La nouvelle application lancée à Genève pour protéger les travailleurs en cas de fortes chaleurs a été expliquée à des contremaîtres lors d’une formation riche en enseignements
Le mercure qui flirte avec les trente degrés, un air d’une lourdeur annonçant les violents orages du lendemain. Vendredi 28 juin, en fin de journée, la météo était «parfaite» à Genève pour suivre une formation pratique sur les conditions de travail en cas de canicule, un sujet de plus en plus brûlant en ces temps de changement climatique.
Proposé par les syndicats Unia et Sit, en partenariat avec l’Office cantonal de l'inspection et des relations du travail (OCIRT), ce cours de deux heures donné à l’Université ouvrière de Genève vise à sensibiliser le personnel de la construction à cette problématique et à expliquer le fonctionnement de la nouvelle application MeteoAtWork. Cet outil, qui vient d’être lancé par les partenaires sociaux genevois, permet d’évaluer la contrainte thermique subie par les travailleurs et les travailleuses et de savoir quelles mesures prendre afin de limiter les risques pour la santé.
Peu de participants
En préambule, les syndicalistes déplorent le faible nombre de participants, une douzaine à peine. «Il faut croire que les entreprises du secteur de la construction ne sont pas très intéressées par la santé et la sécurité de leurs employés, lance José Sebastiao, secrétaire syndical d’Unia Genève. Nous avons pourtant écrit deux fois à 120 d’entre elles pour leur demander de libérer leurs contremaîtres et leurs chefs d’équipe afin qu’ils puissent participer à cette formation.» Julien Dubouchet Corthay, directeur de l’Inspection cantonale du travail, précise toutefois que des séances similaires, à l’intention des employeurs, ont déjà eu lieu via les milieux patronaux.
Après des explications médicales sur les effets des fortes chaleurs sur le corps (lire ci-dessous), les participants sont invités à tester l’application. Son usage est assez simple. On choisit d’abord une activité parmi les dizaines d’exemples présélectionnés, principalement pris dans les métiers de la construction, mais aussi dans les domaines des soins, du déménagement, de la sécurité ou de la conciergerie. La liste n’est pas exhaustive et est susceptible de s’allonger à l’avenir. L’application est évolutive et pourra être mise à jour quand c’est nécessaire.
Puis, on évalue le degré d’intensité du travail, en se référant à la classification des efforts physiques détaillée dans l’application. Enfin, on précise quel type de tenue est portée (légère, combinaison en coton ou combinaison étanche) et si on dispose d’un poste de travail ombragé ou non. En tenant compte de tous ces paramètres et des données de MétéoSuisse sur la température, l’ensoleillement et l’humidité de l’air, l’application indique, heure par heure, le niveau de contrainte thermique, qui va de 1 à 5.
Un onglet donne accès aux différentes mesures préconisées en fonction de chaque niveau, selon la nouvelle directive officielle entrée en vigueur cette année. Cela va de la mise à disposition d’eau fraîche et de crème solaire au report des tâches les plus lourdes, en passant par des pauses plus fréquentes et plus longues, et par l’adaptation des horaires de travail, entre autres. Au niveau 4, le spécialiste de la santé et de la sécurité de l’entreprise est obligé de remplir un formulaire pour signaler à l’Etat la situation et les mesures mises en place. Si le niveau 5 est atteint, les travaux doivent être suspendus. L’OCIRT effectue des contrôles. «Mais nous n’avons pas les moyens d’être présents sur tous les chantiers en même temps», admet Julien Dubouchet Corthay.
Réorganiser le travail
L’application donne aussi des prévisions sur les quatre prochains jours, ce qui permet de planifier le travail et, le cas échéant, de le réorganiser pour effectuer les tâches les plus pénibles aux heures les moins chaudes, ou pour commencer plus tôt, par exemple. «Nous sommes en train d’adapter notre directive afin de permettre aux entreprises de démarrer les travaux avant 7h du matin sans devoir demander une autorisation, quand la contrainte thermique atteint le niveau 3.»
En revanche, MeteoAtWork ne peut pas prendre en compte certains facteurs au cas par cas, comme l’état de santé de chaque personne. Il est donc recommandé de veiller sur soi-même et sur ses collègues, notamment les plus vulnérables (lire ci-dessous), et de signaler les éventuels problèmes à la hiérarchie.
«J’ai déjà testé l’application pendant deux jours, c’est très bien, confie un participant. On peut s’appuyer dessus pour savoir quelles mesures prendre. Avant, c’était un peu flou. Et ça nous permet aussi de justifier nos décisions auprès de nos supérieurs.» José Sebastiao se réjouit également de l’arrivée de ce nouveau moyen de contrôle: «Grâce à cette application, les employeurs ne peuvent plus dire qu’ils ne connaissent pas les mesures à mettre en place en cas de fortes chaleurs.» AG