Quand les enfants s’en mêlent
Après avoir dénoncé durant des décennies les guerres, les famines et les violences dont les plus jeunes sont les premières victimes, le journaliste-reporter d’images Gilles de Maistre a décidé de consacrer son nouveau documentaire, Demain est à nous, à des enfants engagés et agissant de façon tangible pour un monde meilleur. Une leçon de vie qui coïncide avec le 30e anniversaire de la Convention internationale des droits de l’enfant
José, Aïssatou, Arthur, Heena, Peter, Jocelyn, Kevin ou encore Khloe et Hunter sont tous des enfants. Ils vivent aux quatre coins du monde, ont entre 10 et 13 ans, ne parlent pas la même langue et viennent de milieux très différents. Et pourtant, ils ont un point en commun: jamais ils ne se sont dit qu’ils étaient trop jeunes ou trop faibles pour se lever contre les injustices et la violence et devenir des militants tenaces et courageux. Extrême pauvreté, exploitation des êtres humains, travail des mineurs, destruction de l’environnement, égalité entre les hommes et les femmes, sont autant de combats qu’ils mènent sans trembler face au monde des adultes, en entraînant avec eux des dizaines d’autres enfants.
Parmi ces jeunes engagés, José, un Péruvien de 13 ans. Il est le créateur d’une banque écologique qui sensibilise les enfants à la protection du climat par le biais du ramassage de déchets et leur recyclage. Aïssatou, 12 ans, se bat quant à elle pour l’égalité des sexes en Guinée et en particulier contre les violences faites aux jeunes filles et les mariages forcés. De son côté, le petit Français Arthur, 10 ans, vend ses toiles et ses dessins pour acheter de la nourriture et des vêtements aux sans-abri. Et en Inde, Heena, 11 ans, est rédactrice pour Balaknama (la voix des enfants, ndlr), un journal écrit par des écoliers et visant à favoriser l’éducation et l’émancipation des gamins des rues.
Syndicat d’enfants
Peter, Jocelyn et Kevin sont quant à eux engagés au sein d’un syndicat d’enfants à Potosí en Bolivie. Dans ce pays de onze millions d’habitants, le travail de près d’un million de bambins est en effet culturellement considéré comme normal en raison de l’extrême pauvreté obligeant les plus jeunes à aider leur famille. Des enfants, exploités jusqu’à 16 heures par jour et pour des salaires de misère, dans le domaine des mines ou des briqueteries, ont donc créé un syndicat pour se protéger d’employeurs abusifs, mais également pour réclamer des conditions de travail et des rémunérations décentes et l’accès aux assurances sociales afin de leur permettre, à l’image des trois jeunes Boliviens présentés ici, de pouvoir associer activité lucrative et scolarité.
Intelligemment filmé à hauteur d’enfants – les adultes devenant ainsi des figures distantes – Demain est à nous joue fichtrement la carte de la sensibilité à coup d’adorables minois et de musiques émouvantes. Venant ainsi titiller le spectateur là où cela fait mal et le pousser à s’interroger: «Ces gamins hauts comme trois pommes sont en train de rendre le monde meilleur en se battant pour leurs valeurs… Et moi, qu’est-ce que je fais?» Un constat amer partagé par le réalisateur lui-même et qui l’a amené à montrer dans son film des jeunes qui agissent, eux, de façon concrète: «En trente ans, j’ai filmé des enfants soldats, esclaves, en prison, des rues et le summum de l’horreur, des enfants mourant de faim. Je les filmais parce que je voulais dénoncer ces abus, ces violences. J’y croyais. Je souhaitais que les gens prennent conscience et se révoltent contre cette folie… Mes images choquaient. Mais, plus profondément, ça n’a jamais vraiment changé le monde.»
Car si le discours du journaliste est naïf, voire un tantinet simpliste, il n’en est pas moins honnête et efficace. Et se questionner sur la place de ces «petits faiseurs d’espoir», ainsi qu’il les qualifie, au cœur de ces combats sociaux, alors qu’ils devraient être en train d’apprendre ou de jouer, c’est déjà admettre cruellement l’incapacité actuelle des adultes à se saisir de ces injustices à bras-le-corps.
Demain est à nous, de Gilles de Maistre, sortie en Suisse romande le 20 novembre.
Des livres autour du film:
Une collection complète de livres autour du documentaire est publiée aux Editions Les Livres du Dragon d’Or et est actuellement disponible en librairie pour revivre, avec les petits, les histoires des héros du film et en savoir plus sur la situation des droits des enfants à travers le monde.