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Elus irresponsables

Les multinationales ayant leur siège en Suisse peuvent continuer à exploiter et à polluer impunément! Jeudi dernier, le Conseil des Etats a repoussé la discussion sur le contre-projet indirect à l’initiative «multinationales responsables», déposée il y a trois ans déjà. Une initiative qui souhaite instaurer un système permettant de juger de la responsabilité des sociétés établies dans notre pays en cas de non-respect des droits humains et de violations des normes environnementales. Cela en offrant aux victimes la possibilité de porter plainte.

Si la pression de la rue a permis au Parlement de repêcher en début de semaine la Loi sur le CO2, elle n’a pas eu d’effet pour l’initiative «multinationales responsables». En moins de deux jours pourtant, une formidable mobilisation s’est exprimée, via le site dédié à cette campagne. 52498 personnes avaient signé une lettre, remise le 26 septembre, jour où l’objet devait être traité par la Chambre des cantons, demandant instamment aux élus de ne pas repousser le débat. Une proposition d’un sénateur libéral-radical zurichois, soutenu par la conseillère fédérale Karin Keller-Sutter. Cette dernière lui avait tendu la perche en annonçant un autre projet de loi réclamant plus de transparence, mais sans aucune contrainte. La manœuvre a réussi. La majorité de droite du Conseil des Etats a décidé de se donner plus de temps pour étudier la question. Du temps déjà bien utilisé puisque la commission chargée de l’initiative s’est réunie à 19 reprises et a déjà largement édulcoré le contre-projet initial.

La manœuvre est limpide. Elle a dû être applaudie par le lobby des multinationales qui tire les ficelles. Si, d’ici le printemps prochain, le Parlement n’arrive pas à finaliser un contre-projet législatif à l’initiative, cette dernière sera soumise seule en votation. Au vu de la vague de sympathie qu’elle suscite dans la société, appuyée non seulement par la gauche mais aussi par certains milieux de droite, elle pourrait être acceptée par le peuple. Si tel était le cas, les multinationales helvétiques pourront néanmoins poursuivre leurs affaires, pour beaucoup basées sur une exploitation des êtres humains et de la planète, pendant encore de longues années. Car l’initiative entraînerait un changement de la Constitution, qui prendrait encore longtemps avant de se concrétiser dans une loi. Comme le montre de façon éclatante l’article constitutionnel sur l’égalité entre les hommes et les femmes de 1981, toujours pas appliqué dans les faits... Pour accélérer les choses, les promoteurs de l’initiative «multinationales responsables» avaient déclaré qu’ils accepteraient le contre-projet, même allégé, et retireraient leur texte.

Quant au lobby des multinationales, il ne manque pas d’air lorsqu’il déclare être opposé à l’initiative car elle nuirait à la compétitivité de l’économie suisse et risquerait d’encombrer les tribunaux. Comme le relevait récemment le directeur d’Ethos, Vincent Kaufmann, sur son blog, cet argument «revient à dire que notre compétitivité est basée sur un non-respect des droits humains et des standards environnementaux». A méditer…