Aller au contenu principal
Menu

Thèmes

Rubriques

abonnement

«C’est comme si nous revenions au XVIIIe siècle»

Chantier d'En Chardon.
© Neil Labrador/Archives

Employés sur le chantier d’En Chardon, des travailleurs recrutés dans le sud de l’Italie étaient victimes de ponctions sur leurs comptes bancaires, ouverts dans leur pays pour l’occasion.

Un reportage de «Temps présent» aborde deux gros cas de dumping et de racket d’ouvriers sur des chantiers publics dénoncés par Unia

Le magazine Temps présent de la RTS braque ses caméras sur le dumping dans les chantiers publics. Diffusé ce 19 mars, un reportage de Françoise Weilhammer, «Zones d’ombres sur les chantiers publics», reviendra sur deux cas emblématiques. A Genève d’abord avec le chantier du nouveau dépôt des Transports publics genevois (TPG) d’En Chardon, qui avait défrayé la chronique au printemps 2019 lorsque Unia avait dénoncé un grave cas de sous-enchère salariale et de racket d’électriciens. Engagés dans le sud de l’Italie, ces travailleurs étaient victimes de ponctions sur leurs comptes bancaires, ouverts dans leur pays pour l’occasion. «Je savais qu’il y aurait des prélèvements, mais si je ne l’avais pas accepté, je n’aurais pas été engagé», raconte dans le documentaire un électro, qui avance le chiffre de 1000 à 1500 euros soustraits chaque mois. X, une société lombarde représentée en Suisse par une succursale domiciliée dans le canton de Vaud, avait obtenu le mandat pour l’électricité du dépôt en proposant un prix anormalement bas. «Il est important si on veut bien gérer les deniers publics de mettre l’accent sur le prix et d’en faire le critère principal», se justifie le directeur des TPG, Denis Berdoz. «Une simple règle de trois montre que l’entreprise ne pouvait pas respecter les conditions de travail», critique le secrétaire de la Fédération genevoise du bâtiment, Nicolas Rufener. Au final, il a fallu réattribuer le mandat pour l’électricité, l’inauguration du dépôt des trams et des bus a été repoussée de plusieurs mois et la facture du chantier s’est alourdie de 10 millions de francs.

Le reportage nous emmène ensuite au Tessin, au tunnel de base du Monte Ceneri, le dernier maillon de la Nouvelle ligne ferroviaire à travers les Alpes. Là aussi, une société italienne, GCF, a décroché un gros contrat, celui de l’équipement ferroviaire, grâce à une offre très avantageuse. Employé durant plus d’une année, Fouad, un machiniste, témoigne: «Nous étions obligés de travailler entre 12 et 16 heures par jour, mais sur notre feuille de paie, il était toujours inscrit 8 heures. On était traités comme des esclaves. A l’intérieur de la société s’était établi un climat de silence, on ne pouvait pas se défendre, cela créait un sentiment d’injustice profonde.» Ici encore, des retenues salariales étaient prévues. Quelque 20400 euros pour une année de travail, assure Fouad, qui a refusé et s’est tourné avec d’autres vers le syndicat. «C’est une remise en question des droits fondamentaux des travailleurs, c’est comme si nous revenions au XVIIIe siècle», analyse Igor Cima. Ce secrétaire syndical d’Unia Tessin chiffre à au moins 3 millions les arriérés de salaires dus au personnel, soit 40000 à 45000 francs par travailleur. L’avocat de GCF conteste et a son explication concernant ces prélèvements: «Ils sont effectués pour payer l’impôt à la source»… La justice tranchera. En attendant, signalons que GCF s’est déjà fait pincer pour des faits similaires au Danemark. En guise de conclusion, le doc nous rappelle que GCF a été mandaté par les Transports publics de la région lausannoise pour poser cette année les rails dans le nouveau tunnel du LEB… Il y aura peut-être aussi du boulot pour Unia Vaud.

Si «Zones d’ombres sur les chantiers publics» a le mérite de mettre en lumière un important problème social, il n’évoque pas vraiment les solutions possibles pour éviter ces dérives. Les téléspectateurs avertis pourront toutefois en déduire que ce n’est pas le moment de renoncer ou d’affaiblir les mesures d’accompagnement, ni le 17 mai à l’occasion de la votation sur l’initiative de limitation, ni plus tard lors de la conclusion de l’accord institutionnel avec l’UE.

«Zones d’ombres sur les chantiers publics», Temps présent, jeudi 19 mars à 20h10 sur RTS1, rediffusions le 20 mars à 13h35 et le 25 mars à 12h25 sur RTS2.

Pour aller plus loin

Fribourg durcit la lutte contre le travail au noir

Un peintre au travail.

A l’unanimité, le Grand Conseil a décidé de mesures fortes, permettant de fermer des chantiers et d’amender les entreprises fautives jusqu’à un million de francs. Une première dans le pays et un succès pour les partenaires sociaux

«Ils veulent qu’on travaille toujours plus vite»

Le syndicaliste José Sebastiao informe les travailleurs de l’enquête menée par Unia.

Unia part à la rencontre des maçons sur les chantiers de Suisse pour les interroger sur la question de la pression des délais et ses conséquences. Reportage à Genève

Les électriciens récompensés

Le 19 mai 2018, quelque 400 électriciens venus de toute la Suisse ont manifesté à Zurich devant le siège des patrons pour exiger des améliorations substantielles de leurs conditions de travail et d’embauche.

Après des mois de mobilisation, les électros pourront bénéficier d’une nouvelle CCT dès le 1er janvier 2020, comprenant notamment d’importantes avancées salariales. Détails

Canicule: des chantiers vaudois à l’arrêt

La canicule additionnée à la pénibilité des travaux menace la santé des ouvriers.

Unia et la Fédération vaudoise des entrepreneurs ont activé la semaine dernière le Fonds santé et sécurité. Une première à cette période de l’année