A la Brasserie du Virage à Genève, une bande de potes produit des bières originales, voire d’exception, et c’est un succès!
La brasserie se situe dans la campagne genevoise, à Saconnex-d’Arve, dans un virage, d’où son nom. Installée dans les locaux d’une distillerie chargée d’histoire, elle côtoie la production de vins et d’eaux de vie. Tout au fond de l’entrepôt, sur 120 m2, les brasseurs s’activent en tournus. Les gestes sont mécaniques et répétitifs mais exercés dans la bonne humeur. L’un remplit les bouteilles, un autre les encapsule, elles sont ensuite nettoyées puis entreposées dans des caisses. Sur un autre poste, les fûts sont lavés avant d’être remplis. Ils sont cinq: quatre gars et une fille. Des amis de longue date qui brassent ensemble depuis des années. «Nous faisions ça pour le plaisir, pour nos amis, à prix libre», raconte Jonas, l’un d’entre eux. «Et puis, on s’est dit qu’on était plutôt doués, et comme cela nous plaisait, on a décidé d’en vivre.» En avril 2015, ils signent le bail avec la commune; en octobre, ils commencent à brasser et, en décembre, la première bière est vendue. Un «virage personnel» qui chamboule leur vie. Quand l’équipe de copains se lance dans l’aventure il y a trois ans, ils produisent 500 litres de bière par semaine. Aujourd’hui, ils en sont à 1200 litres.
Une grande diversité
Amateurs de bières américaines, les compères se sont inspirés de la révolution craft beer, à savoir faire sa propre bière à la maison et redécouvrir des goûts que l’industrie brassicole ne propose plus. «Nous faisons des bières de caractère qui mettent en valeur différentes caractéristiques du houblon, précise Jonas. Pour nous, ce qui faisait sens était de retourner au local et à la qualité, se réapproprier une production devenue trop industrielle.» La Brasserie du Virage propose des bières légères, amères, sèches avec peu de sucres résiduels et souvent bien houblonnées. Elle crée aussi des bières d’exception vieillies en barriques ou en fûts de chênes, plus spéciales, avec de l’acidité et de la force. Quatre variétés différentes sont disponibles, sans compter les éditions spéciales. «Nous aimons mettre en avant toutes les bières possibles et développer d’autres goûts, notamment l’amertume, peu explorée dans nos contrées.» Les brasseurs essaient de s’approvisionner au plus près, autant que faire se peut. Si la production de houblon est très rare en Suisse, le malt tend à être genevois.
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La moitié de la production se décline en fûts à pression, destinée aux bars et aux restaurants. L’autre moitié se consomme en bouteilles, que l’on peut se procurer directement à la brasserie ou dans quelques épiceries genevoises. Le problème, c’est que la production, qui a pourtant atteint son maximum, n’arrive pas à satisfaire la demande. «L’objectif est de l’augmenter le plus rapidement possible, en s’équipant de cuves plus grandes et de nouveaux outils de brassage, projette Jonas. Cela implique par ailleurs d’intégrer de nouvelles personnes à l’entreprise.» Mais pas n’importe comment ni à n’importe quel prix. Les brasseurs tiennent à préserver une échelle humaine et de bonnes conditions de travail. «Nous voulons continuer à produire des bières de qualité, le moins cher possible pour le client, tout en se payant décemment, c’est une équation difficile.» L’idée est aussi de prendre la forme d’une coopérative. «Nous respectons déjà le principe d’égalité salariale, nous fonctionnons sans hiérarchie et nous nous réunissons chaque semaine pour discuter et prendre les décisions ensemble.» L’aventure collective ne fait que commencer…