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Un pactole indécent

La presse genevoise révélait la semaine passée l’augmentation de salaire de 18% de Bertrand Levrat, directeur général des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG). Soit une augmentation annuelle de 70000 francs, pour un salaire total de 450000 francs par an. De quoi mettre pas mal de beurre dans ses épinards, en somme. En réalité, cette augmentation lui avait déjà été accordée en 2020 par le Conseil d’Etat. En pleine pandémie de Covid-19, le big boss des HUG y avait toutefois renoncé pour ne pas faire de remous. Mais ce n’était que temporaire. Trois ans plus tard, plus question de s’asseoir sur cet argent. Pourtant, entre l’inflation, la hausse des primes d’assurance maladie, la mauvaise santé financière des HUG et un personnel à bout de souffle, est-ce que le moment est plus propice pour accepter cette prime mirobolante? Sans doute pas!

Alors certes, Bertrand Levrat n’avait pas vu son salaire réévalué depuis 2013, et il était jusqu’ici le directeur le moins bien payé des cinq hôpitaux universitaires de Suisse. Quand on sait que plusieurs fonctions, et largement moins bien payées, au sein des HUG n’ont pas connu de réévaluation depuis quinze ans, on a un peu de mal à se montrer compatissant… De même, oui, ce monsieur est à la tête d’un hôpital qui emploie plus de 12000 employés, ce qui n’est pas rien en matière de responsabilités. Et oui, il a dû gérer la crise Covid, tout comme son personnel dévoué sur le terrain dont les remerciements se sont arrêtés aux applaudissements. Quand on voit les taux d’absentéisme de 10% chez le personnel des HUG, la souffrance au travail et les syndicats qui dénoncent des violations systématiques de la Loi sur le travail, c’est que sa gestion n’est pas si bonne que ça. Et puis mince, on parle d’un hôpital public, pas d’une grande entreprise privée! D’un hôpital qui, en plus, affiche 100 millions de francs de déficits annuels depuis trois ans… Quelle indécence!

Déjà en 2020, le conseiller d’Etat MCG Mauro Poggia vantait les exploits de Bertrand Levrat pendant la pandémie pour justifier ce chèque, disant de lui qu’il avait été l’homme de la situation, mais aussi exemplaire de par son engagement hors norme. Encore une fois, on n’en doute pas. Ce qui est choquant, c’est de considérer que les milliers de soignants qui ont été au front pendant des mois, au péril de leur santé, eux, ne méritent pas une telle reconnaissance. Inutile de rappeler que l’initiative sur les soins n’a toujours pas été mise en œuvre, et que les soignants ont beau se mobiliser et tirer la sonnette d’alarme, ils ne sont pas entendus. Pas étonnant, donc, qu’ils désertent la profession et que la qualité des soins baisse. Enfin, qu’elles. Car 80% de ces professionnels sont des femmes. Des professions toutes aussi vitales que pénibles qui doivent urgemment être revalorisées. Elles seront aussi nombreuses dans la rue le 14 juin pour exiger temps, respect et argent.