Une journée de manifestations nationales et interprofessionnelles aura lieu le 30 octobre prochain en faveur de meilleurs salaires et de davantage de respect et de solidarité. A Genève, les syndicalistes d’Unia font la tournée des chantiers pour informer et mobiliser les travailleurs
Le vendredi midi, c’est sacré sur les chantiers. Les travailleurs se retrouvent tous ensemble pour partager leur repas avant la pause du week-end. Ce jour-là, sur le chantier de Lancy Pont-Rouge, deux secrétaires syndicaux d’Unia Genève arrivent dans la salle de repos d’une dizaine de plâtriers-peintres, en même temps que les grillades apportées par Antonio (prénom d’emprunt). L’accueil est bon enfant. «Depuis quand n’avez-vous pas eu de vraies augmentations de salaires?» demande José Sebastiao, responsable du bâtiment pour le syndicat. Dans la salle, on hausse les épaules ou on esquisse un petit sourire nerveux. «Quelques francs par mois, certes, c’est une augmentation, mais ce n’est pas une véritable revalorisation de vos salaires pour faire face à la hausse du coût de la vie!» Tout en parlant, le secrétaire syndical scotche des tracts sur le mur. Son collègue, Mathieu Rebouilleau, distribue des T-shirts.
2022 sera une année clé. En effet, les principales conventions collectives de travail (CCT) du bâtiment seront renouvelées à cette même échéance. Et les syndicats comptent bien mettre la pression sur les associations patronales dès maintenant.
«Le 30 octobre s’annonce historique, avance José Sebastiao. Ce sera une journée de convergence des luttes de toutes les branches du bâtiment. Pas que des maçons, mais aussi du second œuvre, des échafaudeurs, des parcs et jardins et de la métallurgie du bâtiment. Sans oublier qu’on attend des travailleurs de toute la Romandie ici, à Genève.»
Refus d’entrer en matière
Les revendications sont les suivantes: des augmentations de salaires dignes de ce nom, des paniers repas à 25 francs pour tous, la création d’un fonds Intempéries et la nécessité de mettre un frein à la flexibilisation des horaires de travail et à la généralisation du travail le samedi.
Les syndicalistes se déplacent juste à côté, vers une équipe de maçons. «Cela fait une quinzaine d’années que nous essayons d’avoir un fonds Intempéries à Genève, en vain», soupire José Sebastiao. «La Société suisse des entrepreneurs (SSE) l’a annoncé publiquement: nos revendications salariales, à savoir 100 francs par mois pour les efforts fournis lors de la pandémie, sont irréalistes selon elle, pourtant les carnets de commandes sont pleins, et spécialement à Genève où il est impossible de faire 500 mètres sans tomber sur un chantier.» Les ouvriers sont peu loquaces, mais quelques mots s’échappent. «Pas de marge pour augmenter nos salaires? N’importe quoi...» soupire l’un d’eux.
Une enquête sur les salaires 2021, également publiée par la SSE, prône le salaire au mérite comme une perspective d’avenir. «Les augmentations de salaires générales doivent céder la place à des ajustements salariaux individuels basés sur la performance, mentionne le communiqué de presse. Les employeurs pourront ainsi compter sur des employés motivés et engagés, et les employés verront la valeur de leur travail être reconnue et toucheront une rémunération conforme aux prestations fournies.» Pour les secrétaires syndicaux, cette stratégie est inacceptable: «Cette concurrence malsaine ne fera que générer des problèmes au sein des équipes.»
Frapper fort
Quatre carreleurs sont un peu plus loin sur le point de reprendre le travail. «En treize ans dans l’entreprise, je n’ai été augmenté que deux fois seulement, et des clopinettes», partage l’un d’eux. Son collègue, lui, termine à la fin du mois. «J’ai demandé une augmentation de salaire qui m’a été refusée, du coup j’ai démissionné.» Tous sont conscients qu’il est impératif de se mobiliser ensemble pour que les choses bougent. «Tout augmente, sauf les salaires, insiste Mathieu Rebouilleau. Il faut montrer les dents et défendre vos conventions. Un chantier est un même lieu de travail pour différents métiers et il faut qu’on montre notre solidarité, dans la rue. Le patronat et la droite doivent comprendre que l’heure est venue de partager le gâteau.»