Confiserie amère...
Défendus par Unia, des employés de la Confiserie Werth dénoncent des heures de travail non payées et une fraude au chômage partiel. Le syndicat a organisé une action de soutien à Delémont et continuera à se battre afin d’obtenir justice pour le personnel concerné
Dans le Jura, les employés de la Confiserie et tea-room Werth sont chocolat. Fondée il y a 70 ans et présente à Delémont et à Moutier, l’enseigne a été déclarée en faillite le 3 mars dernier par décision du Tribunal de première instance de Porrentruy. L’établissement n’a, pourtant, jamais fermé ses portes et poursuit son activité sous une nouvelle raison sociale, la Confiserie de la gare, avec un effectif réduit.
Premier problème: une partie des 35 salariés se retrouvent sans revenu depuis cette date et sans possibilité de s’inscrire au chômage faute d’une lettre de licenciement. L’administrateur de la société, Roger Veya, se décharge de sa responsabilité sur l’Office des poursuites et faillites, qui, de son côté, ne s’estime pas concerné par les contrats de travail. Unia Transjurane, qui défend le personnel, a dénoncé cette situation légèrement kafkaïenne la semaine dernière auprès des médias invités devant le magasin de Delémont.
Second couac: l’entreprise a appliqué de manière très particulière la réduction de l’horaire de travail (RHT). «Les nombreux témoignages des salariés vont tous dans le même sens: depuis le début de la pandémie, l’employeur a obtenu la RHT tout en continuant à faire travailler certaines personnes à 100%. Celles-ci ne percevaient que 80% de leur salaire, versé de surcroît par le chômage. A l’évidence, il y a eu des malversations, une fraude au chômage partiel et un vol des travailleurs», indique Patrick Cerf, secrétaire syndical d’Unia Transjurane. «Nous étions payés à 80%, mais nous travaillions à 100%, voire plus. Les relevés de timbrage ont été effacés. Monsieur Veya nous disait: “S’il y a un contrôle, dites que vous faites du bénévolatˮ», a confié une employée au Quotidien Jurassien.
Enfin, cerise sur le gâteau, le patron a, selon nos informations, demandé le 22 février un soutien public au titre des cas de rigueur. Il a obtenu 150000 francs le 26 février, soit cinq jours avant de déposer son bilan. Or, ces subventions versées par la Confédération et les cantons ont justement pour but d’éviter les faillites.
«Ce monsieur a triché»
Patrick Cerf ne mâche pas ses mots: «C’est un scandale. Ce monsieur a triché, il a profité de l’argent public et roulé tout le monde dans la farine, les travailleurs en premier lieu, les services de l’Etat et les médias.» Contacté, Roger Veya n’a pas souhaité s’exprimer dans nos colonnes. «Il me faudrait deux pages pour m’expliquer et tous les démentis n’effaceront pas les atteintes à l’image que nous avons subies de la part d’Unia», nous a-t-il répondu. L’homme s’est, par contre, longuement justifié auprès de RFJ. La fraude à la RHT? «Du personnel était à la maison faute de travail, d’autres personnes ont travaillé à 80% après l’instauration d’un tournus, pas à 100%. Certaines d’entre elles sont venues travailler bénévolement pour tenter de sauver l’entreprise.» Et les 150000 francs? «Nous avions huit mois de retard dans les factures, avec ce montant, nous avons payé très rapidement nos fournisseurs et versé le salaire des employés à fin février.»
Pour Patrick Cerf, «les employés se sont retrouvés pris en sandwich entre leur devoir de loyauté, la volonté de tout faire pour conserver leur emploi et les incertitudes autour d’une reprise. La grande majorité avait peur de perdre son emploi et, c’est bien compréhensible, a continué à travailler. La moitié des employés travaillent encore aujourd’hui à leurs risques et périls. Si certains, occupant visiblement des postes essentiels, ont manifestement reçu un salaire, beaucoup sont privés de revenu depuis le début du mois de mars sans avoir reçu de lettre de licenciement. Nous espérons qu’ils ne seront pas pénalisés par le chômage.»
L’étau va se resserrer autour de Roger Veya. Le Service de l’économie et de l’emploi pourrait lui retirer sa patente, il devra certainement répondre de fraude au chômage partiel, peut-être d’abus dans l’utilisation des fonds du cas de rigueur, voire de faillite frauduleuse. Et les salariés, représentés par Unia, vont également lui demander des comptes. Patrick Cerf promet qu’il n’y aura pas de trêve des confiseurs: «Nous exigeons le versement de tous les montants dus aux employés, en particulier les 20% de salaire que les travailleurs sous RHT n’ont pas perçus. Nous voulons que toutes les personnes privées d’une rémunération au mois de mars reçoivent sans délai un revenu. Nous ferons tout pour obtenir justice pour ces travailleurs.»