La Maison du Peuple de Lausanne fait sa mue

Exit Che Guevara et Maurice Jeanneret. Signe des temps, le révolutionnaire latino-américain et l’ancien leader du Parti ouvrier populaire vaudois ont cédé la place, au sein de la Maison du Peuple de Lausanne, à trois personnalités féminines. L’immeuble de la place Chauderon, qui est rénové par étapes depuis 2017, compte en effet trois nouvelles salles de réunion, aux noms de Liliane Valceschini, Marielle Franco et Jîna Mahsa Amînî. La première est une syndicaliste suisse instigatrice de la première grève des femmes en 1991, la seconde, une militante LGBT brésilienne assassinée en 2018 et la dernière l’étudiante tuée en 2022 par la police des mœurs iranienne après son arrestation pour port du voile «inapproprié». Leurs noms ont été choisis à la suite d’un concours d’idées lancé auprès des sociétaires de l’institution.

Ces salles – qui seront inaugurées le 1^er avril et offrent respectivement 40, 50 et 12 places – remplacent donc celles appelées «Che Guevara» et «Maurice Jeanneret», qui étaient plus spartiates et d’un accès moins pratique. A l’instar des trois autres salles de réunion («Jean Villard-Gilles», «Rosa Luxembourg» et «Jean Jaurès») – rénovées en même temps que les espaces communs, lors des premières phases de travaux – les nouvelles disposent de tout l’équipement moderne (projecteur, écran télé, sonorisation, etc.) et sont accessibles aux personnes à mobilité réduite. En parallèle, la structure s'est professionnalisée et a engagé du personnel pour la logistique et le nettoyage des lieux, qui étaient auparavant externalisés.

Besoin de locaux abordables

Cette nouvelle offre répond à un besoin croissant de structures où organiser des assemblées, des conférences, des cours, etc. «Avec près de mille événements par an, nous devions régulièrement refuser des locations, par manque de disponibilités, explique Julien Eggenberger, président du Conseil d'administration du Cercle ouvrier lausannois, propriétaire de la Maison du Peuple. Grâce aux trois nouvelles salles, qui sont déjà louables depuis début décembre, ce n'est plus le cas. La demande de salles de réunion a explosé, car d'autres endroits semblables à Lausanne ont fermé ces dernières années ou ont augmenté leurs tarifs.»
Ceux de la Maison du Peuple, eux, restent abordables, conformément à la vocation des lieux, qui est de proposer des espaces de rencontre aux milieux ouvriers, associatifs et progressistes. Cela va de 90 à 400 francs la demi-journée, en fonction de la taille de la salle, la plus grande pouvant accueillir 200 personnes. Les membres du Cercle ouvrier et les associations peuvent bénéficier de tarifs préférentiels.

D’autres chantiers à venir

Bien plus qu'une simple réorganisation des locaux, il s'est agi d'un réaménagement de fond de toute la partie basse du bâtiment. «Nous avons optimisé certains espaces qui étaient mal utilisés et en avons créé d'autres, détaille Thanh-My Tran-Nhu, membre du Conseil d'administration, en charge du suivi des travaux. Désormais, toutes les salles de réunion se trouvent au même endroit.» Par ailleurs, la toiture a été refaite et des panneaux solaires y ont été installés.
Depuis sa construction en 1961, l’immeuble n’avait jamais vraiment été rénové. En huit ans, plus de 9 millions de francs ont déjà été investis dans ces travaux. Et ce n’est pas fini. D’ici à 2030, l’enveloppe du bâtiment sera également refaite, ainsi que les étages supérieurs, qui abritent les bureaux de partis politiques et d’associations, la caisse de chômage d’Unia, ainsi que des logements. Quant à l'ancien cinéma Eldorado, qui a fermé en 2003 et dont il ne reste que les murs de béton brut, son sort n’est pas encore fixé, même s’il devrait conserver une vocation culturelle. «Nous cherchons toujours un repreneur capable de monter un projet autofinancé», confie Julien Eggenberger. 

Mais pour mener à bien ces chantiers, la Maison du Peuple a besoin d’augmenter son capital. Il faut dire qu’elle revient de loin. En 2017, elle a frôlé le dépôt de bilan. Si la situation s’est redressée depuis lors, l’institution cherche néanmoins à consolider ses bases financières. «Et pour cela, nous dépendons de nos sociétaires. Sans eux, rien n’est possible», souligne Maurizio Colella, vice-président du Conseil d'administration du Cercle ouvrier et secrétaire syndical d’Unia Vaud. L’objectif est de quadrupler le capital pour atteindre 2,5 millions de francs. Il est possible d’acquérir des parts sociales à partir de 300 francs d’investissement. «Avec un rendement de 2,5%, c’est un bon placement», assure Julien Eggenberger. A bon entendeur! 

Les travaux de rénovation de l'immeuble, organisés par étape, ont débuté en 2017. Photo: Thierry Porchet. 

Inauguration le 1^er avril, dès 18h, à la Maison du Peuple, place Chauderon 5, à Lausanne.

Renseignements: lamaisondupeuple.ch