As de la bricole, David Foutimasseur, de son vrai nom Ansermin, crée d’improbables véhicules et bidules en tous genres. Juste pour rire
A chacun sa manière de réenchanter le monde, d’échapper à ses turpitudes et ses réalités plombantes. David Ansermin a pour sa part choisi l’humour. Et décidé de fabriquer «des trucs et des machins qui bougent» dans le seul objectif de l’amuser. Une démarche qui explique le choix de son nom d’artiste, Foutimasseur. Comprenez, en patois vaudois, une personne qui s’occupe à de petits riens, qui brasse de l’air. «Je construis des choses sans but, sans sens, seulement pour rigoler. Et tant mieux si elles font sourire d’autres, c’est tout bonus», assume cet as de la bricole, réalisant d’improbables véhicules et bidules en tous genres avec, pour seul dénominateur commun, le mouvement, «la base de mon art». Dans son atelier aménagé dans l’usine désaffectée de Taulan, à Montreux, au milieu d’un bric-à-brac innommable, l’homme de 37 ans présente quelques-unes de ses délirantes créations, comme un minuscule kart muni d’un moteur prélevé sur une débroussailleuse, un vélo échelle qui s’étire sur pas moins de 5 mètres, une roue ailée battant poétiquement de ses ailes mécaniques, etc. Des œuvres aussi loufoques qu’insolites qui nécessitent toutefois beaucoup de débrouillardise et de persévérance pour qu’elles fonctionnent. «Je suis un type ordinaire qui construit des choses extraordinaires», poursuit le bricoleur qui, outre ses propres inventions, reproduit avec bonheur celles imaginées par le personnage de bande dessinée Gaston Lagaffe. Cet «anti-héros» évoluant dans sa bulle, père d’innombrables objets inutiles à ses semblables, inspire le trentenaire.
Dans les pas de Gaston
«Je me sens moi aussi à la limite de la marge et produis des choses qui ne servent à rien. J’ai cherché ma place dans la société. La créativité m’a permis de la trouver, de tailler ma propre route, comme Gaston», note encore celui qui vient de terminer, à l’identique, la mythique voiture-lit du protagoniste d’André Franquin. Avec, comme à son habitude, uniquement du matériel de récupération provenant de dons ou de déchets ramenés de son travail. Réparateur de locomotives employé par la compagnie du chemin de fer Montreux-Oberland bernois (MOB) depuis 2010, David Foutimasseur note avoir acquis, dans le cadre professionnel, la technique nécessaire à la concrétisation de ses engins et sculptures cinétiques. «J’ai pu me frotter à plusieurs corps de métiers. Mon travail est intimement lié à ma pratique artistique», souligne le Vaudois, précisant encore avoir beaucoup appris au contact d’un de ses collègues en particulier, «son mentor», aujourd’hui à la retraite. «J’ai aussi pu acheter à la compagnie, au changement du parc outils, toute une série de machines et me lancer dans ma pratique.» Titulaire d’un CFC de polymécanicien, syndiqué au SEV, David Foutimasseur a en outre, avant de rejoindre l’équipe du MOB, effectué ses premières classes comme opérateur CNC, assurant le fonctionnement de machines assistées par ordinateur. «Ce job s’est terminé avec la fermeture de l’usine qui m’employait, à la suite de la crise, en 2009.»
Le temps, facteur d’inquiétude
La passion de l’artiste en mécanique mobile, fan de Tinguely, plonge ses racines dans l’enfance. «J’ai toujours ressenti le besoin de construire. A l’âge de 7 ans, je fabriquais des bateaux en bois, dessinais des plans», se souvient le créatif, confiant qu’il était un gosse plutôt solitaire et timide, relativement en retrait. Le fervent lecteur des aventures de Gaston Lagaffe a aussi fait partie durant une vingtaine d’années des scouts. «On effectuait des randonnées, construisait des cabanes... Des loisirs en phase avec mon goût pour le manuel. Et favorisant mon intégration dans la communauté.» Marié et père d’un petit garçon de 3 ans, le bricoleur a trouvé aujourd’hui un équilibre entre sa famille, son travail et son art qui, il l’espère, lui permettra de laisser une trace. «Je dois être attentif à préserver cette harmonie, à ne pas négliger les miens. Ma seule peur? Ne pas disposer de suffisamment de temps pour concrétiser toutes les idées qui trottent dans ma tête», s’inquiète l’artiste qui, à peine une création terminée, en débute une nouvelle. «J’ai d’abord un sentiment d’accomplissement, de fierté, puis de vide. Je redémarre alors tout de suite un projet. Il n’y a pas de temps mort.» Les idées, elles, naissent en fonction du matériel reçu ou, à l’inverse, l’inventeur imagine une machine et cherche les composants nécessaires à sa fabrication. Autant dire que le programme de David Foutimasseur est bien chargé, lui qui aime aussi jardiner, observer les étoiles à travers son télescope et voyager avec modération. «Mon épouse et moi sommes notamment allés en Asie, mais aujourd’hui nous nous déplaçons moins, soucieux du climat.»
Voiture-poubelle...
Constamment rattrapé par sa passion, David Foutimasseur répare aussi tout ce qu’il peut, comme son vieux vélo acheté en 2002 qu’il utilise toujours pour rejoindre son travail. «J’ai commencé par cette activité, raison pour laquelle on retrouve, dans chacune de mes créations, un élément de vélo. C’est ma signature.» Ce souci d’offrir plusieurs vies aux objets s’exprime encore dans sa volonté de ressusciter et d’électrifier sa Coccinelle datant de 1971, rongée par la rouille. «Pour mon fils peut-être... J’ai roulé dix ans avec cette WW», calcule l’artiste, posant un regard nostalgique sur son vieux tacot dormant dans l’atelier. Dans l’intervalle, il va s’atteler à un autre véhicule... «J’envisage de transformer un container en kart sans en changer l’apparence. Je me mettrai dedans et le piloterai de l’intérieur. Je conduirai alors une poubelle dans le sens littéral», rigole le bricoleur, qui estime qu’aucun projet n’est trop fou. Insensé, certes, mais nécessitant un réel savoir-faire et une ténacité à toute épreuve au service d’une imagination sans limite. Et David Foutimasseur de conclure, enjoué: «Tant qu’à faire des choses stupides, autant les faire sérieusement.» «M’enfin... Evident non?», soupirerait peut-être son modèle et double de BD.