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De l’inhumanité des renvois forcés

Sunil vit en Suisse depuis dix ans. Journaliste, il a fui le Bangladesh et les dangers inhérents à son métier et à son appartenance à une minorité religieuse. Il a été kidnappé et menacé de mort. Depuis huit ans, Sunil travaille à Genève dans la restauration, à la plonge plus exactement. Son patron est enchanté de ses services. Son revenu, même minime, lui a permis de rembourser entièrement l’aide sociale perçue. Il n’a ni poursuite ni casier judiciaire. Sunil compte de nombreux amis notamment dans la communauté bangladaise, dans l’association Solidarité Tattes et dans le Parti socialiste dont il est membre. Son intégration est décrite comme exemplaire. Pourtant, sa demande d’asile a été rejetée, l’Office cantonal de la population et des migrations a refusé de transmettre sa demande de permis humanitaire pour cas de rigueur (art. 14 de la LAsi), et le 15 juin, Sunil a été arrêté et emprisonné à Frambois comme un criminel. Son renvoi forcé est prévu le 11 juillet. Une pétition a été lancée, un recours aussi. Sunil n’est ni le premier ni le dernier à vivre un tel drame, à se voir nier les risques encourus dans son pays, et à être «remercié» de la sorte par la Suisse pour ses bons et loyaux services.

Combien de requérants d’asile au fond des cuisines des restaurants, dans les homes pour personnes âgées, dans le nettoyage des maisons suisses? Combien de personnes dont on refuse le droit de travailler, parce que déboutées, alors qu’elles ne demandent qu’à être autonomes? Combien d’autres en détention avant leur expulsion forcée? Si le gaspillage est économique, il est aussi et surtout humain. Tant de personnes (sur)vivent dans l’attente d’une décision ou doivent dépenser une énergie démentielle pour pouvoir rester ici, là où ils ont leur vie, leur travail, leurs amis. Tant d’autres se voient contraintes à la clandestinité, tel Sangar Ahmad dont le cas est emblématique. En 2020, en pleine pandémie, ce réalisateur kurde d’Irak et professeur de langues, désinfectait les hôpitaux et les entreprises. En première ligne contre le coronavirus, au bénéfice d’un contrat à durée indéterminée dans une petite entreprise de nettoyage, parlant français, sa demande d’asile a été rejetée. Malgré une pétition munie de 10000 signatures, la droite du Grand Conseil vaudois refusera de transmettre le texte de soutien au Conseil d’Etat. Et ce, après une votation à huis clos. Par honte?

Le 18 juin, journée des réfugiés, Amnesty International a rappelé que 100 millions de personnes sont en fuite dans le monde. Près de 9 réfugiés sur 10 sont accueillis dans des pays en développement. Faut-il encore rappeler que personne ne fuit son pays s’il n’y est contraint? Les conflits, les régimes dictatoriaux, les inégalités, la misère, les dérèglements climatiques sont autant de raisons à l’exil dont les racines se trouvent largement dans le monde capitaliste et néocolonial de l’Occident. Or, en Europe, les refoulements aux frontières et les expulsions se multiplient. Le 14 juin, in extremis, le premier vol de demandeurs d’asile du Royaume-Uni au Rwanda a été annulé. Reste que le mouvement d’externalisation de l’asile est en marche. La semaine dernière, le PLR annonçait vouloir une politique migratoire plus ferme. Comme si elle ne l’était déjà pas assez, au mépris de la Convention de Genève, de la solidarité internationale, de la dignité humaine... de notre humanité.