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Solidarité auscultée

Chaque semaine, une à deux personnes décèdent faute d’avoir bénéficié d’un don d’organes à temps. Chaque semaine, des patients espèrent la greffe d’un nouveau cœur, d’un poumon, d’un foie, d’un pancréas, d’un rein, etc. – l’année dernière, 1434 se trouvaient dans cette situation. Cette cruelle attente peut durer entre un et sept ans, générer une forte détérioration de l’état de santé du malade et, parfois, se révéler fatale. Plus de vies pourraient cependant être sauvées; nombre de souffrances atténuées, voire évitées, aussi dans l’entourage. Et c’est bien le but visé par la modification proposée dans la Loi sur la transplantation. Une révision qui sera soumise au verdict des urnes le 15 mai prochain. Les citoyens devront alors se prononcer sur la notion de consentement présumé. En clair, en l’absence d’une opposition explicitement signalée en la matière, chaque adulte deviendra un donneur potentiel. Mieux, un sauveur potentiel. Et ce sans limite d’âge. Ce changement de paradigme augmenterait grandement les chances d’échapper à la mort pour de nombreux malades, comme il participerait à une meilleure qualité de vie pour d’autres. Aujourd’hui, c’est le principe inverse qui prévaut: le prélèvement d’un organe n’est autorisé que si la personne a manifesté son accord explicite, en remplissant par exemple une carte ad hoc ou des directives anticipées. Cette manière de faire se traduit par un manque important de donneurs. Et contraste avec les résultats d’un sondage effectué par Swisstransplant: plus de 80% des Suisses se montrent favorables aux prélèvements post mortem. Une position qui entraîne pourtant peu de démarches dans ce sens. Sans réelle surprise. Rares sont les personnes qui, en bonne santé, pensent à concrétiser leur accord. Par omission probablement. Ou en estimant qu’elles auront toujours encore le temps pour agir. Le passage à l’acte confronte aussi les candidats à leur propre mort. Une question qui reste souvent taboue dans notre société tendant constamment à occulter cette finalité...

Equilibrée, la solution préconisée par les partisans de la nouvelle législation comporte des garde-fous. Aucun prélèvement ne sera effectué de manière automatique. Un entretien avec les proches reste à l’ordre du jour. Ces derniers pourront toujours alors mettre leur veto s’ils estiment ou soupçonnent que la pratique se trouve en porte-à-faux avec la volonté du défunt. Voilà qui devrait rassurer les personnes hésitant à franchir le pas vers le consentement présumé. Un principe au demeurant adopté dans la plupart des pays d’Europe occidentale.

Croyances religieuses, droit à l’autodétermination et à l’intégrité physique qui ne saurait être revendiqué, peurs irrationnelles... le refus des adversaires puise à différentes sources. Chacun est bien entendu libre de se positionner comme il l’entend. Une norme que respecte la nouvelle loi puisqu’elle n’impose rien à titre individuel. Il suffit aux opposants de déclarer leur non-consentement, garantissant dès lors l’aspect volontaire de l’acte. En revanche, un rejet entérinera une situation problématique depuis des lustres. Et souligne l’étrangeté de préférer à un prélèvement en faveur de la vie, la destruction de la dépouille...

Un don d’organes peut sauver jusqu’à neuf personnes. La probabilité d’en avoir besoin soi-même, ou un membre de sa famille, se révèle six fois supérieure à celle de pouvoir donner ses organes. En remplissant son bulletin de vote, il s’agira de s’en souvenir. Et si ce n’est à titre personnel, pour son enfant, ses parents, ses amis et tous ces anonymes qui se trouveront peut-être demain sur l’inquiétante liste des personnes en attente d’une transplantation. Le 15 mai prochain, c’est la solidarité du plus grand nombre qui sera auscultée...