«1000 emplois» pour une sortie de crise sociale et écologique
Les syndicats genevois lancent une initiative cantonale pour la création d’emplois et la réduction du temps de travail
Forts du succès obtenu dans les urnes à l’automne en faveur du salaire minimum cantonal, les syndicats genevois relèvent un nouveau défi. Soutenue par le Cartel intersyndical de la fonction publique, les partis de gauche et la Grève pour l’avenir, la Communauté genevoise d’action syndicale (CGAS) lance une initiative cantonale «pour la création d’emplois sociaux et écologiques et la réduction de la durée du travail». «Contrairement à ce que nos adversaires affirment parfois, les syndicats n’opposent pas la défense et l’amélioration des conditions de travail à la préservation et à la création d’emplois», a expliqué la semaine dernière le président de la CGAS, Davide De Filippo, au cours d’une conférence de presse donnée à dessein devant l’Office cantonal de l’emploi.
Genève affiche le taux de chômage le plus élevé du pays, 5,5% en mars, soit pas loin de 20000 chômeurs. Secrétaire syndical de Syna Genève, Komla Kpogli met toutefois en garde: «Ce chiffre ne rend pas compte des temps partiels imposés, des contrats temporaires et sur appel, ainsi que des jobs étudiants. Le nombre de demandeurs d’emploi réel se monte à 30000 personnes.» En outre, 6% de la population dépend de l’Hospice général. «Les personnes à l’aide sociale sont en augmentation constante, cette relégation est injuste et inadmissible», indique Jocelyne Haller, députée, membre de la coordination genevoise d'Avenir social, l'association suisse des travailleurs sociaux, et, par ailleurs, militante d’Unia. «L’insuffisance des mesures étatiques pour préserver les emplois fait exploser le chômage. Il est urgent aujourd’hui de lancer cette initiative», souligne Davide De Filippo.
Vers des emplois durables
Le texte de l’initiative propose la création de «mille emplois supplémentaires par an chaque fois que le taux de chômage moyen annuel de l’année précédente est de 5%». Ce montant pourrait être réduit ou augmenté en proportion si le taux est inférieur ou supérieur à 5%. Le taux de chômage s’étant monté à 4,9% en moyenne en 2020, 980 emplois pourraient être créés si l’on appliquait l’initiative. Ces emplois seraient financés par l’Etat «au sein des collectivités publiques cantonale et municipales, des établissements subventionnés et des institutions publiques et privées poursuivant des buts d’intérêt public». Ils serviraient notamment à améliorer la cohésion sociale, à promouvoir la santé et à lutter contre le changement climatique.
«L’emploi est au cœur de la question écologique, il faut que l’économie se réoriente vers des emplois durables», explique Davide De Filippo. «Les syndicats veulent une transition écologique sans casse sociale», ajoute Manuela Cattani, cosecrétaire générale du Sit, en évoquant le gisement d’emplois que constituent le développement des transports publics et des énergies renouvelables, la rénovation des bâtiments ou encore la formation aux métiers verts.
A côté de cela, les besoins ne manquent pas dans le social, les soins et la santé. L’Institution genevoise de maintien à domicile ou le Service de protection des mineurs, par exemple, manquent cruellement d’effectifs. «Des milliers de chômeurs pourraient être formés pour y travailler», estime Paolo Gilardi, syndicaliste du SSP Genève. «Attention, nous parlons de vrais emplois, inscrits dans la durée, pas des emplois de solidarité», précise Davide De Filippo.
Semaine de 32 heures à l’horizon 2030
L’autre versant de l’initiative «1000 emplois» demande à l’Etat d’encourager les entreprises et les secteurs économiques et privés à «réduire significativement la durée du travail sans réduction de salaire, de manière à atteindre en 2030 la semaine de 32 heures pour un temps complet». «La réduction du temps de travail est un enjeu fondamental de notre société, insiste Pablo Guscetti, secrétaire syndical Unia Genève. Dans le passé, l’augmentation de la productivité s’accompagnait d’une baisse du temps de travail, mais le mécanisme s’est rompu.» Et de citer Migros, qui a maintenu sa semaine de 42 heures depuis les années 1980, «alors que la productivité, elle, n’a jamais cessé de progresser». «Nous pourrions travailler tous et moins.»
Pour Jocelyne Haller, cette initiative est un «outil de cohésion sociale», mais aussi un «instrument pour combattre le fatalisme ambiant et sortir de cette sorte de résignation selon laquelle il n’y aurait pas assez d’emplois pour tout le monde».