parle de libre circulation tout en érigeant des barbelés, et dénoncer l'accord qu'elle a passé avec la Turquie, empêchant des travailleurs de fuir et de venir chercher notre soutien.» Et le militant de demander une minute de silence «pour tous ceux qui sont morts sous les bombes ou en traversant les mers dans leur fuite sur les routes de l'espoir». Les 500 délégués et invités présents se sont levés pour une longue minute de silence, moment intense, chargé de vécu, comme des images des drames qui se jouent à nos portes. Une solidarité forte et émouvante, renouant en silence avec l'esprit internationaliste.

Conciliation et numérisation
Cinq autres résolutions ont encore été adoptées, dont une sur la protection des salaires, et une autre sur la sécurité sociale (voir encadrés). Intitulée «Nous travaillons pour vivre, pas l'inverse», la résolution sur la conciliation exige une réduction du temps de travail, des garde-fous à la flexibilisation, des droits sociaux en matière de travail non rémunéré et de places d'accueil, et l'égalité salariale. A ce sujet, Corinne Schärer du Comité directeur a fustigé la proposition de révision de la Loi sur l'égalité que vient d'annoncer le Conseil fédéral: «Cette révision est inutile et irrecevable. Nous ne voulons pas de demi-portion en matière de contrôles!»
Introduite par le témoignage d'un chauffeur de taxi luttant contre Uber, la résolution «Humanisation du travail plutôt que logique capitaliste» pose des jalons pour affronter la numérisation et l'uberisation de l'économie. Cette numérisation va engendrer de nombreuses pertes de travail, estime Unia. Il faut donc des règles et non pas leur destruction comme le veut le patronat pour augmenter ses profits. La résolution fixe aussi un «agenda pour l'emploi» pour répondre à l'érosion des postes de travail.

Lutte des classes par en haut
Dans une résolution, la jeunesse Unia proposait d'«intensifier la lutte des classes dans les entreprises». Partant de la forte mobilisation en France contre la Loi travail, ils invitaient à se donner les moyens de contrer «la lutte des classes d'en haut». Et demandaient non seulement d'intensifier l'implantation dans les entreprises pour devenir un syndicat actif et offensif, mais également de se «détourner» du partenariat social». «Tant que nous nous laisserons apprivoiser au nom du partenariat social, le capital va nous piétiner. Il faut que cela cesse!» écrivent les jeunes. Le Comité central a opposé une contre-proposition, qui l'a emporté par près de 60% des voix, contre 40% et quelques abstentions. La résolution adoptée retient la nécessité d'intensifier la construction syndicale dans les entreprises, sans pour autant remettre en cause le partenariat social, sujet déjà débattu lors de la définition de la stratégie d'Unia.

Sylviane Herranz

Toutes les résolutions adoptées se trouvent sur le site: www.unia.ch, sous Congrès 2016.


Protégeons les salaires plutôt que les frontières!
«Protégeons les salaires et les droits des travailleurs en général, plutôt que les patrons et les frontières!» Cette résolution a suscité une large discussion, en marge de l'intervention de Jacques de Watteville (voir en page 3). Pour une déléguée tessinoise, ce qui se passe dans son canton «est le prélude de ce qui va se passer partout en Suisse», a-t-elle déclaré, ajoutant que le dumping était déjà présent au Tessin avant les accords bilatéraux mais qu'il s'est accru depuis. Danièle Parmentier, présidente d'Unia Genève, a montré comment la question de la préférence nationale, même light, «est à côté de la plaque»: «Nous connaissons la préférence cantonale. Elle est inadéquate pour combattre le chômage qui n'est pas dû aux chômeurs ni aux frontaliers mais aux entreprises qui licencient et à la politique d'austérité de l'Etat.» La militante a ajouté qu'une telle préférence peut renforcer le dumping car elle remplace la concurrence entre résidents et étrangers par celle entre chômeurs. La protection contre les licenciements, celle des délégués syndicaux, et la lutte contre le travail temporaire qui explose (68% de plus à Genève) ont aussi été revendiquées. La résolution exige des améliorations urgentes des mesures d'accompagnement. Unia s'engage également à combattre toute introduction de contingents et considère que ni la préférence nationale, ni l'initiative Rasa pour l'annulation du vote du 9 février 2014 ne sont une solution. Pour redonner confiance en la libre circulation, Unia se battra pour «garantir que des salaires suisses soient versés en Suisse».
SH

Vers un référendum contre Prévoyance vieillesse 2020
La résolution «Pour une offensive sociale» affirme la volonté d'Unia de se battre contre le démantèlement social et la politique d'austérité, notamment en s'opposant à la RIE III, et pour la défense de la sécurité sociale. Un thème provoquant une vive discussion sur la réforme Prévoyance vieillesse 2020. Les échanges ont démarré après le discours de Paul Rechsteiner, président de l'USS, durant lequel il a présenté l'initiative AVSplus comme «grand acquis du mouvement syndical» qui a ouvert l'opportunité de redorer l'AVS. Une opinion que tous ne partagent pas, y voyant plutôt une grande défaite.
Face à l'ampleur des attaques contenues dans la réforme des retraites, le Congrès a imposé, contre l'avis du Comité directeur qui souhaitait attendre les résultats des débats au Parlement, la décision de lancer un référendum pour s'y opposer clairement et ne pas autoriser une voie intermédiaire qui prévoirait une compensation dans l'AVS. «La hausse de l'âge de la retraite prévue dans le cadre de la réforme de la Prévoyance vieillesse 2020 - quel qu'en soit le mécanisme - la réduction des rentes de veuve et d'enfant dans l'AVS ainsi que le démantèlement du 2e pilier, suite notamment à la réduction du taux de conversion, sont autant de mesures inacceptables. Nous combattrons par la voie référendaire de telles attaques contre nos droits», affirme la résolution adoptée. Une formulation soutenue par de nombreux délégués. «Le modèle des trois piliers a déjà montré sa faillite; en attendant une alternative de qualité, défendons pied à pied nos acquis. Nous devons nous opposer à toute hausse de l'âge de la retraite. Il doit au contraire être abaissé pour tous», a défendu une déléguée de Suisse alémanique. «Nous devons prendre nos responsabilités, faire tout notre possible pour garder ce qui nous reste. Nous ne pouvons pas accepter ces attaques, pas accepter la hausse de l'âge de la retraite des femmes, n'allons pas vers de fausses égalités», a lancé Marisa Pralong de Genève. Et Mike Nista, président d'Unia Vaud, d'ajouter: «Cette réforme est une attaque frontale. Les caisses de pension ont aussi une importance. Nous devons nous opposer frontalement à ce qu'ils préparent à Berne, il faut que l'on soit fort, n'ayons pas peur. Nous lancerons le référendum et nous le gagnerons!»
SH

 

Vania Alleva est réélue avec brio à la présidence

Les délégués d'Unia ont accepté de porter le nombre de membres du Comité directeur (CD) de 9 à 7, mais rejeté une proposition neuchâteloise demandant qu'il soit composé au moins de 3 femmes, 3 hommes et de 3 romands et tessinois. «Il est injuste que seuls 2 Latins soient au CD alors que 45% des membres d'Unia viennent de Suisse romande et du Tessin, régions qui jouent un rôle très important dans les luttes du syndicat», a tenté, sans succès, d'argumenter un délégué de Neuchâtel.
Le Congrès a aussi pris congé et salué deux membres du Comité directeur sur le départ: Rita Schiavi qui prendra sa retraite en janvier, au grand regret de militants de la migration disant se sentir «un peu orphelins», tout en l'acclamant chaleureusement, et Pierluigi Fedele qui retourne au service d'Unia Transjurane.
Les sept autres sortants ont été largement réélus. Avec plus de 90% des voix, Vania Alleva a été reconduite avec brio à la tête d'Unia, qu'elle occupait en coprésidence avec Renzo Ambrosetti depuis le Congrès de 2012, et comme présidente unique depuis juin 2015. A la vice-présidence ont été réélus Martin Tanner, responsable des Finances, et Aldo Ferrari, responsable des Arts et métiers. Le chef du secteur de l'Industrie, Corrado Pardini, et celui de la Construction, Nico Lutz, ont été reconduits dans leur fonction. Véronique Polito et Corinne Schärer ont elles aussi été réélues. Dans la foulée, le Congrès a désigné les 49 membres du Comité central, composé des membres du CD, des secrétaires régionaux, de représentants des régions, des secteurs et des groupes d'intérêts.
SH


Paroles de militants d'Unia

Antonio Di Marino, mécanicien en horlogerie, délégué syndical Genève, 56 ans
«Le grand défi de ces prochaines années? Stabiliser l'emploi et créer une véritable solidarité entre travailleurs dans l'horlogerie. Car, en dehors des mauvais moments, les employés sont très individualistes. Je suis délégué depuis 1989, et je peux dire que c'est vraiment de plus en plus difficile de recruter de nouveaux membres. Et puis quand les gens se retrouvent au chômage, certains quittent le syndicat, car même si la cotisation est minime (une quinzaine de francs par mois), c'est encore trop. On devrait peut-être penser à la rendre gratuite... J'aimerais aussi que le syndicat instaure un contact continu et direct avec le personnel dans l'horlogerie. C'est ce qu'on est en train d'essayer de faire, mais ce n'est pas évident, car les patrons font barrière au syndicat. Mais à force d'insister, ils vont bien finir par lâcher...»


Alcina Esteves De Almeida, femme de chambre, serveuse, à la recherche d'un emploi, déléguée syndicale Genève, 55 ans

«Unia doit s'investir davantage dans le contrôle des entreprises. Il y a beaucoup trop d'abus que ce soit dans l'hôtellerie-restauration ou dans les agences temporaires. Au moment de mon licenciement, je suis allée à Unia pour défendre mes droits. Grâce au syndicat, j'ai récupéré ce que mon employeur me devait, et je me suis engagée. Je me sens protégée en faisant partie du syndicat et je me bats aussi pour mes collègues. Je garde confiance en l'avenir...»


José Mota, contremaître en génie civil, délégué syndical Vaud, 52 ans
«Je me suis syndiqué lorsque j'étais manœuvre et depuis je n'ai jamais cessé de militer même si j'ai changé de poste. Malheureusement les travailleurs s'investissent de moins en moins et ils attendent que le syndicat fasse tout. Or on doit le soutenir, c'est à nous de nous engager. Mais je dois dire que dans mon équipe, on est solidaire. Dans les grèves, ça fonctionne. Tout le monde s'arrête. Ça donne de la force. J'espère qu'on arrive à défendre nos conditions de travail et la retraite à 60 ans. Revenir sur cet acquis serait impensable, car les gens sont vidés avant. On devrait arriver à interdire le licenciement des travailleurs âgés qui sont dans la boîte depuis des années (sauf en cas de faute grave bien sûr). Licencier à cet âge, c'est comme prendre la dignité de la personne. Tout s'achète et tout se vend, sauf la dignité. Mais je reste positif pour l'avenir. C'est dans ma nature.»


Severin Zeller, employé de commerce, membre de la Jeunesse d'Unia Berne, 20 ans

«Le syndicat est très important pour tous les travailleurs de Suisse et d'ailleurs. Je n'ai pas de problème personnellement dans mon poste, mais je vois la situation de ma mère infirmière avec des horaires infernaux pour un salaire de misère. Je préfère m'engager à Unia, car c'est le syndicat qui m'inspire le plus. C'est important de pouvoir regrouper tant de monde et de nationalités, comme nous pouvons le voir dans ce Congrès. Nous faisons partie d'une solidarité internationale, et devons aussi nous engager pour tous les migrants. Le syndicat, c'est un moyen de changer le monde.»


Ludivine Caloz, assistante en pharmacie, déléguée syndicale Valais, 31 ans

«Je suis membre d'Unia depuis mon apprentissage. Surtout parce que mes parents et mon grand-père déjà étaient syndiqués. Etant jeune, je n'avais pas l'impression que le travail du syndicat me concernait vraiment. Alors que je sais aujourd'hui que c'est tout le contraire. J'aimerais avoir des outils pour convaincre les gens de l'importance de se syndiquer. Surtout dans ma branche essentiellement féminine, et qui n'a plus de convention collective depuis 2004. Chacun doit pouvoir s'impliquer selon ses possibilités. On fait ce qu'on peut. Ici, dans ce Congrès, je suis étonnée par la diversité des gens. Ce n'est pas réservé à une élite...»


Célio Rodriguez, opérateur de fabrication dans le secteur de la pharma, délégué syndical Vaud, 57 ans

«C'est de plus en plus difficile de faire adhérer les collègues, surtout les frontaliers qui ont souvent une image négative des syndicats français. Mais même les collègues syndiqués ont de la peine à venir aux comités. Ils ont toujours de bonnes excuses, jamais le temps. Or participer à la vie du syndicat est important, car c'est plus difficile de faire face en cas de problème s'il manque cet engagement régulier. Ici, au Congrès, les travailleurs ont prouvé que ce sont eux qui décident, car certaines décisions du comité central et du comité directeur ne sont pas passées ce matin.»


Carine Dreier, présidente du groupe des retraités de Fribourg, 73 ans

«En exagérant un peu, je peux dire que je vois le syndicat comme le sauveur du monde. Il est très important pour moi. Cela tient de mon père déjà syndicaliste en Hollande, mon pays d'origine. J'espère que les gens se rendent compte que sans syndicat, il n'y aurait pas d'AVS, pas de vacances... Quant à l'avenir du syndicalisme, je ne sais pas, je suis positive de nature, peut-être trop. Je continue à militer pour l'avenir des jeunes, pas pour moi. Les échecs du syndicat lors des votations viennent de la peur des gens. J'aimerais que tout le monde soit le bienvenu, qu'il n'y ait plus de frontières...»


Yevanus Kartun, ouvrière dans le secteur de l'horlogerie (emboîtage), déléguée syndicale Neuchâtel, 52 ans
«Le syndicat est important pour lutter pour nos droits, soutenir les travailleurs, les ouvriers. Car c'est en étant ensemble qu'on peut créer une force. Seul, on ne peut rien faire. Mais malheureusement, on a perdu la votation sur AVS+, alors que les personnes de plus de 50 ans ne trouvent plus de travail. Le syndicat devrait agir dans les zones frontalières, car ce sont les résidents suisses qui sont discriminés par rapport aux frontaliers. Je suis désolée de dire ça en tant que syndicaliste, mais j'en viens à être contre la libre circulation. Il faut davantage de contrôles. Le syndicat doit faire pression sur les patrons, mais aussi sur les politiciens pour une meilleure protection des employés. Personnellement, j'ai de la chance, mon patron actuel est vraiment correct avec moi.»

Propos recueillis par Aline Andrey