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Fidèles depuis toujours à la cause syndicale

Jean Sommer, Agusti Garcia et Jean Houlmann.
© Olivier Vogelsang

Jean Sommer, Agusti Garcia et Jean Houlmann. 

Ils ont 90 ans passés et sont syndiqués depuis près de sept décennies. Unia Genève a rendu hommage à trois de ses vétérans lors d’un repas au bout du lac

Il faut croire que le syndicalisme est bon pour la santé. A voir Jean Sommer, Agusti Garcia et Jean Houlmann, trois alertes nonagénaires syndiqués depuis près de 70 ans, lutter pour les droits des travailleurs et des travailleuses maintient en forme. Fin mai, le groupement des retraités d'Unia Genève a rendu hommage à ses doyens, en les invitant dans un restaurant bistronomique du Petit-Saconnex. Un repas en petit comité, afin de les remercier de leurs nombreuses années d’engagement. 

«Si on fait le calcul, à vous trois, vous cumulez près de deux siècles et demi de syndicalisme», les a félicités Yves Defferrard, membre du comité de direction d’Unia et codirecteur ad interim d’Unia Genève. «Nous vous remercions infiniment pour votre fidélité. Grâce à vos cotisations, vous restez solidaires avec les jeunes, à qui vous montrez l’exemple.» Président du groupement des retraités genevois, Pierre Vanek abonde: «Votre expérience syndicale est remarquable. C’est un plaisir énorme de vous revoir aujourd’hui.»

Se syndiquer, une évidence

Pour ces trois vétérans, se syndiquer a toujours été une évidence. «Chez Givaudan, où je travaillais, il n'y avait que deux personnes sur 600 employés qui n'étaient pas syndiquées», se souvient Jean Sommer, 94 ans et encarté depuis 1952. Entré dans l’entreprise l’année précédente comme ouvrier de fabrication, il fait un apprentissage de laborantin et intègre la commission ouvrière de Givaudan dès 1953. Il en sera même le président de 1961 à 1972. 

Durant sa carrière, Jean Sommer exerce diverses fonctions syndicales dans l'entreprise et le syndicat. Il a aussi été juge au Tribunal des prud'hommes. «Mon plus grand succès, c'est d'avoir été l'artisan en 1963 d'un système d'indexation des salaires au coût de la vie deux fois par an chez Givaudan. Le patron m'avait dit que cela ne se faisait nulle part ailleurs.» Pour Jean Sommer, ce qu’il se passe chez Vetropack montre bien qu’il reste essentiel de se mobiliser: «Si les gens ne se syndiquent plus, les patrons ont les mains libres.»

«Les patrons, ça reste les patrons»

Agusti Garcia, lui, trouve que le syndicalisme est devenu «trop pacifique». Il faut dire que cet Espagnol de 98 ans – «Catalan», rectifie-t-il – a fait ses premières armes à l’âge de 16 ans, sous la dictature de Franco. «Les syndicats étaient alors interdits», raconte-t-il. Son père, syndicaliste, a ainsi croupi 30 ans dans les geôles franquistes, où il a fini par mourir. Arrivé à Genève en 1960, Agusti Garcia s’engage immédiatement à la FTMH (Fédération des travailleurs de la métallurgie et de l'horlogerie, l’une des futures composantes d’Unia). Mécanicien, il travaille à la fabrique d’automobiles et d’armement Hispano-Suiza.

«Les patrons, ça reste les patrons, juge-t-il, même s’il y en a qui sont plus corrects que d’autres. Pour eux, c’est toujours “moi d’abord”.» Et de donner un conseil aux jeunes générations: «Au lieu de se demander ce que le syndicat peut faire pour eux, les jeunes devraient plutôt se demander ce qu’ils peuvent donner au syndicat.»

Viré pour syndicalisme

Né dans une famille de six enfants, Jean Houlmann, 92 ans, vient, pour sa part, de Saint-Ursanne, dans le Jura, où il y avait aussi une forte tradition syndicale. Lui a adhéré à la FTMH en 1951. «C'était important de se syndiquer, même si les cotisations étaient élevées pour nos salaires d'ouvriers.» Il entre dans l'usine de boîtiers de montres où travaille son père. «Oncles, tantes, cousins, nous étions une quinzaine de membres de la famille Houlmann à y être employés.» Le jeune homme débute dans la profession de tourneur avec un salaire de 1 fr. 50 par heure. «Et il ne fallait pas demander d'augmentation! Une fois, je m'y suis risqué et le patron m'a répondu: “Tu peux partir, et prends ton père avec toi.”»

Jean Houlmann arrive à Genève en 1952. A part un bref retour dans le Jura, il y a toujours vécu depuis lors. Il fait l'essentiel de sa carrière dans l'horlogerie, travaillant notamment chez Chopard. Lui aussi a occupé diverses fonctions syndicales et été juge aux Prud'hommes. Un engagement qui n'était pas sans risques: «En 1957, je me suis fait licencier parce que j'avais participé à un congrès de la FTMH.»

Au moment du dessert, les serveuses apportent un grand gâteau garni de trois bougies étincelantes. Par habitude, elles entonnent Joyeux anniversaire!, ignorant que ce n'est pas pour cela que cette petite assemblée s'est réunie. Qu'à cela ne tienne, on dira qu’on fête les deux siècles et demi de syndicalisme de nos trois vétérans.

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