De l’imprévoyance des caisses de pension
«Une personne qui se trouve au début de sa vie professionnelle investit involontairement chaque mois au moins 5% de son fonds de prévoyance dans des entreprises qui auront largement détruit les forêts tropicales d’ici à sa retraite, si on ne les arrête pas avant.» Ce constat, aussi paradoxal que glaçant, est celui tiré par Greenpeace. Dans une étude parue en août, l’ONG pointe du doigt les caisses de pension suisses et leurs (ir)responsabilités dans la catastrophe climatique en cours. Elle rappelle que ces acteurs financiers, aux côtés des législateurs, pourraient jouer un rôle clé pour obtenir et accélérer la transition urgente des entreprises, puisqu’ils financent leurs activités. En 2021, selon les estimations de Greenpeace – qui dénonce en passant le manque de transparence notoire des institutions –, les caisses de pension suisses ont investi plus de 60 milliards de francs dans des sociétés responsables de la déforestation actives dans les secteurs de l’élevage, de cultures de fourrage, d’huile de palme, ou encore des mines. Cela correspond à près de 5% des fonds de prévoyance suisses.
Sans compter les émissions de gaz à effet de serre et autres polluants des activités susmentionnées, elles génèrent également la destruction de la biodiversité extraordinaire présente dans les forêts tropicales, et bouleversent la vie des populations autochtones. De surcroît, la disparition des forêts accélère le réchauffement climatique puisqu’en abattant les arbres, ceux-ci relâchent leur stock de carbone et ne peuvent plus en capter. L’Amazonie serait déjà à un point de bascule. Mise à mal par les coupes climaticides, la forêt disparaît mais aussi s’assèche. Au point que «le poumon vert» de la planète pourrait se transformer en triste steppe. Une vision de fin du monde. D’où la nécessité, plaide Greenpeace, d’imposer de «nouveaux modèles d’affaires qui protègent les forêts au lieu de les détruire, et qui proposent d’autres sources de revenus aux éleveurs et aux producteurs d’huile de palme» entre autres travailleurs. Les investisseurs, dont les caisses de pension suisses mais aussi les banques et la BNS, ont donc un rôle central à jouer en tant qu’actionnaires.
Greenpeace n’est pas la seule à dénoncer les politiques d’investissements des caisses de pension. Depuis des années, l’Alliance climatique suisse leur demande de renoncer à leurs placements dans les énergies fossiles, dangereux pour les écosystèmes, mais aussi pour les retraites. «Le déclin économique des industries du charbon, du pétrole et du gaz fossile fait fondre les capitaux-épargne. Les investissements dans les énergies fossiles ne sont donc pas seulement un risque pour le climat, mais aussi pour les retraites», indique l’organisation forte de 140 membres, dont l’Union syndicale suisse. Un décarbonage massif et réel des portefeuilles est donc urgent, tout comme l’investissement dans des projets respectueux de l’environnement. En toute transparence et sans greenwashing.