«Ils sont en train de dégraisser Nestlé. Nous sommes le brouillon de ce qu’ils vont faire à des milliers de salariés de ce groupe très largement bénéficiaire. Nestlé doit faire attention à son image de marque…» Ces paroles prémonitoires sont celles de Nathalie Strauss, employée de Galderma à Sophia Antipolis près de Nice et déléguée syndicale du site. Elle les a prononcées en février dernier devant le siège de la multinationale à Vevey. Ce jour-là, près de 200 salariés étaient venus de la Côte d’Azur pour exiger du respect et de la considération pour leur travail, leur centre de recherche, leur existence. Nestlé avait annoncé la fermeture pour l’automne 2018 de ce fleuron de la recherche en dermatologie appartenant à sa filiale Nestlé Skin Health. Au compteur: 550 personnes sur le carreau. Qui s’ajouteront aux 190 emplois détruits chez Galderma à Soleure l’année passée. Pour l’heure, à Nice, rien n’est encore joué grâce à la mobilisation exemplaire et tenace des salariés. La fermeture semble confirmée, mais des repreneurs seraient en lice.
L’arrivée du nouveau CEO de Nestlé, Mark Schneider, début 2017 n’est pas étrangère à la vague de fermetures et de restructurations touchant le groupe dans le monde et en Suisse. Peu après son entrée en fonction, il avait annoncé un plan de réduction des dépenses. «Nous ne prévoyons pas un plan massif, mais de petits ajustements en fonction des besoins et des opportunités», avait-il indiqué à la Tribune de Genève. Des «petits ajustements» qui prennent forme avec une rare violence, comme le montre le biffage massif d’emplois chez Galderma, et aujourd’hui dans le service informatique de Nestlé à Vevey et Bussigny, et à la centrale de Nespresso à Lausanne. Jusqu’à 580 emplois – près de 10% des postes de Nestlé dans le canton – sont visés par la délocalisation annoncée à Barcelone, au Portugal ou en Italie où la main d’œuvre est moins chère. Sans compter les 25 postes perdus à Broc, le centre de recherche sur le chocolat ayant été déplacé en Angleterre. Et ceux qui ne manqueront pas de disparaître dans les usines Nespresso après les changements d’horaires introduisant des conditions de travail intenables, contre lesquels des travailleurs se sont élevés récemment.
Pour faire passer sa politique du rendement à tout prix en Suisse, Nestlé n’hésite pas à remettre en cause son image d’employeur modèle. Et à user de pratiques jusque-là réservées à ses usines d’Amérique latine ou d’Asie: l’antisyndicalisme. Le géant veveysan refuse de négocier avec Unia, pourtant mandaté par de très nombreux travailleurs des sites de production de Nespresso. De même qu’il refuse le syndicat à la table des négociations dans le cadre de la restructuration annoncée la semaine passée. Facile ainsi d’embobiner les salariés, avec des représentants du personnel «cueillis» par des chefs et mis sous pression. Une telle politique est une violation flagrante des conventions 87 et 98 de l’OIT sur la liberté syndicale. Mais ni l’Etat de Vaud, qui compte seulement limiter les dégâts, ni Nestlé n’en ont cure. Pour le géant veveysan, le pouvoir de l’argent suffit…