Un défenseur de l’environnement devant la justice
Un nouveau procès d’un militant pour le climat s’est tenu jeudi dernier à Genève. La défense a dénoncé la loi sur les manifestations et plaidé l’état de nécessité
«Quel que soit le jugement prononcé, ce procès est déjà une victoire pour la cause climatique, portée sur la place publique et rendue visible.» Militant de la première heure, cofondateur du le collectif Breakfree Suisse, Olivier de Marcellus, 77 ans, a comparu jeudi dernier devant le Tribunal de police de Genève. Il était soutenu par une cinquantaine de personnes qui n’ont toutefois pas pu assister à l’audience en raison de la pandémie. L’homme, qui contestait deux ordonnances pénales, est accusé d’avoir organisé et pris part à deux manifestations non autorisées en faveur de l’environnement. La première action pacifique de protestation s’est déroulée en septembre 2018. Olivier de Marcellus et d’autres activistes déversent du charbon devant la grille du consulat allemand dans la ville du bout du lac. La raison de leur geste? Manifester leur solidarité avec les zadistes défendant la forêt millénaire de Hambach en Allemagne. Un combat que le prévenu d’origine franco-américaine soutenait dès 2016 déjà. «Depuis de nombreuses années, plusieurs occupations et blocages du site ont eu lieu afin d’empêcher la destruction de cette forêt primaire menacée par l’extension d’une gigantesque mine de charbon lignite. En 2018, il n’en restait que 10%. Un moment culminant de la résistance qui a généré de très fortes mobilisations devant des ambassades allemandes. Avec succès: l’exploitation a fini par être suspendue.» Dans un communiqué de presse publié quelques jours avant le procès, le collectif Breakfree notait: «La Suisse, première importatrice d’électricité d’origine charbonnière allemande, est aussi impliquée dans cette atteinte majeure de la biosphère. […] Ce sont la finance et les multinationales responsables de la détérioration des conditions de vie sur Terre qui devraient être sur les bancs des accusés, plutôt que les défenseurs de l’environnement et les lanceurs d’alerte.»
Plutôt la prison que l’amende
Olivier de Marcellus est aussi accusé d’avoir organisé une simple promenade festive à Noël 2018 afin de dénoncer le «torpillage des engagements climatiques suisses par la droite et l’extrême droite». «Le PLR et l’UDC venaient de vider le premier projet de Loi sur le CO2 de toute substance. Habillés pour certains en pères Noël, pancartes à la main, nous avons marché, chanté dans la ville et distribué des bons pour une autre planète.» Une balade costumée que les forces de l’ordre ont interprétée comme une manifestation non autorisée, bien que les promeneurs en question n’aient pas lancé d’appel à les rejoindre et n’aient brandi ni banderoles, ni mégaphones. «La police nous a demandé de nous disperser. Nous ne gênions nullement le passage et avons refusé.» Les peines encourues? L’activiste risque, pour chacune des actions qui lui sont reprochées, une amende de 500 francs ou 5 jours de prison et le paiement des frais juridiques. Son avocate, Me Laïla Batou, a plaidé l’acquittement, dénonçant la loi sur les manifestations et évoquant aussi l’état de nécessité.
«Concernant le chef d’accusation relatif à la promenade, je suis plutôt confiant. Des affaires similaires ont été abandonnées au nom de la proportionnalité et de la liberté d’expression.» A l’heure où nous mettions ce journal sous presse, ce lundi, le jugement n’avait pas encore été rendu. «En cas de condamnation, j’opterai plutôt pour la prison», conclut le militant, sans ressentir de découragement malgré une lutte pour la cause entamée il y a plus de dix ans déjà. «Le combat pour la justice climatique et sociale fera toujours sens. Même si le désastre environnemental est déjà programmé, la bataille en partie perdue, les fronts bougent un peu. On commence à avoir des résultats, notamment dans le domaine de la finance. Il faut continuer à faire tout notre possible, pour nos enfants et la planète.»