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Favoriser des personnages féminins forts

Portrait de Camille Pousin.
© Thierry Porchet

«J’adore rencontrer des gens, échanger, rire» note l’éditrice et féministe Camille Pousin.

Fondatrice des Editions uTopie spécialisées dans la littérature jeunesse, Camille Pousin adore les livres depuis son plus jeune âge. Au fil de son histoire

C’est le récit d’une passion qui débute dans l’enfance. Une narration mettant en scène une petite fille, Camille Pousin, qui refuse de s’endormir à moins que sa mère ou son père ne lui ait lu une histoire. Et pas question d’y couper. Même en présence d’invités. Puis, à 7 ans, la gamine obtient une carte de membre de la bibliothèque du quartier. «Je coûtais trop cher à mes parents. Je réclamais sans cesse de nouveaux livres. J’ai pu alors emprunter plein d’ouvrages et même plus qu’autorisé, les responsables me reconnaissant, habitués à mes fréquentes visites», sourit la lectrice assidue âgée aujourd’hui de 36 ans. Depuis, Camille Pousin ne compte plus les bouquins qu’elle a dévorés. Et le souvenir de Charlie et la chocolaterie, une des aventures favorites de la fillette d’alors, s’estompe dans une multitude de titres dont plusieurs issus de la littérature slave, particulièrement appréciée. Cet engouement – qui permet à la passionnée «de vivre nombre d’existences par procuration» – la conduit à effectuer un apprentissage de libraire chez Payot à Lausanne. «J’ai surtout aimé le contact avec la clientèle, échanger sur des intérêts communs.» Une immersion «très enrichissante» dans le monde du livre qui l’incite à poursuivre l’expérience, en explorant l’autre bout de la chaîne. Mais chaque chose en son temps. Camille Pousin commence par reprendre des études et effectue un master en anglais et philosophie. Elle se spécialise également en Humanités numériques – un domaine ciblé sur le développement des sciences humaines et de la technologie – avec une idée derrière la tête.

Fibre féministe

«J’ai toujours aimé les ordinateurs, étant familiarisée avec ces outils, car ma mère était informaticienne. Et j’envisageais de me lancer dans le livre numérique.» En 2016, avant même la fin de son cursus, l’universitaire fonde les Editions uTopie réservées à la littérature jeunesse. Elle se concentre alors au départ uniquement sur des ouvrages digitaux, avant d’élargir l’offre aussi au format papier, la trentenaire restant convaincue de son avenir. «Ce sont deux supports différents qui peuvent se compléter. Le numérique permet d’écouter l’histoire, favorise une exploration interactive, avec des animations, des pop-up (fenêtres surgissantes, ndlr), des glossaires pour expliquer les mots compliqués, des listes d’activités», précise la Vaudoise, qui insiste encore sur la dimension pédagogique de la démarche, assurée grâce à la collaboration d’enseignantes. Et qui privilégie les récits où rêves et aventures se conjuguent avec une certaine profondeur, délivrent en filigrane des messages, favorisent les personnages féminins forts. Dans cet esprit, elle vient de créer une nouvelle collection, La Suisse au féminin, consacrée aux luttes des femmes dans nos frontières avec un premier volume relatif à leur combat en faveur du droit de vote, obtenu il y a 51 ans. Ce choix correspond à l’intérêt et à la sensibilité de Camille Pousin aux questions d’égalité et de genre, elle qui a rédigé un mémoire sur les travaux de Christine de Pizan, écrivaine du XVe siècle, souvent considérée comme la «mère du féminisme».

Sans monotonie

«Une personne fascinante. Elle a vécu de sa plume. Elle a écrit des poèmes, des traités militaires ou encore La Cité des dames, en réponse aux passages misogynes du Roman de la Rose. J’admire son courage, son audace», explique l’éditrice, tout en notant qu’il reste du pain sur la planche en la matière. «Il y a encore nombre de batailles à livrer en faveur de l’égalité salariale, de la représentation des femmes en politique, contre le sexisme, etc.», soupire la féministe, qui envisage par ailleurs de lancer également une collection relative à l’écologie. Si les Editions uTopie ont publié à ce jour 14 livres, elles ne permettent pas à Camille Pousin d’en vivre. L’indépendante a dès lors élargi ses activités professionnelles, remplissant différents mandats dans le domaine numérique et la communication. «J’apprécie la pluralité des tâches. Les jours, ainsi, ne se ressemblent pas», commente la polyvalente de nature plutôt optimiste, déterminée, et particulièrement à l’aise pour créer du lien social. «J’adore rencontrer des gens, échanger, rire.» Au chapitre de ses loisirs, Camille Pousin mentionne évidemment la lecture, sans oublier les voyages et la musique qui la ressource. Pianiste classique à ses heures, elle cultive toutefois des goûts éclectiques écoutant volontiers du jazz, du metal, etc., selon ses humeurs.

L’univers du dessous

Heureuse dans sa vie, en couple, la Vaudoise associe le bonheur aux sourires, à la force des amitiés nouées, à la prise de conscience de moments de bien-être, de simplicité, comme quand elle s’évade avec un bon livre, sa chatte sur les genoux en train de ronronner. Moment privilégié aussi lorsque cette adepte de la plongée part à la découverte de «l’univers du dessous si diversifié et paisible», loin du tumulte des humains. Un temps d’observation, de proximité avec «la vie sauvage et si fragile». Camille Pousin pratique par ailleurs le Vo-Vietnam, un art martial basé sur «le mental, la force, la souplesse, l’équilibre et la rapidité». «Le but est d’éviter le combat, mais si ce n’est pas possible, de savoir se défendre», note celle qui inscrit au rang de ses peurs le racisme, la xénophobie, le sexisme et l’étroitesse d’esprit au sens large.

Mais revenons à la passion de la jeune femme pour la littérature sachant encore qu’elle n’exclut pas, un jour, de prendre la plume. Cela alors qu’elle a participé à la rédaction du dernier livre publié par sa maison d’édition. «Ecrire me titille. Une idée présente dans un coin de ma tête», confie Camille Pousin qui, questionnée sur son maître-mot, répond: «L’imagination». Celle qui, bien sûr, ouvre sur plein d’utopies. Une a déjà trouvé sa concrétisation...