Allongement du temps de travail: victoire d’étape
La Commission de l’économie du Conseil des Etats propose l’abandon de l’initiative Keller-Sutter
Reculer pour mieux sauter? L’avenir nous le dira. Mais il y a dix jours, les syndicats ont marqué une victoire d’étape dans la lutte contre l’allongement du temps de travail voulu par deux initiatives parlementaires déposées au Conseil des Etats en 2016, l’une de la PLR saint-galloise Karin Keller-Sutter et la seconde du PDC lucernois Konrad Graber. La première prévoyait notamment de libérer le personnel dirigeant et les «spécialistes», terme des plus vagues, de l’obligation de saisir le temps de travail. La seconde entend instaurer une flexibilisation de la loi avec une extension de la durée hebdomadaire et une annualisation du temps de travail.
Le 30 août, la Commission de l’économie et des redevances du Conseil des Etats (CER-E) a donc recommandé le classement de l’initiative de Karin Keller-Sutter, tout en indiquant qu’elle souhaitait «travailler uniquement sur le projet de loi développé dans le cadre de l’initiative parlementaire 16.414», soit celle de Konrad Graber. Un projet dont l’examen est suspendu dans l’attente de la publication, prévue pour cet automne, d’une étude du Seco sur les conséquences d’un premier allégement de la saisie du temps de travail entré en vigueur en janvier 2016.
Pour l’Union syndicale suisse (USS), cette proposition de classement de l’initiative de Karin Keller-Sutter est le fruit de la résistance des syndicats et de médecins contre l’allongement de la durée du travail. «En faisant cela, analyse l’USS dans un communiqué, la commission admet que ses projets d’une dérégulation de grande ampleur de la Loi sur le travail sont inappropriés. L’initiative exigeait l’abandon, dans une large mesure, de l’enregistrement du temps de travail. Selon l’Enquête suisse sur la population active (ESPA), au moins 26% des salariés auraient été touchés. On les aurait tout simplement privés de l’outil qui permet de vérifier si les durées maximales de travail sont respectées et si des heures supplémentaires sont effectuées.»
Semaines de 67 heures…
La faîtière syndicale appelle le Conseil des Etats à suivre la recommandation de sa commission et à enterrer ce démantèlement de la protection des salariés. Une étape nécessaire, mais pas suffisante, estime l’USS, qui exhorte la commission à abandonner également le projet de Konrad Graber, lequel prévoit notamment d’augmenter la durée maximale de travail, jusqu’à 67 heures par semaine, et d’affaiblir davantage l’interdiction du travail du dimanche. «Alors que des études démontrent l’augmentation constante du stress au travail et que les personnes en burn-out sont de plus en plus nombreuses, il faut viser à plus de protection des salariés, et non moins comme semble toujours l’envisager la CER-E», souligne l’USS. Rappelant qu’outre les syndicats et des médecins du travail, des Eglises et des Cantons s’opposent à ces mesures. «Si le Parlement devait maintenir le projet, les syndicats le combattraient par tous les moyens», prévient la faîtière.