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Cap sur la digitalisation

Jeune femme surfant sur son téléphone portable.
LDD

Nouveaux médias électroniques: information ou divertissement? La limite est difficile à discerner, mais des sites comme Konbini ont la cote auprès de la jeunesse.

Vers quoi évolue le transfert d’informations? L’ES a interrogé une représentante de la RTS ainsi que trois jeunes pour mieux comprendre les enjeux et les risques de la digitalisation des médias

Konbini, Vice, Brut… Ces noms vous disent-ils quelque chose? Présents sur les réseaux sociaux tels que Youtube, Instagram ou encore Snapchat, ces médias génèrent un engouement de la jeunesse. Mais comment les définir? Entre information et divertissement, la frontière est fine. Et les avis divergent. Pourquoi s’informe-t-on de plus en plus sur internet? Pour Anne-Paule Martin, cheffe du numérique à la RTS, il s’agirait d’une question d’offre: «Depuis une quinzaine d’années, elle se démultiplie sur internet. Les habitudes de consommation évoluent également.» Une situation délicate que l’entreprise doit gérer pour garder ses spectateurs et ses auditeurs traditionnels – une majorité de personnes de 50 ans et plus ‒ tout en captant l’intérêt de nouveaux utilisateurs. Dans ce but, la RTS développe, depuis de nombreuses années, une offre digitale riche (site web, applications mobiles, présences sur les réseaux sociaux, etc). Mais pour attirer la jeune génération, elle a créé, en 2017, une nouvelle marque: Tataki. Un média proche de Konbini*, dans lequel sont regroupés des vidéos Facebook, Youtube, des storys et des contenus Instagram ou Snapchat. «Les journalistes doivent s’adapter à ces nouveaux modes d’information. Ce n’est pas le choix de la plateforme qui fait la qualité du journalisme. Le travail de fond reste identique, même si le vecteur est plus léger. Il offre aussi la possibilité de construire un lien direct avec le public. De cocréer avec lui», explique Anne-Paule Martin, avant d’ajouter: «Ces médias ont réussi à toucher la jeune génération. Il serait très mal venu de les prendre de haut. Plaire aux 18-25 ans n’est pas une mince affaire. Je suis bien placée pour le savoir.» Entre concurrence et intérêts partagés, ces différentes plateformes se complètent, s’observent et s’inspirent aussi les unes des autres. En effet, la RTS produit des contenus en partenariat avec des marques tels que Konbini ou Kapwa. Sans perdre de vue son objectif premier. «Nos publications sont informatives. Cette mission du service public nous est donnée par le Conseil fédéral. C’est là que se situe la différence fondamentale entre ces vecteurs et nous.» Pour la collaboratrice de la RTS, les médias traditionnels sont de plus en plus amenés à travailler sur des modèles mixtes. C’est-à-dire, à continuer de servir leurs utilisateurs actuels tout en produisant davantage de contenus pour des plateformes tierces à destination de nouveaux publics.

*Société française dont on vient d’apprendre la fermeture de sa rédaction helvétique basée à Vevey et le licenciement de ses six collaborateurs.


Aurélien Baud, 17 ans, étudiant

«Je m’informe quasiment tous les jours à moins de ne pas avoir accès à internet. Le seul journal que je lis, et à mon avis le meilleur en Suisse, c’est Le Temps. Sinon j’utilise principalement les réseaux sociaux tels que Facebook ou Instagram. J’y suis le fil d’actualité de plusieurs médias comme la RTS, Le Temps, Le Courrier ou Bon à savoir. J’aime bien aussi les vidéos que postent Le Monde sur Instagram. A mon avis, les gens utilisent de plus en plus internet pour s’informer parce que c’est facile d’accès, plus interactif et que ça demande moins d’efforts. L’approche est tellement plus simple, on est au courant de tout grâce à des notifications. Mais j’essaie tout de même de garder du recul, il faut rester vigilant sur internet. Le phénomène des fake news en est un bon exemple.

J’ai une vision plutôt positive des médias tels que Konbini ou Vice, mais je garde également quelques réserves. Ils ont souvent du mal à mesurer la limite entre l’information et le divertissement. Malgré cela, je considère ces plateformes comme des médias d’information. Je regarde Konbini presque tous les jours et je pense que les gens qui critiquent ces vecteurs sont souvent des journalistes de la vieille école. Ils ont peur de se faire remplacer et n’ont pas compris que ces nouveaux médias ne sont pas opposés mais complémentaires à leur travail.

Cet engouement pour les réseaux sociaux est toutefois certainement dû au fait que les gens ont de moins en moins confiance dans les médias traditionnels. Les journaux sont, la plupart du temps, contrôlés par une seule et même personne et ça ne donne pas confiance. Mais la méfiance n’est pas le seul facteur qui explique la mauvaise santé actuelle de la presse. Le problème se situe plus globalement dans la stratégie commerciale des médias. Je sais que c’est paradoxal mais pour que ce soit rentable, il faut arrêter de tout faire pour que ça le soit. Les infos “chocs” ne sont pas très intéressantes alors que si on offre de la qualité au lecteur, ça marche mieux.»


Jules Freiss, 19 ans, étudiant

«La digitalisation permet une plus grande accessibilité. Grâce à internet, tout le monde a accès à l’information. Mais les choses ne sont pas si simples, car ces technologies suppriment également des emplois à court terme. Tamedia en est un bon exemple. Les licenciés étaient, pour la plupart, engagés depuis longtemps et leurs possibilités de reconversion sont actuellement minimes. Il ne faut pas non plus oublier le point de vue écologique. Les serveurs internet utilisent une grande partie du réseau électrique mondial et cela a de terribles conséquences sur notre bilan énergétique. Et puis, il y a un côté concret avec le papier, olfactif même. Je ne crois pas que les journaux papier disparaissent un jour. On pourrait faire une analogie avec la musique. De plus en plus de gens utilisent des plateformes telles que Spotify. Malgré ça, les disques et les vinyles survivent. Je crois qu’il en ira de même pour la presse. Je lis presque tous les jours le 24 heures. J’aime le tenir entre mes mains, sentir le papier. Ça n’a rien à voir avec le format digital. Malgré cela, il m’arrive quand même d’utiliser internet. J’écoute souvent la RTS le matin en déjeunant et je regarde aussi les vidéos que poste Le Monde sur Youtube. Je trouve que ce sont de bons compléments. Pour moi, les plateformes telles que Brut ou Vice sont plus des médias d’information alternatifs. Ils apportent un autre regard, souvent subjectif. Quant à Konbini, je ne le considère pas comme un média d’information mais plutôt de divertissement. Son contenu reste trop en surface. Ce sont des articles sans sources et on a très peu d’informations sur les rédacteurs. Je pense qu’il serait faux de considérer ces médias comme l’avenir du journalisme. Ils s’adressent aux jeunes et, dans ce sens, je crois qu’ils se développeront. Mais j’ai l’impression qu’avec le temps, on recherche plus de précisions, de professionnalisme et on se tourne vers des journaux plus traditionnels. La preuve, j’adorais Konbini il y a quelques années.»


Jeanne Vinçani, 17 ans, étudiante

«J’ai une vision très positive de la digitalisation. Ça m’a beaucoup aidée à accéder à l’information et j’ai la même impression avec mon entourage. Notre génération n’a plus le réflexe d’acheter le journal. Mais d’un autre côté, j’ai le sentiment que les jeunes s’informent d’avantage grâce à internet. Ça a créé une conscientisation. On peut s’informer partout, tout en faisant autre chose, comme manger. Dans ce sens, je ne vois pas de raison pour que le travail journalistique change avec la concurrence numérique. Sous réserve qu’elle reste payante. De plus, internet a aussi permis une plus grande diversification quant à la quantité et aux types de supports de l’information. Ce qui élargit grandement le public cible. Face à ça, les journaux papier ont, à mon avis, peu de chances.

Pour ma part, je lis presque tous les jours plusieurs journaux en ligne comme Le Matin ou le 24 heures. Ça m’arrive aussi de regarder le “Téléjournal” avec mes parents ou d’écouter la RTS quand je suis dans la voiture avec eux. Les discussions qu’on partage, à table notamment, me permettent de m’informer. Et ma mère m’envoie aussi fréquemment des articles de la RTS. J’utilise aussi les réseaux sociaux, principalement Instagram et Youtube. J’apprécie beaucoup les plateformes telles que Vice, Konbini ou Brut. Et je suis aussi plusieurs médias anglais comme Cut ou Jubilé. Mais je reste très sceptique quant à la qualité des articles, émissions, vidéos… qu’on y trouve. Il ne s’agit pas de médias d’information mais plus de divertissement.»

Les réseaux sociaux, facteurs de dépression

Une étude menée par des chercheurs de l’Université de Montréal a démontré que l'utilisation des réseaux sociaux et de la télévision, chez les adolescents, peut générer des symptômes de dépression. Dans leur analyse, dont les résultats ont été publiés récemment, les scientifiques ont mesuré le temps d’exposition et la nature des contenus regardés par les ados sur les réseaux sociaux, la télévision, les jeux vidéo et l’ordinateur. 3826 jeunes ont participé à l’enquête. Et les conclusions sont sans équivoque. Les jeunes utilisant beaucoup les réseaux sociaux et la télévision auraient plus de symptômes dépressifs et anxieux que les autres. Un phénomène qui augmenterait avec les années. En outre, les plateformes telles que Facebook, Twitter ou Instagram seraient plus néfastes pour la santé mentale que les jeux vidéo. D’après la recherche, cette situation s’expliquerait par les sites que les adolescents consultent et qui les poussent à se comparer aux autres. Richesse, beauté ou voyages... Autant de sujets qui retiennent leur attention et engendrent des besoins d’identification. En visitant fréquemment ce type de médias, l’estime de soi se détériore. Et c’est encore pire puisque le contenu des réseaux sociaux est personnalisé en fonction de ce qu’on aime ou regarde. Un véritable cercle vicieux...

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