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Boeing: le 787 dans la tourmente

Après les deux crashs de B737 Max, Boeing doit faire face à un nouveau problème lié aux cadences infernales imposées à son équipe de montage dans l’usine de Charleston-North, en Caroline du Sud

En 2012, l’avionneur Boeing, selon le magazine People’s World, décida de délocaliser son usine de montage de Puget Sound dans l’Etat de Washington dans celle de Charleston-North à l’occasion de la sortie du gros porteur B787-10 Dreamliner, pour trouver une solution à des années de retard enregistrées pour la livraison des appareils. La Commission nationale américaine des relations du travail (NLRB) avait déposé plainte contre la société Boeing après avoir appris qu’elle exerçait des menaces de représailles financières contre ses employés qui voudraient recourir aux services du syndicat IAM (International Association of Machinists and Aerospace Workers) pour faire valoir leurs droits. Le succès commercial remporté par ce modèle a engendré des cadences infernales, qui ont été infligées aux employés. Pour répondre à la demande, 14 B787-10 devraient sortir d’usine chaque mois depuis le début de 2019. Aujourd’hui, l’avionneur, déjà mal en point après les crashs de deux de ses 737 MAX, doit faire face à des révélations problématiques concernant la qualité de fabrication. En mai 2018, les employés de l’usine de Charleston-North ont organisé un vote pour savoir qui souhaitait adhérer au syndicat IAM. Boeing avait alors mené une campagne d’intimidation s’adressant parfois personnellement aux employés pour les dissuader d’un vote positif. Finalement, sur 169 voix, 104, soit 61,5% d’entre elles, s’exprimèrent en faveur de l’IAM. Par la suite, la direction de Boeing à Seattle fit ses excuses à propos des méthodes coercitives employées.

Manquements à la sécurité

Le 20 avril 2019, après avoir épluché des mails internes, des documents d’entreprise et des archives fédérales et interrogé une dizaine d’employés, actuels ou ayant été au service de Boeing, le New York Times a dévoilé des manquements à la sécurité lors de la livraison des appareils. Plusieurs employés avaient découvert que l’avionneur cachait des problèmes rencontrés lors de la production. Rich Mester, un technicien de contrôle final avant livraison, avait été mis à la porte après avoir signalé la présence de plumes d’oiseau dans un réacteur, signe qu’un volatile était passé par là pendant des vols d’essai. Dans d’autres cas, des composants défectueux auraient été installés et des débris de métal auraient été laissés à bord après les installations des circuits électriques. Toujours selon le quotidien, Joseph Clayton, un ancien technicien, lui aussi préposé à l’examen des avions avant livraison, avait révélé que la direction de Boeing était prête à sacrifier la sécurité des avions afin de ne pas perdre de temps dans les livraisons et maximiser les profits. Lui et plusieurs employés ont été licenciés ou sanctionnés après avoir exprimé leurs préoccupations. Certains ont décidé de poursuivre l’entreprise en justice à la suite de menaces de représailles.

Grosse épine

Bien que pouvant être considérées comme se plaçant en seconde position après celles s’appliquant au système antidécrochage des B737 MAX qui a causé la mort des passagers de Lion Air et d’Ethopian Airlines, les négligences révélées s’ajoutent à l’atmosphère de menaces et de représailles qui règne sur les employés de Boeing et les restrictions à l’embauche pour le personnel syndiqué. Sur son site web, Boeing inciterait ouvertement son personnel à ne pas adhérer à l’IAM.

«La direction actuelle de Boeing doit repenser sa stratégie d'aliénation répétée de son atout le plus précieux: la main-d'œuvre hautement qualifiée qui construit les appareils Boeing, a déclaré Rich Michalski, vice-président du syndicat IAM. Nous ne permettrons pas que nos membres soient les boucs émissaires, quel que soit le but.» De son côté, le candidat à la future élection présidentielle Bernie Sanders a ouvertement regretté que six employés de Boeing aient été licenciés pour leur appartenance à l’IAM, ainsi que la campagne d’intimidation auprès des autres travailleurs de Boeing qui souhaiteraient se syndiquer.

La nouvelle ne pouvait pas tomber plus mal pour l’avionneur à l’orée du Salon international de l’aéronautique et de l’espace qui s’est tenu au Bourget du 17 au 23 juin derniers. Ce salon étant l’occasion rêvée pour tous les constructeurs aéronautiques de remplir leurs carnets de commandes auprès des compagnies aériennes présentes, et Boeing devait en être conscient.

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