Faute avouée pleinement sanctionnée...
Mardi 09 septembre 2008
Firmenich a sanctionné une erreur professionnelle en licenciant son auteur.
Employé de fabrication dans l'usine chimique Firmenich à Genève, Robert (prénom fictif) a été remercié avec effet immédiat pour faute professionnelle. Un licenciement injustifié selon Unia qui a porté l'affaire devant les prud'hommes et obtenu deux mois de salaire pour l'ouvrier aujourd'hui au chômage. Mieux que rien même si le syndicat et les collègues de Robert réclamaient sa réintégration. Récit.
Toute vérité n'est pas bonne à dire. Employé de fabrication à Firmenich, Robert en a fait la cruelle expérience. Son histoire remonte au mois de septembre de l'année dernière. L'ouvrier, qui travaille alors depuis sept ans pour Firmenich, commet une erreur lors de la préparation d'une solution et oublie un composant. Résultat: un réacteur s'emballe, la température monte et l'alerte est donnée. Mais quand Robert quitte l'usine, il ignore encore tout de sa faute. Depuis quelques mois, l'homme n'est pas dans son assiette. Il rencontre des problèmes avec son épouse, s'inquiète pour son fils. Son moral est au plus bas. Personne ne l'ignore à l'atelier. Y compris le supérieur de Robert qui n'a pas jugé pour autant nécessaire de muter l'employé fragilisé dans un secteur moins dangereux. Quoi qu'il en soit, quand Robert revient le lendemain à son travail, il est informé de l'accident qui a nécessité l'intervention des pompiers. Heureusement, seuls des dégâts matériels sans grande conséquence sont à déplorer. La direction mène alors l'enquête pour savoir ce qui s'est produit. Interrogé sur sa responsabilité potentielle dans l'affaire, Robert reconnaît son erreur. Un aveu qu'il paye très cher: le fidèle employé est licencié avec effet immédiat.
Excès de zèle...
«Ils ont voulu faire un exemple», déplore Fabrice Chaperon, président du groupe syndical de Firmenich et travaillant dans le même atelier que Robert avant que celui-ci ne soit renvoyé. «Ce n'est pas la première fois qu'une telle erreur est commise. Mais d'habitude, un avertissement la sanctionne et l'on donne une seconde chance au fautif. Dans ce cas, le responsable a fait un excès de zèle», déclare l'employé de fabrication non sans préciser que l'atelier où s'est produit l'accident est des plus vétustes en termes de sécurité. Et les processus propres à l'assurer, relativement compliqués. Choqué par la disproportion de la punition, Fabrice Chaperon écrit alors une lettre pour demander à la direction de revenir sur sa décision. 25 des 30 collègues que compte Robert la cosignent.
L'humanité en rade
«La plupart d'entre nous étaient écœurés par cette manière de faire. D'autant plus que nous savions que Robert traversait une période difficile. On aurait dû le déplacer dans un secteur exigeant moins de concentration.» Quoi qu'il en soit, le courrier n'aura pas l'effet escompté. Si le directeur fait le déplacement pour dialoguer avec l'équipe, il campe sur ses positions, se retranchant derrière la notion primordiale de sécurité. Au-delà du caractère exemplaire du licenciement, Fabrice Chaperon se demande si la vulnérabilité de Robert au moment des faits n'a pas également pesé dans la balance. Une seule certitude: Firmenich n'est plus cette société qui a aussi bâti sa renommée sur son humanité. «Il ne reste désormais sur ce point que les cendres de ce qui fut avant une très bonne entreprise... Avec le risque que l'on n'ose plus dire la vérité par peur des représailles.»
Maigre consolation
«Le supérieur direct de Robert aurait dû l'envoyer consulter le médecin. S'agissant d'un travail exigeant une attention permanente, on ne pouvait laisser à ce poste un homme allant mal», relève de son côté Sylvie Cristina, responsable du secteur de la chimie et la pharmacie à Unia Genève. En charge du dossier, la syndicaliste porte l'affaire devant les prud'hommes pour «licenciement injustifié» et demande la réintégration de Robert. Une démarche qu'elle effectue toutefois six mois après l'accident, le syndiqué ayant dans l'intervalle été mis en arrêt maladie. «S'il a mis en danger la vie d'autrui, il n'a toutefois pas menti. Et avoué sa culpabilité. Il aurait tout aussi bien pu se taire. Personne n'aurait pu prouver qu'il était à l'origine du problème. Et puis, une erreur peut arriver. Dans toute usine, le danger existe.» Des arguments qui ne font pas mouche auprès de Firmenich qui refuse catégoriquement de reprendre son employé. L'entreprise acceptera tout de même de verser à Robert deux mois de salaire supplémentaires sur les six réclamés par le syndicat. Bienvenus même si l'homme n'aura, aujourd'hui au chômage, en dépit de ses nombreuses années de service, pu compter sur un véritable geste de son ex-employeur. Quant à Fabrice Chaperon, il se demande si une telle issue de la conciliation risque de faire jurisprudence. «Pourra-t-on désormais licencier une personne abusivement en payant seulement deux mois de salaire en compensation?»
Sonya Mermoud
Toute vérité n'est pas bonne à dire. Employé de fabrication à Firmenich, Robert en a fait la cruelle expérience. Son histoire remonte au mois de septembre de l'année dernière. L'ouvrier, qui travaille alors depuis sept ans pour Firmenich, commet une erreur lors de la préparation d'une solution et oublie un composant. Résultat: un réacteur s'emballe, la température monte et l'alerte est donnée. Mais quand Robert quitte l'usine, il ignore encore tout de sa faute. Depuis quelques mois, l'homme n'est pas dans son assiette. Il rencontre des problèmes avec son épouse, s'inquiète pour son fils. Son moral est au plus bas. Personne ne l'ignore à l'atelier. Y compris le supérieur de Robert qui n'a pas jugé pour autant nécessaire de muter l'employé fragilisé dans un secteur moins dangereux. Quoi qu'il en soit, quand Robert revient le lendemain à son travail, il est informé de l'accident qui a nécessité l'intervention des pompiers. Heureusement, seuls des dégâts matériels sans grande conséquence sont à déplorer. La direction mène alors l'enquête pour savoir ce qui s'est produit. Interrogé sur sa responsabilité potentielle dans l'affaire, Robert reconnaît son erreur. Un aveu qu'il paye très cher: le fidèle employé est licencié avec effet immédiat.
Excès de zèle...
«Ils ont voulu faire un exemple», déplore Fabrice Chaperon, président du groupe syndical de Firmenich et travaillant dans le même atelier que Robert avant que celui-ci ne soit renvoyé. «Ce n'est pas la première fois qu'une telle erreur est commise. Mais d'habitude, un avertissement la sanctionne et l'on donne une seconde chance au fautif. Dans ce cas, le responsable a fait un excès de zèle», déclare l'employé de fabrication non sans préciser que l'atelier où s'est produit l'accident est des plus vétustes en termes de sécurité. Et les processus propres à l'assurer, relativement compliqués. Choqué par la disproportion de la punition, Fabrice Chaperon écrit alors une lettre pour demander à la direction de revenir sur sa décision. 25 des 30 collègues que compte Robert la cosignent.
L'humanité en rade
«La plupart d'entre nous étaient écœurés par cette manière de faire. D'autant plus que nous savions que Robert traversait une période difficile. On aurait dû le déplacer dans un secteur exigeant moins de concentration.» Quoi qu'il en soit, le courrier n'aura pas l'effet escompté. Si le directeur fait le déplacement pour dialoguer avec l'équipe, il campe sur ses positions, se retranchant derrière la notion primordiale de sécurité. Au-delà du caractère exemplaire du licenciement, Fabrice Chaperon se demande si la vulnérabilité de Robert au moment des faits n'a pas également pesé dans la balance. Une seule certitude: Firmenich n'est plus cette société qui a aussi bâti sa renommée sur son humanité. «Il ne reste désormais sur ce point que les cendres de ce qui fut avant une très bonne entreprise... Avec le risque que l'on n'ose plus dire la vérité par peur des représailles.»
Maigre consolation
«Le supérieur direct de Robert aurait dû l'envoyer consulter le médecin. S'agissant d'un travail exigeant une attention permanente, on ne pouvait laisser à ce poste un homme allant mal», relève de son côté Sylvie Cristina, responsable du secteur de la chimie et la pharmacie à Unia Genève. En charge du dossier, la syndicaliste porte l'affaire devant les prud'hommes pour «licenciement injustifié» et demande la réintégration de Robert. Une démarche qu'elle effectue toutefois six mois après l'accident, le syndiqué ayant dans l'intervalle été mis en arrêt maladie. «S'il a mis en danger la vie d'autrui, il n'a toutefois pas menti. Et avoué sa culpabilité. Il aurait tout aussi bien pu se taire. Personne n'aurait pu prouver qu'il était à l'origine du problème. Et puis, une erreur peut arriver. Dans toute usine, le danger existe.» Des arguments qui ne font pas mouche auprès de Firmenich qui refuse catégoriquement de reprendre son employé. L'entreprise acceptera tout de même de verser à Robert deux mois de salaire supplémentaires sur les six réclamés par le syndicat. Bienvenus même si l'homme n'aura, aujourd'hui au chômage, en dépit de ses nombreuses années de service, pu compter sur un véritable geste de son ex-employeur. Quant à Fabrice Chaperon, il se demande si une telle issue de la conciliation risque de faire jurisprudence. «Pourra-t-on désormais licencier une personne abusivement en payant seulement deux mois de salaire en compensation?»
Sonya Mermoud