Allez, avouez-le, vous avez souvent rêvé de devenir, vous aussi, un entrepreneur ou une entrepreneuse, être votre propre chef, passer du côté des «winners», goûter aux fruits de la réussite et du pouvoir réunis. Encore faut-il découvrir l’entrepreneur qui sommeille en vous. Eliminons d’entrée de jeu ceux et celles dont le sommeil est tellement lourd que même le baiser du prince charmant ne pourra le réveiller (l’entrepreneur, pas le sommeil). A la cale, les galériens et les galériennes sans esprit d’entreprise, ramez!, d’autres tiendront le gouvernail. Observons maintenant les types d’entrepreneurs susceptibles d’hiberner en votre sein et que le printemps de l’entreprise ramènera à de plus lucratives activités. Il y a trois types de roupilleurs internes ne demandant qu’à éclore dès les premiers jours. Eclore en effet, puisque ces trois types portent des noms de végétaux, mariant ainsi harmonieusement la science du management et la poésie. Il y a d’abord l’entrepreneur pissenlit, puis l’entrepreneur chêne et enfin l’entrepreneur orchidée. Adorable, ma chère, non? Et pour mieux comprendre de quoi il en retourne dans ce flot de lyrisme digne d’une fête des vendanges sous la pluie, nous prendrons exemple sur la Manip (Mission d’action novatrice de l’industrie privée).
Vous vous souvenez sans aucun doute (c’est une formule, hein, je sais bien qu’en réalité, vous ne vous souvenez pas du tout) de la nomination surprise de Nazerl Ribes comme membre de la direction générale de la Manip. Le frétillant et entreprenant directeur, surnommé «La Guêpe» pour son activité bourdonnante, tombe à pic dans la case pissenlit, qu’il pourra donc butiner. A quoi reconnaît-on un entrepreneur dent-de-lion? Au fait que, comme les séducteurs compulsifs, c’est les commencements qui l’intéressent. En langage «jeune cadre dynamique», ça donne: «Vivre l’ascenseur émotionnel de la recherche de financements et des premières étapes de la vie de l’entreprise». Après, l’excitation initiale fait comme l’ascenseur émotionnel et redescend au sous-sol. Reste plus qu’à recommencer pour ressentir une nouvelle fois le grand frisson dudit ascenseur émotionnel. L’entrepreneur pissenlit est donc un serial entrepreneur, une forme de Don Juan des jeunes pousses. Le job et sa course éperdue vous intéressent?
Mais voilà qui va vous rassurer: l’entrepreneur chêne, qui se développe en même temps que son entreprise et qui ne se lance que s’il est sûr de son coup. Un gestionnaire façon «bon père de famille». A la Manip, c’est évidemment Ruedi Saurer qui y correspond le mieux. Une étape cruciale de sa prise de confiance en lui-même se déroula en automne 1988, lorsque ce commandant de bataillon cycliste arrêta à lui tout seul le péril rouge, de l’Armée de la même couleur.
Entre Widnau et Diepoldsau, le long du Rheintaler Binnenkanal, la 9e division blindée de la Garde fut bloquée par les valeureux cyclistes de Ruedi Saurer. La force blindée des Popov était commandée par le sergent Zuberbühler dirigeant un char attrape Mowag GW 3500, faisant office de plastron dans le jargon adjudantesque en vigueur. Cette victoire vit la réalisation de la prophétie de l’entrepreneur chêne: fragile à ses débuts, il gagne peu à peu en confiance et en force de persuasion. Ueli Saurer ne manqua jamais de rappeler ce haut fait à son bataillon lors de chaque prise de drapeau. D’arbuste, il devint chêne. Au loin, on entend une fanfare qui va crescendo, les couleurs sont levées sous le commandement du sergent Zuberbühler, alors que le soleil apparaît derrière le Matterhorn. La nation est désormais en sécurité avec Ruedi Saurer, le chêne qui glande.