Les délégués de l’Union syndicale suisse renoncent à définir un mot d’ordre sur la Réforme de la fiscalité et du financement de l’AVS (RFFA)
Même lié à un financement additionnel de l’AVS, le Projet fiscal 17 (PF17) n’emporte pas l’adhésion du mouvement syndical. Vendredi dernier, après un débat nourri, l’assemblée des délégués de l’Union syndicale suisse (USS) a renoncé à délivrer un mot d’ordre sur la loi relative à la Réforme fiscale et au financement de l’AVS (RFFA), qui vient d’être votée par le Parlement.
Pourtant, en début de discussions, le premier secrétaire de l’USS, Daniel Lampart, avait présenté cette réforme, qui vise tout d’abord à unifier le taux d’imposition entre entreprises suisses et étrangères, comme un «tournant». «Les impôts versés à la Confédération par les actionnaires et certaines entreprises vont augmenter d’environ 200 millions de francs par an. Les privilèges des multinationales et certaines niches fiscales vont être supprimés. L’AVS recevra 2 milliards dont 600 millions versés par les entreprises», a détaillé l’économiste. Certes, des baisses générales d’imposition sont annoncées dans les cantons, mais elles ne concernent pas le niveau fédéral et c’est bien sur le plan cantonal qu’il faut les combattre. «Nous allons constituer un fonds pour soutenir les unions syndicales cantonales», a-t-il annoncé, en prévenant qu’un refus de la réforme conduirait, selon lui, non seulement à faire tomber le financement de l’AVS, mais aussi à stimuler la concurrence fiscale intercantonale.
Opportunité
«Le Conseil fédéral évoque 2 milliards perdus pour les finances publiques. On est les seuls à prétendre que la RFFA va provoquer des hausses d’impôts pour les entreprises et les actionnaires», a ironisé Michela Bovolenta, secrétaire centrale du Syndicat des services publics (SSP), en relevant que les services publics vont être fragilisés. «Les femmes ont besoin de services publics forts, l’égalité ne peut se construire que par des services publics forts», a martelé la coprésidente de la commission féminine de l’USS. «Le volet AVS est magnifique, mais il ne faut pas pour autant démanteler le service public», a ajouté Katharina Prelicz-Huber, présidente du SSP. «Je suis aussi un représentant du service public, mais mon avis est complètement différent», a répondu Giorgio Tuti, président du syndicat des transports SEV. «Il y a 2 milliards pour l’AVS, je ne pense pas qu’à l’avenir il y aura cette opportunité, il faut la saisir. Et s’il faut du courage pour combattre les baisses fiscales dans les cantons, nous n’en n’avons jamais manqué, trouvons celui d’accepter ce projet.»
Prix élevé
«La partie sur l’AVS, on n’a même pas besoin d’en discuter, a déclaré Corinne Schärer, membre du comité directeur d’Unia. La question est de savoir quel est le prix à payer? Pour moi, ce prix est trop élevé. Et on ne pourra pas dire qu’on accepte les baisses fiscales sur le plan national et qu’on les refuse dans les cantons. On ne sera plus crédibles dans la rue.» Siégeant aussi au comité directeur du syndicat, Aldo Ferrari s’est inscrit en faux contre cette idée: «Qu’allons-nous dire aux gens qui se battent avec nous pour l’AVS? Pourquoi refuse-t-on 2 milliards? Si nous voulons continuer à nous battre pour les retraites, nous ne pouvons pas appeler à refuser une augmentation des cotisations.»
Crédibilité
Cosecrétaire général du SIT à Genève, Davide de Filippo voit les choses différemment. Sans même tenir compte de la réforme fiscale, le Conseil d’Etat du bout du lac vient de présenter un plan d’économies de 281 millions de francs sur quatre ans, dont la fonction publique devrait assumer la moitié de l’effort. «Evidemment que nous allons combattre ce plan, mais nous devons mobiliser le personnel et pour mener ce combat nous devons rester crédibles aux yeux des salariés et nous ne le serons que si nous combattons aussi cette réforme sur le plan fédéral.» Une logique portée par Alessandro Pelizzari, secrétaire régional d’Unia Genève et président de la Communauté genevoise d’action syndicale, qui a défendu un triple non: «Un non de défense des intérêts des salariés, qui sont aussi des bénéficiaires des services publics et des prestations sociales; un non de cohérence avec les batailles menées dans les cantons; un non enfin de posture, car un mouvement syndical ne peut cautionner une politique qui fait de la Suisse un paradis fiscal.»
Ecouter les salariés
«En ayant participé à la Commission parlementaire, je prétends que nous avons tout fait pour obtenir le meilleur résultat possible, a assuré Corrado Pardini, conseiller national également membre du comité directeur d’Unia. Depuis 1975, on se bat pour augmenter les cotisations AVS, je n’aurais jamais pu rêver qu’un jour on y arriverait!» Une déclaration qui a laissé froid Rachid, rare travailleur «de la base» à prendre la parole. «J’en ai marre d’entendre que le Parlement est à droite, je m’en fiche! Il faut écouter ce qu’ont à dire les salariés qui ont dit non à RIE III et à PV2020», a tranché cet adhérent d’Unia Vaud. Syndicaliste genevois du SSP, Albert Anor a abondé en ce sens, s’élevant contre un «syndicat politique», «qui définit ses positions par rapport à ce qui est acceptable par le patronat et non ce qui est nécessaire pour les salariés».
Au vote, 46 délégués se sont prononcés en faveur de la RFFA et 41 contre, avec trois abstentions. En raison de cette divergence marquée, l’assemblée a ensuite accepté une proposition de l’union syndicale schaffhousoise de laisser la liberté de vote sur le sujet dans le cas où le référendum, qui devrait être lancé par une partie de la gauche et des syndicalistes, aboutirait.