Question de survie
Changement d’orientation de la Grève du climat programmée ce 15 mai dernier. Cette journée qui devait servir de caisse de résonance nationale à la convergence des luttes environnementales et syndicales n’a pu, en raison de la pandémie de coronavirus, bénéficier de l’impact escompté. Et s’est traduite dans l’espace public par quelques rassemblements organisés en rangs dispersés afin de respecter les prescriptions sanitaires.
Quoi qu’il en soit, en dépit de la visibilité réduite de cet événement qui s’est davantage exprimé via des interventions en ligne et un entre-soi regrettable, le message porté par le mouvement reste plus que jamais d’une pertinence vitale. Et se résume à quelques mots: pas de retour à l’anormal. En clair, à un mode de vie ultraconsumériste et un productivisme débridé dont on mesure via la crise sanitaire un des multiples effets dévastateurs. La destruction des écosystèmes et des habitats de la faune et de la flore, la déforestation à large échelle, l’agriculture intensive, l’exploitation illimitée de matières premières... Autant de dérives qui concourent à des calamités en chaîne dont des épidémies et des pandémies. Notre mépris du vivant et de la nature, de sa complexité et de notre interdépendance avec cette dernière, nous mène à notre perte. Dans ce contexte, poursuivre sur notre lancée relèverait de la pure folie. Le Covid-19, révélateur de notre arrogance et de notre incapacité à vivre en harmonie avec notre environnement, nous renvoie à notre propre fragilité. Il nous a contraints à nous terrer pour protéger notre santé à défaut d’avoir su prendre soin de celle de la Terre. Et met en lumière les limites de la science alors que des spécialistes de la planète entière planchent sur un vaccin. Et, dans l’intervalle, avancent en tâtonnant pour limiter la casse. Une sacrée leçon d’humilité... Cette situation nous offre toutefois une ultime chance de réformer un système mortifère comme le recommandent depuis des décennies les experts du climat. Et alors que les mesures extraordinaires prises par le gouvernement prouvent que non seulement nous pouvons agir mais en avons les moyens. Différer la transition écologique au prétexte d’une récession annoncée, relancer l’économie sur la base de paradigmes éculés basés sur la seule croissance, une finance sans cautèle et les énergies fossiles, reviendraient à nous condamner à brève échéance. Avec un effet boomerang qui, demain, sera d’une violence autrement plus grave. Et une multiplication des catastrophes dont les conséquences ne sauront être contenues par le port généralisé de masques et des gestes barrières...
Il s’agira bien sûr d’opérer des changements en tenant compte de tous. La justice climatique se révèle indissociable de celle sociale comme l’a promu cette journée. La mixité des revendications, d’autant plus cruciales que les effets de la pandémie pèsent directement sur les salariés, en particulier les plus précaires. Les images de la pauvreté dans nos frontières l’ont cruellement illustré. Dans ce sens, la transition devra non seulement être verte mais veiller à ne pas creuser encore les inégalités. Il faudra orienter les efforts vers des technologies innovantes et propres tout en assurant parallèlement la formation et la reconversion de travailleurs. Partage du travail, redistribution des richesses, voire introduction d’un revenu universel de base devront accompagner le processus environnemental. C’est une question de survie, pas de choix. Vendredi passé, bien qu’en sourdine, la Grève du climat était là pour le rappeler, exigeant des mesures concrètes dont l’urgence a encore été exacerbée par le coronavirus...